Source: Mediacongo.net. Kinshasa, 3/03/2012.
Nouveau rebondissement dans l’affaire qui met en cause la Britannique Soco International concernant l’exploration pétrolière dans la concession du parc national des Virunga. Après avoir cédé en 2011 aux pressions extérieures en suspendant les activités exploratoires de Soco, Kinshasa vient de faire un revirement spectaculaire en autorisant à nouveau la Britannique à mener des explorations, juste par voie aérienne, dans le bloc à problème. Suspense !
Malgré la suspension de ses activités d’exploration pétrolière dans le bloc 5 du Graben Albertine, situé en plein cœur du parc des Virunga, la Britannique Soco International ne s’est jamais avouée vaincue. Elle vient de refaire surface. Et de quelle manière ?
Aux dernières nouvelles, comme le rapporte l’agence américaine Bloomberg citant le ministre de l’Environnement, Conservation de la nature et Tourisme, José Endundo Bononge, Soco International a finalement obtenu du gouvernement l’autorisation de procéder à l’«exploration aérienne» du bloc 5 du Graben Albertine. Kinshasa, à en croire le ministre Endundo, motive sa décision par le souci de connaître exactement le volume des réserves pétrolières de ce bloc. Ce qui vraisemblablement, pensent les experts du secteur, devait servir à orienter sa décision concernant l’exploitation dans le parc des Virunga, jusque-là classé patrimoine commun de l’humanité par l’Unesco. «Nous avons besoin d’évaluer la quantité des réserves de pétrole dans la région pour aider le pays à décider si elle doit permettre l’exploration dans le parc», a dit Endundo, interrogé par Bloomberg. Selon lui, l’évaluation portera au cas par cas sur tous les blocs pétroliers de l’Est et pourrait être prêt dans les deux prochains mois.
«Nous espérons mener une enquête aérienne sur le lac Edouard au cours du deuxième trimestre» de cette année, a indiqué, de son côté, Roger Cagle, vice-président de Soco, dans un courrier électronique transmis à Bloomberg. Jusqu’à ce jour, a-t-il dit, «aucun contrat n’a été signé à ce Bloc», réaffirmant donc la propriété du bloc 5 du Graben.
C’est donc un rebondissement dans cette affaire, après la grande mobilisation internationale qui avait fini par contraindre le gouvernement congolais à suspendre toute exploration dans le bloc. Décidément, Soco revient, certes à petits pas. Désormais, la Britannique Soco ne cache plus ses prétentions sur le pétrole du parc des Virunga.
L’on est ainsi parti pour une nouvelle saga. Pourtant, des organisations internationales de défense de l’environnement telles que Greenpeace, à côté de l’Unesco, restent toujours à l’affût, décidées à faire échec au projet d’exploitation pétrolière dans le parc national des Virunga.
ENTRE LA BIODIVERSITE ET LE PETROLE
Kinshasa doit donc faire un choix. Doit-il se conformer aux engagements internationaux souscrits notamment auprès de l’Unesco ? C’est le premier scénario. Le deuxième lui obligerait notamment à ouvrir le parc des Virunga à l’exploitation pétrolière, tout en sacrifiant, par conséquent la protection de sa biodiversité. C’est tout le dilemme pour le gouvernement.
Interrogé par Bloomberg, le ministre de l’Environnement a semblé ne pas négliger cette deuxième hypothèse. Selon lui, la levée à peine voilée de la mesure d’interdiction qui frappait jusqu’alors Soco International est dictée par le souci de connaître exactement les réserves pétrolières du bloc 5 du Graben.
Décidément, Kinshasa serait à la recherche d’un alibi pour se couvrir contre la pression internationale lorsqu’il s’agira d’autoriser à nouveau Soco à explorer réellement dans le parc. Sa démarche est bien simple. Il s’agit dans un premier temps d’avoir une idée sur les réserves de ce bloc, question de motiver ultérieurement sa décision.
Plus loin, toujours au micro de Bloomberg, le ministre Endundo a justifié le choix de Soco par le retard pris par l’Union européenne dans les conclusions de l’étude confiée au cabinet Safege SA (filiale de Veolia Environnement). Le cabinet Safege était recruté, sur financement de la Commission européenne, pour mener une étude environnementale sur l’exploration et l’exploitation du pétrole du parc des Virunga.
Les conclusions de cette étude devaient éclairer la lanterne du gouvernement pour lever une option définitive sur l’activité pétrolière dans la concession du parc des Virunga. En effet, le site d’exploitation pétrolière querellé couvre une superficie de 7 mille km², allant de Rumangabo, en territoire de Rutshuru jusqu’à Kasindi port au Nord en territoire de Beni, en longeant le lac Edouard au cœur du parc national des Virunga. Or, pour Endundo, «l’étude de l’Union européenne ne permet pas de connaître la quantité des ressources» de ce bloc. D’où, sans doute, le retour vers Soco, pourtant interdite d’exploration sur une décision du même ministre de l’Environnement.
Ce revirement spectaculaire de l’Exécutif central inquiète plus d’un. C’est désormais une affaire de gros sous dans laquelle s’entrecroisent des intérêts de tous genres. Pas forcément celui de la République démocratique du Congo.
Aussi, entre les pétrodollars et la protection de la nature, Kinshasa a déjà fait son choix, dicté certainement par des motivations financières et non écologiques. Le retour de Soco International risque de ternir davantage les rapports déjà tendus entre la RDC et ses nombreux partenaires au développement.
Le retour, même par la voie aérienne, de Soco International dans le parc, témoigne à suffisance des dysfonctionnements qui minent encore la chaîne de gestion des ressources naturelles en RDC.
Le parc des Virunga est le plus ancien parc national de la RDC et d’Afrique. Créé en 1925, et situé au centre du Rift Albertin dans l’Est de la RDC, le parc couvre en partie les montagnes des Virunga, près du Rwanda et de l’Ouganda. Il est très riche par sa faune et sa flore. S’étendant sur 790.000 ha, le parc des Virunga présente une diversité d’habitats incomparable, allant des marécages et des steppes jusqu’aux neiges éternelles du Ruwenzori, à plus de 5.000 m d’altitude, en passant par les plaines de lave et les savanes sur les pentes des volcans.