Par Jean-Pierre Mbelu
« L’aveuglement et le fanatisme sèment toujours la mort et l’injustice. » – D. Muselet
Des compatriotes auraient-ils une mémoire sélective ? Qui disait, il y a quelques mois, ceci : « Je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en occident ». C’est « Fatshi béton ».
Y a-t-il encore des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités au Kongo-Kinshasa ? Oui. Pourquoi ? La réponse à la question du « pourquoi » ne peut pas être univoque. Elle demande un bon débat sur le temps long et non des oukases…
Le cardinal Ambongo et le secret de polichinelle
Un pays plongé depuis plus de deux décennies dans une guerre perpétuelle et ayant eu, parmi ses filles et fils, des « collabos », videurs du « trésor public », ne peut pas répondre aux besoins essentiels de ses masses populaires. Surtout lorsque ces masses, au lieu de se transformer en masses critiques et de se rassembler en des collectifs citoyens capables de défendre leurs intérêts, passent une bonne partie de leur temps à chanter à la gloire des « autorités morales ».
Le cardinal invite à un engagement réel et résolu pour « la justice sociale », thème très cher aux prophètes du premier testament. Quel péché a-t-il commis en évoquant ce secret de Polichinelle ? Pourquoi serait-il « politiquement correct » de le cacher, de ne pas le nommer ?
Dans un « Etat-raté » où « les politicards » se comportent comme « une mafia », le manque des masses critiques pouvant pratiquer, au niveau des collectifs citoyens, le principe de subsidiarité condamne le politique à ne pas changer de paradigme. Soit !
Dans ce contexte, je ne comprends pas pourquoi, quelques mois après les propos de Fatshi béton, le Cardinal Fridolin Ambongo est attaqué comme un pestiféré lorsqu’il explique, en ses propres mots, « le pourquoi » de l’existence « des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités » ? Il décrie la prise en otage du pays par « un petit groupe de privilégiés » sans citer quelqu’un nommément.
Pour lui, « la meilleure façon d’honorer la mémoire de ce personnage qu’est Laurent Monsengwo Pasinya, c’est de s’engager résolument pour que les richesses immenses dont Dieu a doté notre pays servent réellement au bien de nos populations et non à un petit groupe de privilégiés ». Il invite à un engagement réel et résolu pour « la justice sociale », thème très cher aux prophètes du premier testament (dont Amos). Quel péché a-t-il commis en évoquant ce secret de Polichinelle ? Pourquoi serait-il « politiquement correct » de le cacher, de ne pas le nommer ?
La nécessité d’une thérapie collective
A écouter certaines réactions épidermiques, il y aurait lieu de soutenir que des compatriotes ont une mémoire sélective. Pour eux, « chanter à la gloire » des « politiciens » serait beaucoup plus fort que chercher à débattre, dans le respect et la sérénité, sur les causes proches et lointaines de ces « calamités ». Pourtant, le pays n’est pas encore sorti de l’auberge…
Dans un « Etat-raté » où « les politicards » se comportent comme « une mafia », le manque des masses critiques pouvant pratiquer, au niveau des collectifs citoyens, le principe de subsidiarité condamne le politique à ne pas changer de paradigme.
Cela pourrait se comprendre dans la mesure où plusieurs ont accumulé, au plus profond d’eux-mêmes, les effets nocifs de la violence totale subie pendant plusieurs décennies. Ils peineraient à la transformer en « violence symbolique » à travers des »débats civilisés », des « conflits maîtrisés », des « confrontations vraies et sereines ». C’est-à-dire des débats respectueux d’une certaine éthique du dialogue posant des « interdits » à ne pas violer pour refaire la confiance et la cohésion fraternelles. Une thérapie collective devrait passer par-là, il me semble !
Pour rappel, au cours de son dernier séjour à l’Est du pays, « Fatshi », lui-même, n’a été tendre ni à l’endroit de « la justice », ni à celle de « l’armée » infiltrée. Serait-il devenu l’unique citoyen kongolais pouvant remettre en question ce qui ne va pas au pays, à l’exclusion de tous les autres ? Cherchons où se trouve l’erreur…
Babanya Somba Manya
Génération Lumumba 1961