L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu revient sur l’image, la mémoire et la contribution de Mzee laurent désiré Kabila, 15 ans après sont assassinat du 16 janvier, analyse les enjeux et les conséquences de la falsification de notre histoire et explique pourquoi le fait que les congolais puissent contrôler et gérer eux-mêmes leurs richesses soit source des guerres, assassinats et conflits en tous genres.
Sur l’image et la contribution de Mzee Laurent Désiré Kabila
Ce que nous avions manqué, lors de l’entrée de Kabila à Kinshasa, c’est la sagesse. Nous n’avions pas compris que ceux qui avaient assassiné Lumumba en 1961 et qui l’avaient fait remplacé par Mobutu savaient que Mobutu était malade et qu’il fallait qu’il parte. Après qu’ils aient soutenu sa dictature pendant plus de 30 ans, les mêmes ont joué la carte de la libération pour duper les congolais et les africains des Grands Lacs Africains. Parce qu’ils travaillent avec des Think-tanks, parce qu’ils ont appris à connaître les congolais de l’intérieur, ils savaient que n’importe qui venant à ce moment pourvait être accueilli en libérateur, parce que les congolais en avaient marre de Mobutu, ils ont fabriqué une marionnette. Voilà pourquoi la connaissance de l’autre est importante. Si cet autre, celui qui est en face de nous, celui qui se présente à nous, à plusieurs étapes de notre histoire, comme notre adversaire, comment agit-il ? Comment fait-il pour se débarrasser de ces nègres de service afin de nous en présenter d’autres ? Ce sont les questions que nous devrions régulièrement nous poser.
Sur la falsification de l’histoire
Mzee Kabila s’est rendu compte lui-même que ceux qui l’avaient ramené au Congo n’avaient pas envie d’aider le Congo à amorcer un développement endogène. C’est ainsi que, s’étant rendu compte du coup fourré qu’ils lui faisaient, et aussi, avec le fait que les congolais s’étaient réveillés et s’étaient rendus compte Mzee Kabila était un cheval de Troie, Mzee Kabila va se retourner contre ses amis rwandais et ougandais, et le 2 août 1998 une guerre va éclater à Kinshasa. Et le Rwanda qui était venu avec l’AFDL, va créer un autre mouvement qu’il va soutenir et qui s’appellera RCD-Goma.
Quand Mzee Kabila change de camp, quand il passe du camp de ceux qui l’avaient fabriqué au camp des congolais, il devient pour plusieurs d’entre nous, un soldat du peuple. Mais un soldat du peuple qui avait commis l’imprudence de venir chez nous comme marionnette et avec des gens qui vont mener une guerre perpétuelle contre le Congo, à partir de 1996.
Sur la sacralisation des morts et la célébration de Kabila au Congo
Jeter des fleurs à Kabila, c’est célébrer sa mémoire. Comment célébrer sa mémoire au présent, et non au passé ? Comment conjuguer cette mémoire au présent pour que ce qui lui est arrivé n’arrive plus jamais au Congo ? Or depuis que Mzee a été assassiné, plusieurs autres congolais ont été assassinés et la vérité n’a pas été faite sur leurs assassinats.
L’assassinat de Mzee Kabila est à situer au cœur de ce génocide perpétré contre les congolais et au sujet duquel la justice n’a jamais été rendue.
Célébrer Kabila, c’est aussi nous souvenir de tous les morts causés par sa naïveté et/ou sa complicité avec ceux qui sont venus chez nous pour faire main basse sur nos richesses et s’en sont servis come marionnette.
Sur le refus de l’inventaire du bilan de Mzee Kabila
Plusieurs d’entre nous n’ont pas encore pris la décision de lutter pour la libération réelle du pays, même au prix de leur vie. Quand nous serons nombreux, quand nous serons un minorité agissante, mobilisée à travers tout le pays, prête à la mort pour que ce pays là soit vraiment libéré. Quand cette minorité sera devenue masse critique, les choses pourront changer.
N’oubliez que dans l’armée, c’est plus de 40% d’éléments venus de l’extérieur qui contrôlent le Congo de l’intérieur. N’oubliez pas que, même dans certaines institutions au Congo, aujourd’hui, c’est cette police politique qui contrôle.
Tout cela produit la peur et conduit les congolais à croire en une histoire fabriquée par les vainqueurs.
Sur le parallélisme entre Lumumba et Mzee Kabila
C’est donc pour une même cause : Faire du Congo un pays où ses fils et filles dirigent eux-mêmes, gouvernent eux-mêmes, gèrent leurs richesses eux-mêmes. C’est là le nerf de la guerre au Congo. De la traite négrière à la néocolonisation aujourd’hui.
Tous les débats que nous faisons sur la démocratie, sur les droits de l’homme, ont un impact indirect. Mais le nerf de la guerre c’est le contrôle du Congo comme marché clé, comme pays ayant des matières premières stratégiques indispensables aux entreprises multinationales.
Quand vous êtes à la tête du Congo, et que vous décidez vous-même de l’orientation à donner à la gestion des matières premières sans l’aval de ceux qui estiment que ces matières premières leur appartiennent, en priorité, à partir des doctrines de sécurité nationale qu’ils ont élaborées, ils vous tuent.
Il appartient aux congolais d’imaginer d’autres approches stratégiques pouvant les conduire à se déconnecter de ceux qui estiment que pour prendre les matières premières du Congo, il faut exterminer les congolais.
Sur Lumumba et le lumumbisme d’aujourd’hui
Lumumba avait réussi à nommer l’adversaire. Lumumba savait que le Congo avait comme adversaire les impérialistes et les néocolonialistes. Lumumba comme autodidacte formé au marxisme avait réussi à pointer du doigt les entraves à l’émancipation politique du Congo et avait prôné l’unité. Mais aujourd’hui, ceux qui se réclament de Lumumba ont cédé à la politique partisane du diviser pour régner, en point d’en arriver à multiplier les partis politiques, on en compte plus de 400 au Congo.
Le lumumbisme aujourd’hui est galvaudé. Vous ne pouvez pas vous réclamer de Lumumba le jour, et la nuit, vous coalisez avec les impérialistes, néolibéralistes et néocolonialistes pour tuer vos citoyens.
Comment se réclamer du lumumbisme et ne pas garantir la justice, le droit et la redistribution.
Ces politicards congolais se réclament de Lumumba quand ils ont des problèmes avec leurs parrains occidentaux.
Sur la CENI et les élections au Congo
Si la facilitation n’arrive pas à faire la justice, la vérité et la paix, elle ne pourra jamais conduire aux élections dignes de ce nom.
Sur Edem Kodjo
L’UA a échoué au Burundi, comment peut-elle prétendre réussir au Congo ?
L’Union Africaine ne peut pas être prise au sérieux. Elle dépend de l’Union Européenne et des USA pour se financer. C’est donc une Union Africaine mendiante. Que voulez-vous qu’une UA mendiante puisse faire dans un pays occupé et mis sous tutelle ? Rien de consistant. Et puis si L’Union Africaine existait réellement, il n’y aurait pas eu des millions de morts au Congo. Si l’Union Africaine existait réellement elle aurait continu la lutte de l’émancipation économique, monétaire et politique menée par Khadafi.