L’analyste politique jean-Pierre Mbelu décrypte les enjeux de la démocratie au Congo aujourd’hui, souligne le manque de crédibilité et l’hypocrisie de la communauté internationale donneuse de leçons, explique pourquoi le Congo n’existe plus en tant que pays et appelle les congolais à se mobiliser et s’organiser pour pouvoir mettre fin à cette situation d’inhumanité et d’indignité que connaît le pays, et éviter notre disparition en tant que peuple historique.
Sur la nouvelle loi modifiant la commission électorale nationale indépendante
Kabila étant un président illégitime, il ne peut promulguer aucune loi. Toutes les lois qu’il peut promulguer sont illégales et illégitimes. Il règne par défi. Si les adeptes du réalisme politique peuvent dire qu’il a l’effectivité du pouvoir. Mais tomber dans ce faux réalisme politique, c’est oublier que ce n’est pas lui qui gouverne le Congo. La RDC est une colonie de la communauté internationale, gouvernée par l’ONU via la MONUSCO. Kabila n’a aucune effectivité du pouvoir.
Sur la crédibilité de la communauté internationale
Toutes ces questions dont on pense que leurs solutions sont liées aux oligarchies des pays occidentaux, qui aujourd’hui se sont vendus au marché economico-financier, devraient être oubliées. Nous ne pouvons pas nous référer à ces oligarchies qui n’ont jamais accepté que leurs peuples puissent être souverains et jouir de la démocratie. Comment voulez-vous que M. Hollande, par exemple, qui est allé dernièrement en Chine et n’a posé aucune question sur le respect des droits de l’Homme, puisse être une personne dont les Congolais puissent se fier pour régler les problèmes qui se posent dans notre pays (comme certains ont pu le penser pendant le sommet de la Francophonie)?
Ces messieurs font partie des oligarchies du pouvoir et qui essaient de nous berner en nous faisons croire qu’ils tiennent au respect des droits de l’Homme pendant qu’ils organisent des guerres néocoloniales. Nous ne devons pas analyser la situation de nos pays en se référant à des gens comme François Hollande.
Nous devons voir comment nous, en tant que peuple, en tant que citoyens, pouvons penser à l’avenir de nos pays sans nous en référer à la rhétorique mensongère de ces dirigeants occidentaux. En tant qu’oligarchies occidentales ayant pris leurs peuples en otage, ces pays sont devenus de moins en moins crédibles.
Sur la démocratie au Congo
Si nous avons une question de démocratie à poser chez nous, ça doit aller dans le sens de la démocratie participative, directe et populaire comme elle est en train de s’épanouir aujourd’hui dans certains pays d’Amérique latine. Nous n’avons plus à avoir l’Occident comme unique référence. Parce que l’Occident a perdu toute souveraineté et toute démocratie.
Si nous avions des questions à approfondir du point de vue de la démocratie, nous devons le faire en examinant nos propres orientations, sans nous référer à ces messieurs là.
Le Congo tel qu’il se porte aujourd’hui ne peut faire des avancées démocratiques. Parce que ce sont les oligarques occidentaux qui créent les marionnettes qui gèrent aujourd’hui la sous-région des Grands Lacs. Ces marionnettes ne font que de la prédation, de la corruption et du clientélisme de très mauvais goût. Nous avons un travail sérieux à faire pour changer de système. Et on ne va changer de système avec les prédateurs actuels. Aujourd’hui, le Congo, comme pays, n’existe plus.
Sur le discours du 24 avril 1994 de Mobutu (sur l’ouverture politique)
Quand Mobutu présente son discours du 24 avril 1994, le Zaïre de cette époque était très avancé du point de vue de la mobilisation populaire, du point de vue de la critique politique. Nous avons depuis connu, une régression inimaginable. Parce que Mobutu était l’otage du système qu’il avait créé et qui le portait. Et les quelques propositions positives qu’il avait pu avancer n’ont pas été réalisées. Ce qui fait qu’avec les faux libérateurs de la guerre de 1996, notre pays a connu une régression terrible. Il y a, aujourd’hui, un petit réseau de prédateur qui a pris notre pays en otage, et qui corrompt et clientélise un pays d’environ 70 millions d’habitants…
Aujourd’hui, le Congo comme pays n’existe plus. Et si, nous ne nous mettons pas debout en constituant des grands mouvements fédérateurs qui pourraient englober les plus de 400 partis politiques congolais pour remettre ce pays là sur les rails, nous allons disparaître comme peuple historique. Et demain, on parlera de nous en évoquant la légende de ce pays là.
Sur le pillage du Congo
Le Congo est aujourd’hui pillé par ses propres fils et ses filles avec bien sûr la complicité de leurs parrains extérieurs… Du point de vue de ce qui se passe à l’intérieur de notre pays, les faux libérateurs de 1996 sont en train de nous tuer à petit feu et de tout faire pour que ce pays disparaisse comme entité culturelle, politique et géographique. Nous sommes en train de disparaître comme peuple par la cupidité, la voracité, la corruption et le clientélisme dans lesquels certains congolais sont tombés avec la complicité des faux libérateurs et de leurs parrains.
Sur l’émergence d’une nouvelle catégorie d’acteurs et activistes politiques congolais
Nous avons tout intérêt à soutenir et à pouvoir rejoindre les compatriotes qui se sont mis debout et qui tiennent à rester debout pour que nous ne disparaissions pas comme peuple historique.
Le danger aujourd’hui ne se situe plus au niveau de la guerre qui nous est faite à l’Est du Congo. Le danger se situe à tous les points de notre pays, dans toutes provinces, et le danger se situe au niveau de nos propres frères et sœurs et de ceux qui les soutiennent de l’extérieur. Nos propres frères et sœurs sont plus dangereux que les ennemis de l’extérieur.
Dieu merci, il y a encore des compatriotes, notamment à l’extérieur du pays, qui comprennent que si nous ne nous mettons pas debout pour résister contre cette disparition lente mais sûre de notre pays, nous allons disparaître comme peuple historique.
Sur le Rwanda et sa surpopulation
Le Rwanda a un problème de surpopulation mais il ne peut exiger que le Congo engloutisse ce qu’il considère comme étant sa population excédentaire. Le Rwanda préfère nous faire la guerre pour que le trop plein de sa population reste chez nous alors qu’il y avait moyen de procéder autrement, à savoir une intégration politique respectueuse de la souveraineté du Congo et du Rwanda. Le Congo est un sous-continent, si nous avions des traités politiques clairs, on pouvait s’entendre pour qu’une partie de cette population vienne chez nous. Mais le Rwanda préfère passer par cette identité flottante pour que les rwandais qui sont déjà chez nous deviennent automatiquement congolais.
Même s’il y a lieu de se plaindre de ce qui est en train de se passer aujourd’hui, les congolais ne sont pas aussi bêtes que le monde le croit. Les congolais se retrouvent aujourd’hui dans tous les coins du monde, ils finiront par prendre leur revanche, malheureusement, et cela risque de coûter très cher aux générations futures. Parce que vous ne pouvez pas impunément humilier tout un peuple pendant autant d’années. Cette humiliation risque de se transformer en une haine qui peut provoquer des dégâts que ceux qui créent cette haine aujourd’hui, ne seront pas capables de supporter demain.
Sur les prisons en RDC
Le Congo aujourd’hui est une prison à ciel ouvert. Personne, en dehors du réseau de la Kabilie, ne parle au Congo. Si vous le faites, on vous arrête ou on vous tue tout simplement. On peut faire des constats comme la Croix Rouge sur l’état des prisons en RDC, remarquer que nos prisons sont surpeuplées, mais malheureusement, on ne remonte pas à ce système qui conduit à la guerre d’une minorité de nouveaux prédateurs et des oligarques ayant organisé un réseau transnational pour faire de notre pays une prison à ciel ouvert. Et comme nous nous rendons de plus en plus compte de cette situation, c’est à nous congolais, aux minorités organisées congolaises, au grand mouvement que les congolais doivent créer, qu’il appartient de se mobiliser pour pouvoir mettre fin à cette situation là, d’inhumanité et d’indignité.