Par Jean-Pierre Mbelu
»Le petit reste du génie congolais » est toujours au boulot. Bien que les réseaux sociaux soient une machette à double tranchant, ils parviennent à nous livrer de petites informations nécessaires à la compréhension de ce qui se passe dans notre pays. De temps en temps, sur twitter, nous avons des images ahurissantes : » Un politicard en meeting comptant des billets de banque en dollars, des jeunes se disputant les billets de banque qui leur sont jetés, des mamans mécontentes de n’avoir pas touché l’argent qui leur a été promis avant de »faire le plein » au cours d’un meeting, etc. »
Et ces masses de jeunes ou de mamans appâtées momentanément par les billets de banque sont appelées »notre peuple ». Non. Il y a une différence à faire entre »masses populaires » et »peuple ». Les masses populaires sont informes. Elles sont, souvent, »la foule ». Sans âme. Sans esprit. Elles deviennent »un peuple » quand elles sont politisées. Le Cuba a réussi à transformer une partie importante de ses masses populaires en »peuple » en l’initiant à la révolution, au patriotisme, à l’éveil de la conscience historique et politique ; à la connaissance de leurs droits et devoirs. Le chavisme est un autre cas de la transformation des masses populaires en »peuple » (rouge vêtu). Elles ont été sorties de l’ignorance par l’alphabétisation fonctionnelle, par une participation consciente aux comités de base de leur pays (le Venezuela), par une alliance civico-militaire initiée par Chavez et une conscience historique aiguë des enjeux face auxquels leur pays est constamment confronté, etc.
Masses populaires Versus Peuple
Le chavisme, par-delà ses limites, a conféré »une âme », »un esprit » aux chavistes. Ceux-ci survivent à Hugo Chavez quelques années déjà après sa mort et font face, avec courage et audace, à »la guerre de la quatrième génération ». Les exemples peuvent être multipliés.
Si les masses populaires sont informes (sans forme), elles prennent forme et deviennent »un peuple » par l’opération déformatage-reformatage au cours de laquelle elles se débarrassent des âneries, de l’esprit grégaire ou moutonnier, du consumérisme, de l’indignité et de l’inconscience afin de devenir des sujets dignes, volontaristes, conscients de leurs droits, devoirs et libertés fondamentales ; disposés à mener des actions transformatrice d’elles-mêmes et de leur cité.
Si les masses populaires sont informes (sans forme), elles prennent forme et deviennent « un peuple » par l’opération déformatage-reformatage au cours de laquelle elles se débarrassent des âneries, de l’esprit grégaire ou moutonnier, du consumérisme, de l’indignité et de l’inconscience afin de devenir des sujets dignes, volontaristes, conscients de leurs droits, devoirs et libertés fondamentales.
L’opération éducative, informative et formative de la conscience populaire est souvent amorcée par »les petits restes » constituant des »minorités insoumises » à l’ordre dominant et soucieuses de travailler avec des masses critiques à l’avènement d’un pays souverain. Elle présuppose une bonne maîtrise de l’histoire, de la géopolitique, de la géostratégie, des questions liées à l’humanisation de l’humain, etc. Elle n’est pas souvent une action des »masses », d’une multitude de partis politiques. Sa qualité dépend de celle de ces »minorités organisées et réseautées ».
Cette opération est souvent mise à mal par une certaine école, une certaine université et une certaine religiosité soucieuses de fabriquer des »citoyens apathiques », ramasseurs inconscients des miettes tombant des tables des élites compradores ou des politicards opportunistes, chômeurs de longue durée ou affairistes unis dans »un conglomérats d’aventuriers », nègres de service d’une quelconque »néo-colonie ».
Le viol de l’imaginaire
Des pathologies collectives causées par une guerre raciste de prédation et de basse intensité au cœur de l’Afrique et »la négritude de service » nous donnent à voir, tout en étant profondément choqués, ce que »nos masses populaires » sont en train de devenir. Une bonne partie est complètement violée dans son imaginaire.
Les politicards congolais, eux, appellent donc « notre peuple », ces mamans qu’ils appauvrissent en pillant « le non pays » et « le non Etat » congolais avant de les acheter pour « coca ». Et toute protestation à cet état des choses est écrasée dans le sang.
Je prends un exemple. Ces mamans qui, après n’avoir pas reçu l’argent pour lequel elles ont été mobilisées afin qu’elles aillent participer au »meeting d’un premier ministre », se mettent à en parler »normalement ». Elles vocifèrent et ne comprennent pas qu’après leur mobilisation, elles n’aient pas eu »même un coca ». Pour elles, il n’y pas de honte à parler à haute voix, devant une caméra, de la corruption des consciences. Elles peuvent être achetées pour remplir les stades et les autres lieux de meeting pour »un coca ».
Les politicards congolais, eux, appellent donc »notre peuple », ces mamans qu’ils appauvrissent en pillant »le non pays » et »le non Etat » congolais avant de les acheter pour »coca ». Et toute protestation à cet état des choses est écrasée dans le sang. Floribert Chebeya, Vincent Machozi, Rossy Mukendi, etc. en savent quelque chose. Donc, »ils vendent (ou tuent)le juste pour de l’argent, le malheureux pour une paire de scandales » (Amos 2, 6).
Pour ces criminels et malfaiteurs, remplir les stades, au prix du mépris de nos mamans et de nos jeunes est »un objectif politique ». Appauvrir pour avilir et assujettir est »un objectif politique ». Et ils appellent la majorité d’appauvris, d’avilis, d’assujettis et de soumis »notre peuple ». Grave !
Il y a une urgence : le changement de paradigme
Cet avilissement a atteint des niveaux inégalables chez certains politicards. Avides et cupides, ils ont trouvé le moyen d’aiguiser »le goût de l’avoir » chez »les masses populaires » : les rassembler et compter devant eux l’argent en »billets verts ». Et ils appellent cette vénalité trahissant un vide intérieur sans fond »notre richesse ». Cet argent volé, ils l’exhibent devant des »masses hébétées » comme étant »la richesse de leurs partis politiques ». Terrible ! Et ils appellent ces »masses hébétées », »notre peuple ».
Il y a une urgence : le changement de paradigme pour un »To be or not to be ». Tel est l’enjeu. Etre ou ne pas être. Etre soi, souverain pour mieux organiser les mécanismes de production de »l’avoir collectif ». Or, chez nous, avec »toutes ces églises prônant la prospérité à tout prix », les imposteurs sont sur un terrain conquis pour poursuivre leur sale boulot d’avilissement des cœurs et les esprits. Disciples du ventre, ils sont en train de convaincre »nos masses populaires » qu’être acheté pour le prix d’un coca leur permettra d’être ouvertes à la prospérité et de la partager demain. Du bluff !
Il y a une urgence : le changement de paradigme pour un « To be or not to be ». Tel est l’enjeu. Etre ou ne pas être. Etre soi, souverain pour mieux organiser les mécanismes de production de « l’avoir collectif ».
Ces imposteurs affirment qu’ils sont pour un Congo prospère. Dans la totale impunité de leurs crimes contre l’humanité, de leurs crimes de guerre et de leurs crimes économiques permanents. Et nos »masses populaires » non converties en »notre véritable peuple » disent : »Amen ». Elles confondent, comme dirait Fweley, le remplissage de terrains de jeu et celui de terrains politiques. Ils confondent »football » et »politique ». Elles croient qu’elles sont »peuple » en étant réduites au rang de thuriféraires, de tambourinaires et d’applaudisseurs.
Avec plus de 500 partis politique, l’opération déformatage-reformatage susmentionnée risque de n’est pas être au rendez-vous. Le plus tôt…Il faut commencer quelque part. Dieu merci ! »Le petit reste du génie congolais » l’a compris.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961