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Pour une réinvention de l’imaginaire politique au Congo

Pour une réinvention de l’imaginaire politique au Congo

Pour une réinvention de l’imaginaire politique au Congo 1024 768 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu souligne comment le processus politique actuel vise à poursuivre le travail de néocolonisation du Congo, prône la mise en place d’un grand mouvement de base, et explique pourquoi non seulement le processus électoral ne sert à rien dans des pays comme la RDC mais aussi pourquoi nous devons réinventer l’imaginaire politique.

Sur le processus politique au Congo

Les congolais ne sont pas maîtres du processus « politique » tel qu’il est mené au Congo aujourd’hui. Ceux qui tirent les ficelles sont tapis dans les ambassades des pays qui estiment, depuis 1885, que le Congo est leur chasse gardée. Le processus politique au Congo est piloté de l’extérieur. La question qui vaudrait la peine d’être posée est la suivante : A quoi sert ce processus ?
Ce processus sert à avancer sérieusement dans la néocolonisation du Congo. Les codes minier et forestier du Congo participent de l’accaparement des terres congolaises riches en matières premières stratégiques et des forêts congolaises. Quand vous vous laissez prendre vos terres et vos forêts, que vous reste-t-il ? Il ne vous reste plus rien. Il ne vous reste plus que les costumes et les cravates. Nous sommes face à des compatriotes avec leurs amis des pays voisins, qui sont en train de vendre le Congo en recourant à un processus dit politique qu’eux-mêmes ne pilotent pas.
Si nous limitons nos analyses au processus électoral tel qu’il est en train de se faire, nous risquons de faire le jeu, de ceux qui voudraient voir le Congo s’enfoncer sérieusement dans le processus de colonisation. Le processus électoral est une distraction qui ne permet pas aux congolais de pouvoir échanger sur les questions essentielles.

Sur la nécessité d’un mouvement de base

Nous apprenons de plus en plus à connaître l’autre. Comment l’autre fonctionne-t-il ? Pourquoi parvient-il à certains moments à mettre des accents sur des individus et processus distrayants ? Ce questionnement nous amène à ne pas trop nous focaliser sur ce qui apparaît comme la priorité de l’autre et de ses sous-fifres. Le processus électoral, aujourd’hui, dans plusieurs pays du monde, qui sont néocolonisés, ne sert absolument à rien, parce que c’est un piège à cons. Voilà pourquoi le meilleur processus qu’on devrait enclencher au Congo serait celui de la formation d’un grand mouvement de base, composé de jeunes, de paysans, de femmes, d’universitaires, qui cherchent à pouvoir travailler à la récupération des terres congolaises, à la revisitation du code minier et du code forestier, pour éviter que la néocolonisation du Congo puisse prendre une vitesse de croisière. Si tout le monde se laisse entraîner dans ce processus vicieux et vicié, ils auront à répondre demain de leur irresponsabilité.

Sur les querelles de clocher et les députés congolais

Le professeur André Mbata Mangu a montré qu’il n’y a pas de confusion possible dans les articles de la constitution quant à la question de l’élection et du mandat présidentiel. Ce que nous avons actuellement sont des querelles de clocher, des querelles d’un groupe d’individus. Il serait important que les congolais retiennent les noms de ces 300 ou 400 députés, qu’ils les archivent pour que jamais demain, ces élites compradores et leurs progénitures ne puissent faire de la politique au Congo. Ils font la honte des congolais.
Demain s’il y a renversement des rapports de force, et si la question de la direction est résolue. Il ne faudrait pas que des femmes et des hommes de cet acabit puissent refaire de la politique au Congo. Parce que le problème n’est pas de faire de la politique, le problème est celui de se laisser corrompre. Ils sont tellement égoïstes et cupides que même là où les questions à débattre sont claires, ils essaient d’inventer des querelles de clocher.
Il y a une confiscation de l’espace politique congolais par des aventuriers. Quand nous nous en appelons à l’irruption des masses populaires dans l’arène politique, c’est pour qu’il y ait constamment un renouvellement de ces structures et institutions politiques. Pourquoi est-ce que demain, on ne mettrait pas fin au carriérisme politique ?

Sur la réinvention de l’imaginaire politique

Il faut réinventer l’imaginaire politique. Mais la réinvention de l’imaginaire doit se faire au niveau des masses populaires. Les intellectuels organiques et structurants doivent être au cœur des masses populaires, comme des poissons dans l’eau, comme le levain qui fait lever la pâte. Ils doivent rappeler à ces masses populaires que nos ancêtres appelaient la politique à devenir une palabre à laquelle tout le monde participe pour les aider à comprendre que l’espace politique ne peut pas être abandonné dans les mains de quelques carriéristes. Il faut aller avec les masses vers l’approfondissement de nos cultures et traditions politiques pour travailler au changement de paradigmes et à la réinvention de leur imaginaire.
Il faut urgemment travailler avec les élites organiques et structurantes éveillées à la restructuration, et à la réinvention de l’imaginaire. C’est indispensable. Voilà pourquoi nous en appelons à la révolution culturelle. La réinvention de l’imaginaire doit constamment conjuguer la prise de conscience de ce qu’on a comme tâches en tant que citoyen et la connaissance (du petit cercle d’aventuriers, de l’autre qui utilise ce petit cercle d’aventuriers pour pouvoir néocoloniser les congolais).
L’une des prises de consciences à laquelle doivent s’adonner les masses, c’est de remarquer que nous avons une petite clique qui fait partie des dominants qui trompe souvent les masses en leur faisant croire qu’elle est à leur service, une clique qui les paupérise.

Sur les partis politique avant-gardistes

Quelques temps, avant notre indépendance, notre héros national, Patrice Lumumba, que le Congo et l’Afrique auraient des difficultés à se tirer d’affaire s’ils pratiquaient la politique partisane. Voilà pourquoi Lumumba optait pour la constitution d’un grand mouvement populaire, qui serait placé en face d’un adversaire identifié. Or aujourd’hui, il y a tellement multiplication des partis politiques que nous en arrivons à cautionner la politique du diviser pour régner.
Aujourd’hui nous n’avons pas de partis politiques avant-gardistes au Congo. Si nous en avions, les rapports de force auraient été renversés depuis la mort de Laurent-Désiré Kabila ou même depuis la conférence nationale souveraine.
Les partis politiques avant-gardistes devraient être les partis politiques des masses populaires.

Sur les élections

Le dialogue est un passe temps. Et il va servir à quoi ? Même s’il y avait des élections demain, ce ne sera pas un processus électoral qui puisse répondre aux questions majeures et essentielles que se posent les congolais. Est-ce que ces élections vont changer le système néocolonial dans lequel se trouve le pays ? Voilà autant d’années que nous sommes sous-tutelle et sous occupation, et vous participez à cette néocolonisation pour être constamment en costume cravate. Pouvez-vous enlever vos costumes et cravates, pour aller expliquer ce qui se passe du point de vue du code minier, du code forestier, du point de vue de votre main tendue à la Banque Mondiale et au FMI, alors que nous avons aujourd’hui des livres qui montrent comment ces institutions participent à la mort des peuples.

Sur Jean-Marie Kalonji, les enlèvements et assassinats au Congo

A quoi sert-il de livrer nos jeunes à ces bourreaux si nous ne sommes pas capables de les protéger ? Depuis quelques années, certaines filles et certains fils du Congo sont tués, parce qu’ils se lèvent pour pouvoir réclamer l’indépendance réelle de ce pays. Ne serait-il pas prudent que ces jeunes comprennent qu’il faut d’abord pouvoir travailler à la mise sur pied de grands mouvements structurés qui développent des stratégies, des méthodes et des mécanismes d’actions. Si l’un d’entre nous est arrêté, que faisons-nous juste après ?
Au cours d’une lutte qui prend autant de temps, que l’on soit prudent ou pas, il y a des hommes et des femmes qui tomberont au front. C’est sur et certain. Mais leurs sang, sueurs et souffrances vont féconder la lutte, pour l’émancipation du pays. Cette lutte n’est pas simple. Elle est dure, âpre et longue, et il ne faut pas la limiter au niveau local. Regardez ce qui se passe au Brésil, en Argentine ou au Venezuela. Ce sont les mêmes dominants fondés sur l’argent, le pouvoir et les médias qui essaient de casser toute dynamique d’émancipation des peuples. Dans cette perspective, on peut comprendre sans le justifier que des Jean-Marie Kalonji croupisse en prison, qu’un père Vincent Machozi puisse être tué, que Chebeya ait été assassiné.

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