Source: IPS Afrique. Par Badylon Kawanda Bakiman
Plus de 150 associations de jeunes agriculteurs en République démocratique du Congo (RDC) recourent de plus en plus au manioc TME 419, une variété améliorée utilisée avec des méthodes adaptées pour accroître la production et contribuer ainsi à la sécurité alimentaire.
Déçus par une ancienne variété de manioc (F100), souvent ravagée par la mosaïque, une maladie des plantes, les jeunes agriculteurs des régions de la RDC où le manioc figure parmi les produits les plus consommés par la population, deviennent de plus en plus actifs en expérimentant, depuis trois ans, le TME 419 qui leur permet d’augmenter leur production.
«En 2011, nous avons produit 58 tonnes de manioc TME 419 sur un champ de deux hectares à raison de 29 tonnes par hectare contre 10 à 12 tonnes par hectare avec le F100 en 2010», affirme Romain Twarita, 27 ans, coordonnateur de Action des jeunes pour le développement de Nkara (AJDN), une association de 22 membres opérant dans cette zone située à 90 kilomètres de Kikwit, la capitale de la province du Bandundu, dans le sud-ouest de la RDC.
Twarita ajoute que l’AJDN a également recouru à la méthode de «binage» qui, dit-il à IPS, « vaut deux arrosages ». Il consiste à casser la couche superficielle du sol pour favoriser l’infiltration de l’eau quand il pleut. Les agriculteurs utilisent aussi le « fumier recyclé » et le « compost » pour enrichir le sol en mélangeant des résidus organiques et minéraux.
«La grande difficulté, c’est l’insuffisance des matériels de binage et l’incompréhension des chefs des terres qui vendent cher des portions des forêts de 50 ares à 40 ou 50 dollars selon l’emplacement», explique-t-il à IPS, indiquant que «les 58 tonnes nous ont remporté 25.520 dollars par rapport aux 10.000 dollars en 2010 et 3.000 en 2009 quand nous avions commencé». Il a ajouté qu’en 2012, le défrichage et le binage commenceront en mai.
«Ce manioc est vendu soit localement aux commerçants, soit envoyé à Kinshasa, la capitale de la RDC, et il s’écoule vite», déclare à IPS, Jacques Mitini, président du réseau des organisations paysannes du Bandundu, comprenant 255 associations paysannes dont 70 appartenant aux jeunes agriculteurs âgés de 21 à 33 ans.
Dans la province du Bas-Congo (ouest du pays), le Comité de développement de Kakongo (CDK) utilise le bocage en plantant des arbres, en même temps que les cultures, pour créer des brise-vents pouvant faire maintenir l’humidité du milieu, dans un champ de trois hectares entretenu depuis 2011.
«Nous utilisons la méthode de bocage, c’est pourquoi il y a des brise-vents constituées des plantes de moringa qui fertilisent même la terre sans recourir aux engrais chimiques. L’irrigation intervient également», explique Espérance Nzuzi, présidente de Force paysanne du Bas-Congo, un réseau de 264 associations paysannes dont 87 créées par des jeunes.
«Les 84 tonnes de manioc TME 419 obtenues l’année passée (2011) a rapporté 36.960 dollars par rapport aux 14 tonnes de F100 en 2010 pour une recette de 6.160 dollars», ajoute Nzuzi, soulignant qu’en 2009, le CDK avait obtenu 2.100 dollars avec le F100.
De leur côté, les Jeunes dynamiques de Malulku (JDM), une association de 18 membres dans la périphérie de Kinshasa, la capitale congolaise, se sont engagés dans l’agriculture depuis 2010 en cultivant un hectare, et un autre en 2011.
«Nous pratiquons le binage seulement depuis que nous avons commencé ce métier en 2010 et nous avons produit 15 tonnes de TME 419. Mais en 2011, avec un hectare et demi, la production était de 28 tonnes. Nous y avons mis un peu d’engrais chimique», témoigne Anne Mburabata, 32 ans, présidente de JDM.
«Avant de vulgariser cette variété de manioc, nous avons expérimenté le TME 419. Lors des expériences en 2008, nous avons semé 3.000 boutures de manioc et nous avons récolté 30.000 boutures, soit dix fois plus», indique à IPS, Didier Mboma, responsable des innovations techniques de « Impresa serviti coordinati » (ISCO), une ONG italienne qui offre gratuitement cette variété et participe à sa vulgarisation en RDC.
Mboma affirme également que les jeunes se prennent actuellement en charge grâce à leurs travaux agricoles et participent au renforcement de la sécurité alimentaire.
«Les jeunes agriculteurs doivent tendre vers la professionnalisation de leur métier en maîtrisant toute la chaîne des valeurs, depuis la production jusqu’à la commercialisation, en passant par la transformation», souligne Dr Christophe Arthur Mampuya, chef de service au ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Elevage.
«La variété TME 419 est très performante et figure parmi les meilleures variétés vulgarisées aussi par l’Institut international des technologies agricoles», basé à Kinshasa, avec une antenne à la station de l’Institut national des recherches agronomiques de Kiyaka, au Bandundu, ajoute-t-il.
Selon Mampuya, les jeunes doivent également mettre en place des parcs à bois pour poursuivre la vulgarisation à grande échelle de cette variété.
«Le TME 419 est plus utilisé dans l’ouest que dans l’est de la RDC, mais petit à petit, la variété pourra atteindre tout le pays», indique Paluku Mivimba, président de Confédération nationale des producteurs agricoles du Congo.