Par Chantal Faida Mulenga-byuma
Samedi 06 juillet et mardi 09 juillet 2013, un groupe de jeunes du territoire de Nyiragongo situé à 12 kms de la ville de Goma, chef lieu de la Province du Nord-Kivu/RDC ont décidé d’aller vers leurs champs pour récolter leurs cultures afin de faire face à la faim chronique et aigue qui minent leurs familles dans les camps de déplacés où ils se sont refugiés depuis près d’une année déjà (fuyant les affrontements opposant l’armée loyaliste aux les rebelles du M23 à Kanyaruchiya). Ils s y sont rendus avec les outils qu’il faut, machette, houe, etc.
Arrivés à Kanyaruchinya vers la base de la Monusco, ils ont été stoppés par des tirs de la Monusco qui croyait être en face d’une milice ayant franchie les zones interdites pour aller combattre les mutins du M23 dans leurs positions. Elle se dit privilégié la solution politique avant d’entamer la solution militaire avec la brigade d’intervention déjà déployée sur terrain ayant comme mandat de neutraliser, traquer et désarmer toutes les forces négatives qui écument la région du Kivu.
Pour avoir le cœur net sur la situation, nous avons pris l’initiative d’interroger un de jeunes du groupe, Evariste Mihigo, la vingtaine, qui nous livrent ici les vrais mobiles de leur démarche que d’aucuns jugent suicidaires car les expose à des morts certaines et futiles ; tout en scrutant une dose de rage dans leur démarches.
« Nous ne sommes pas de combattants. Nous sommes des jeunes soucieux de faire face à la famine qui nous guette dans les camps où nous vivons depuis près d’une année. Alors que nous nous dirigions vers nos champs à Kanyaruchinya pour la récolte de nos cultures (haricots, mais etc,) les militaires de la Monusco ont tiré sur nous et nous ont dispersés. Même sans s’exposer à la mort, nous mourrons avec la famine actuelle là où nous sommes en exil. Les organisations humanitaires nous remettent juste un gobelet d’haricot, deux gobelets de farine et quelques litres d’huile pour couvrir tout un mois, un ménage de 8 personnes. Avec ça, aucun ménage ne peut survivre. Nous voulons juste atteindre nos champs, récolter nos cultures et regagner notre camp avec un peu de nourriture. Nous n’avons agressé personne, nous n’étions pas armés comme le confirme la Monusco. Nous n’avons pas l’intention d’engager une guerre avec les rebelles, que ni les FARDC, ni les forces onusiennes n’ont su neutraliser. Près de dix d’entre nous sont gravement blessés et sont présentement internés dans les centres hospitaliers de Goma. Jambes fracturés, tête touchées, bras et colonnes vertébrales endommagés par ceux qui sont censés protéger les civils. C’est insensé.
Notre Etat a failli à sa mission. Il a perdu le monopole de la violence au profit des bandes de forces négatives qui pullulent au Nord-Kivu. On ne peut pas comprendre qu’un groupe armé d’une poignée de gens soutenus par des nations moins puissantes que nous, émerge et s’impose chez nous sans que le désarmement et la neutralisation s’en suivent. La mission onusienne en RDC est complice de notre malheur. Ils ont tout ce qu’il faut à leur disposition mais ils n’agissent pas. Il y a urgence d’un minimum d’Etat capable et minimum pour imposer la loi et l’ordre au Nord-Kivu. Ces dialogues qui tirent en longueur nous n’en voulons plus. Ces forces internationales qui ont peur de s’engager dans la guerre, nous n’en voulons pas. Que l’Etat congolais donne à tous ses citoyens sans discrimination la paix et le pain.
Chantal Faida Mulenga-byuma