Par Jean-Pierre Mbelu
« Ils nous dominent plus par l’ignorance que par la force » S. BOLIVAR
A force de courir derrière ce qu’ils croient être les questions d’actualité, plusieurs compatriotes loupent les occasions offertes pour traiter et débattre des problématiques essentielles. Personnellement, je ne comprends pas comment le non-compréhension des causes profondes de la régression et/ou de l’appauvrissement anthropologique d’une portion importante de nos populations par Fatshi béton n’a pas pu devenir le sujet de plusieurs débats citoyens au pays. Je ne comprends pas. Je m’explique. Voici ce que dit Fatshi béton : « Je ne comprends pas pourquoi des gens meurtris, affamés, frappés par le chômage et tous genres de calamités chantent à notre gloire alors qu’ils devraient nous exiger plus comme c’est le cas en occident »
Dans la première partie de cet article, j’ai formulé l’hypothèse selon laquelle cette non-compréhension peut être rhétorique. C’est-à-dire qu’il comprend réellement ce qui se passe et fait semblant de ne pas comprendre pour demander à ses compatriotes « meurtris, affamés, frappés de chômage et tous genres de calamités d’exiger plus au lieu de chanter à leur gloire ».
Fatshi Béton et les victimes collatérales du génocide rwandais
Il se pourrait aussi que cette non-compréhension soit réelle. Certaines preuves pourraient être données. Au cours de l’une de ses sorties médiatiques, Fatshi béton a affirmé que les morts kongolais au cours de la guerre raciste de basse intensité menée contre le pays de Lumumba par « l’impérialisme intelligent » ont été et/ou sont (jusqu’à ce jour) des victimes collatérales du génocide rwandais.
Pourquoi croit-il que les morts kongolais sont des victimes collatérales du « génocide rwandais » ? A-t-il lu, par lui-même ou par ses conseillers interposés le Rapport Mapping et les 617 cas de crimes qu’il a répertoriés ? Sait-il que la guerre contre l’Ouganda et le Rwanda avait pour objectif final la conquête des esprits, des têtes et des cœurs kongolais par « les maîtres du monde » aidés par « les huissiers du capital » ? Sait-il que cette guerre raciste de basse intensité avait pour objectif de produire « des Etat ratés » et l’un d’entre eux devrait l’être cœur de l’Afrique?
Encore une fois, cette prise de position falsificatrice de l’histoire du pays n’a presque pas soulevé de grands débats citoyens. Pourquoi ? Peut-être à cause de l’ignorance, de « l’imbécilisation » et de l’abrutissement collectifs que le philosophe Kalala Jean Goubald qualifie de « ndombolisation des esprits ».
Dans le chef même de Fatshi béton, qu’est-ce qui pourrait justifier ce « négationnisme » ? Pourquoi croit-il que les morts kongolais sont des victimes collatérales du « génocide rwandais » ? A-t-il lu, par lui-même ou par ses conseillers interposés le Rapport Mapping et les 617 cas de crimes qu’il a répertoriés ? Sait-il que la guerre contre l’Ouganda et le Rwanda avait pour objectif final la conquête des esprits, des têtes et des cœurs kongolais par « les maîtres du monde » aidés par « les huissiers du capital » ? Sait-il que cette guerre raciste de basse intensité avait pour objectif de produire « des Etat ratés » et l’un d’entre eux devrait l’être cœur de l’Afrique comme l’a si bien écrit Edward Herman (Produire des « États ratés », par Edward S. Herman)?
D’ailleurs le même Edward Herman et David Peterson- deux américains- estiment que la guerre du Rwanda et du Kongo-Kinshasa fait partie des « guerres secrètes US » au cours desquelles le choix de Kagame fut bien planifié ( Paul Kagamé : « Our Kind of Guy », par Edward S. Herman, David Peterson). Un autre article rédigé longtemps après celui de ces deux américains corrobore leur hypothèse. Le voici : Les guerres secrètes des États-Unis mettent l’Afrique en danger | Arrêt sur Info (arretsurinfo.ch) . Alors, compter Kagame parmi ses « partenaires fiables » et taxer les millions des morts kongolais de ces « guerres secrètes » de victimes collatérales, cela pourrait se comprendre. Cela pourrait trahir un certain mépris dont les conséquences peuvent, à long terme, être incalculables.
Fatshi, les djalelistes et la perversion
Fatshi aurait-il besoin d’un apprentissage des tenants et des aboutissants de ces « guerres secrètes made in USA » pour éviter, dorénavant, une prise de parole hasardeuse sur les victimes qu’elles ont produites au Kongo-Kinshasa et sur la régression anthropologique qu’elles ont engendrée ?
Plusieurs « djalelistes » kongolais sont des « héritiers » de la dictature de Mobutu, « petite main » des forces dominantes du capital. Après lui, ils ont été infantilisés sous le régime d’un « Mobutu light » dénommé « Raïs 100% », « Ye meyi », « Shina Rambo », etc. Ces « djalelistes » ont gobé, pendant de nombreuses années, des discours pervers et infantilisants. Or, le propre de la perversion, selon certains psychiatres et psychologues, est d’assujettir.
Pour dire les choses autrement, la connaissance de l’histoire de ces « guerres secrètes » l’aiderait à comprendre que « l’imbécilisation collective » n’est pas une génération spontanée. Elle est l’un des leurs objectifs poursuivis. Elle est le signe de la conquête des « terrains » insoupçonnés par plusieurs compatriotes comme l’analyse cet article :Le terrain et les terrains ignorés et/ou oubliés au Kongo-Kinshasa – INGETA .
Cette conquête dure depuis plus d’un siècle. Lumumba et ses amis ont cru qu’ils pouvaient y mettre fin. Ils n’ont pas pu. « Les maîtres » et « les décideurs » ont installé la dictature de Mobutu. Et sous cette dictature, l’abêtissement a atteint son comble. Elle a tellement mangé les têtes et les esprits qu’ils en sont arrivés à normaliser l’anormal. Chanter le « djalelo » pour les compradores et les dinosaures ne posait aucun problème. En effet, écrit Alain Torsato, « je vous rappelle que les personnes qui n’auront connu que la dictature et qui auront été formatées dès le plus jeune âge comme les enfants, penseront naturellement que tout ceci est « normal ». »
Oui, plusieurs « djalelistes » kongolais sont des « héritiers » de la dictature de Mobutu, « petite main » des forces dominantes du capital. Après lui, ils ont été infantilisés sous le régime d’un « Mobutu light » dénommé « Raïs 100% », « Ye meyi », « Shina Rambo », etc. Ces « djalelistes » ont gobé, pendant de nombreuses années, des discours pervers et infantilisants. Or, le propre de la perversion, selon certains psychiatres et psychologues, est d’assujettir. « En psychanalyse, écrit Catherine Avice, la perversion vise à abolir le « sujet » chez celui ou celle qui en est la victime. La personne humaine chez qui le « sujet » est ainsi aboli se trouve réduite à une position « d’objet », et devient ainsi l’objet de la jouissance du pervers. Le processus même menant à une telle abolition du sujet, n’est pas moins source de jouissance pour le pervers qui assiste à la dégradation subjective de sa victime, laquelle finit par ne plus pouvoir faire autre chose que se plier aux exigences de son bourreau. C’est une destruction progressive. Un tel phénomène ne se cantonne pas à la relation duelle amoureuse où il est bien connu, il se rencontre également à l’échelle d’une population quelle qu’elle soit (entreprise, nation, …). »
Fatshi et le jeu de dupes
Donc, les fanatiques, les tambourinaires et les applaudisseurs de Fatshi béton et de ses copains et coquins sont les victimes de la perversion de ces derniers et de ceux qui les ont précédés. Cette perversion a produit la chosification des appauvris anthropologiques afin qu’ils ne soient capables de rien d’autre que de « chanter à la louange de Fatshi béton, de ses copains et coquins » qui, eux aussi, sont, à quelques exceptions près, « les petites mains » des « décideurs » et des autres forces dominantes du capital.
Les vassaux « wengetisés » et « wengetisants » succombent à ce jeu de dupe en refusant toute possibilité de concevoir, ensemble, un projet collectif pour le pays. Ils refusent aussi de se constituer un leadership collectif dans la mesure où assujettis, ils n’ont d’autre objectif que de plaire aux « fondés du pouvoir du capital ».
Et ces « petites mains du capital » sont réduites par « les fondés du pouvoir du capital » au rang des vassaux. Et les vassaux, en principe, selon leurs maîtres, ne doivent pas coaliser. Si elles le font, elles risquent de devenir trop forts. Alors, plusieurs stratagèmes sont inventés pour les diviser et les rendre odieux auprès des populations meurtries et conscientes des causes de la perte de leur « bomoto ». L’un de ces stratagèmes, ce sont « les élections-pièges-à-cons » et « le pouvoir-os » qu’elles miroitent avec les costumes et les cravates qui vont avec.
Les vassaux « wengetisés » et « wengetisants » succombent à ce jeu de dupe en refusant toute possibilité de concevoir, ensemble, un projet collectif pour le pays. Ils refusent aussi de se constituer un leadership collectif dans la mesure où assujettis, ils n’ont d’autre objectif que de plaire aux « fondés du pouvoir du capital ». Comment sortir de ce cercle vicieux sans analyser et comprendre les causes profondes de cet assujettissement collectif ? Comment prétendre gouverner un pays sans une connaissance consciente et consciencieuse de ces causes profondes de « l’imbécilisation » et de la mendicité collectives » ainsi que de « la politique du diviser pour régner »? (à suivre)
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961