Par Mufoncol Tshiyoyo
De quoi le sieur Vincent Karega, « l’ambassadeur » du Rwanda, est-il le nom au Congo ? En abordant la question relative à Karega, faisant suite à ses innombrables sorties médiatiques, ce n’est pas à proprement parler « l’individu » Karega comme tel qui suscite de l’intérêt ici. Il s’agit plutôt de l’exécution d’une énième stratégie d’adaptation, de survie, on dira une sorte de mutation, du mercenariat de Paul Kagame et de son pays le Rwanda (État mercenaire) au Congo.
Car, il ne faudra pas non plus perdre de vue qu’au fur et à mesure que le temps passe, une résistance congolaise contre le Rwanda engendre des « difficultés » qui contraignent le « Rwanda » et « Kagame » à passer d’une étape à une autre, mais toujours en gardant les yeux rivés vers des objectifs essentiels : la domination, l’humiliation et le contrôle du Congo par tous les moyens. Essayons d’interroger des faits…
Interroger les faits…
Avant-hier, ce furent des noms tels que ceux de Bizima Karaha qui étaient plus usités. Hier fut également le tour du nom de Ruberwa, comme chef de file, suivi de celui de Nyarugabo, de Laurent Nkunda, Et cetera. Et le lien commun entre ces noms reste le Rwanda de Paul Kagame, comme à la fois lieu de cogitation, « usine de fabrication » et cadre d’exécution. On notera aussi que, outre ces individus, une idéologie de propagande assez particulière fut également conçue. Une guerre s’accompagne toujours de sa nourriture spirituelle : le discours qui la nourrit. C’est à travers lequel il y a adhésion et justification.
Le Rwanda (utilitariste) a toujours caché son mercenariat au Congo derrière le « soutien » à apporter aux populations d’origine rwandaise, cheval de Troie, à intégrer dans la masse congolaise.
Au départ, au Congo, le fond du commerce de la guerre d’inhumanité imposée aux populations congolaises a tourné autour de la promotion et la défense d’une minorité « Tutsi congolaise » et non « Congolais-Tutsi » ou congolais tout court, qui serait mise en mal parce qu’en voie d’extinction (sic). Ce fut la première étape d’une « guerre » qui s’est enracinée et menée par procuration sur le territoire congolais. Ces détails aident à saisir le cheminement actuel marqué par le changement de « stratégie ».
Le Rwanda (utilitariste) a toujours caché son mercenariat au Congo derrière le « soutien » à apporter aux populations d’origine rwandaise, cheval de Troie, à intégrer dans la masse congolaise. Aujourd’hui, quoi de plus normal que cette principale raison, qui a bien longtemps servi l’invasion du Congo, soit abandonnée sans que des humanistes puritains de partout le monde ne trouvent à redire.
Est-ce que le discours a réellement fait son temps ? Ou c’est le temps qui a fini par le vider de toute sa substance aujourd’hui devant la montée en puissance du Joker Karega. En fait, nous sommes bien obligés de nous demander pourquoi le Rwanda et Paul Kagame ont tout d’un coup rejeté les mobiles ethnique et minoritaire tutsis ? Le Rwanda est plus que condamné à assumer ouvertement et directement ses initiatives au Congo.
L’omniprésence sur le terrain du jeu de l’ambassadeur américain au Congo
L’entrée dans le jeu du personnage de Vincent Karega, « ambassadeur » et représentant officiel de son pays au Congo, signifie que tous les pions qui étaient affichés jusque-là sont remerciés. D’une façon ou d’une autre, leur destin ne faisait l’ombre d’aucun doute. Chaque pion, selon sa nature et quel que soit son prétendu rang social, était et est à sacrifier à tour de rôle. Aux thuriféraires de s’en réjouir.
Mais, à force de vouloir jouer au colin-maillard, l’absence du Rwanda sur le « terrain du jeu », où il devait se déployer de manière directe sans passer par des mouvements de rébellion, a fini par faire sortir le véritable loup de sa tanière. On assiste alors au spectacle de Mike Hammer.
Il y aurait une autre préoccupation pour le Rwanda dans la division de travail entre l’Amérique et son mercenaire rwandais. L’omniprésence sur le terrain du jeu de l’ambassadeur américain au Congo, l’Anglo-Saxon Mike Hammer, le nouveau et fameux danseur de mutuashi à Mbuji-Mayi, a finalement eu raison de la « réserve » rwandaise. Le Rwanda transitait toujours par des intermédiaires tant rwandais que congolais connus et inconnus pour cacher son véritable rôle. Et l’une des taches de la mission du mercenariat confié au Rwanda fut aussi de garder secret quant à l’implication des élites anglo-saxonnes. Il ne fallait surtout pas que leurs noms n’apparaissent au grand jour comme étant les véritables commanditaires des crimes et autres pillages commis en leur nom par le Rwanda et Kagame sur des populations congolaises.
Mais, à force de vouloir jouer au colin-maillard, l’absence du Rwanda sur le « terrain du jeu », où il devait se déployer de manière directe sans passer par des mouvements de rébellion, a fini par faire sortir le véritable loup de sa tanière. On assiste alors au spectacle de Mike Hammer. Au four et au moulin, l’ambassadeur américain sur un terrain conquis est très agité. Comme quoi, le Rwanda ne remplit toujours pas et comme il se devait sa mission. Désormais, Mike Hammer, le seul ambassadeur d’un pays qui compte au Congo, monte en première ligne : vive alors la discorde, « l’instabilité politique » dans le pays, l’infantilisation et l’instrumentalisation des masses populaires. Seuls quelques aveugles s’empêcheraient d’y voir les symboles et les marques de l’Amérique dans des territoires qui subissent son règne.
Dans la foulée, des « amazones congolaises » font courir la rumeur selon laquelle il y aurait sur place plus de 2 500 soldats et agents secrets américains disséminés à l’est du Congo et au Katanga, à la recherche d’un unième larron à placer à la tête de la chose américaine qu’est le Congo. Cela rappelle bien à la mémoire du déjà-vu et entendu : le roman « Le Chant de la mission » (The Mission Song) de John le Carré.
La durée est le premier ennemi de l’oppression
Toutefois, le temps dans la domination et l’humiliation d’un peuple, congolais ou pas, n’a jamais profité aux oppresseurs. La durée est le premier ennemi de l’oppression. Avec le temps, la démographie du pays opprimé subit une mutation. Au Congo, la génération née en 1997, pour ne partir que de l’année symbolique, est aujourd’hui âgée de 24 ans. Et celle qui en avait 40 en 1997 a dépassé la soixantaine. Les statistiques démontrent qu’il y a plus des jeunes que des vieux. Et des jeunes qui sont en âge de combattre.
Karega peut aboyer. Mais qui est le sieur Karega pour que les Congolais lui répondent. N’est-ce pas que c’est l’illusion de pouvoir que leur confèrent les élites anglo-saxonnes qui les mettent, son pays, Kagame et lui-même en situation de discours et de «force».
Or, la jeunesse par sa nature supporte très mal le statu quo quand celui-ci perdure. Samuel Huntington en souligne la remarque dans son essai « Le Choc des civilisations » (en anglais The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order). Évoquant le cas de l’Asie et de la Chine, l’auteur voyait dans la jeunesse chinoise une menace contre les intérêts de l’Occident. Et il invitait ce dernier à en tenir compte sinon son hégémonie sera remise en question tôt ou tard dans la région. On y est presque.
En conclusion, Karega peut aboyer. Mais qui est le sieur Karega pour que les Congolais lui répondent. N’est-ce pas que c’est l’illusion de pouvoir que leur confèrent les élites anglo-saxonnes qui les mettent, son pays, Kagame et lui-même en situation de discours et de « force ». L’ambassadeur américain au Congo et Paul Kagame sont des oiseaux de même plumage volant ensemble vers la même direction : la mainmise sur le Congo et domination du peuple congolais et par le Rwanda et par l’Amérique, deux « alliés », l’un dans le rôle de mercenaire tandis que l’autre dans celui de suzerain.
Selon François de Callières, dans son livre « De la manière de négocier avec les souverains » publiés en 1716, un ambassadeur est et reste avant tout « un honorable espion » pour son pays. Son rôle d’espion est « d’apprendre les caractères des hommes ; il faut savoir le mécanisme de leurs mouvements, la portée et les vues de leur esprit et de leurs desseins (au cas où ils en auraient) ; il ne faut marcher avec eux que la sonde à la main, il faut connaître leur défiance ou leur confiance, leur difficulté ou leur facilité, leur libéralité ou leur avarice, leur présomption… la vigueur ou la lenteur de leur esprit, leur génie ou leur stupidité, leur capacité, leur ignorance, leur pente ou leur éloignement pour les plaisirs en particulier, et sur le tout leur intérêt ou leur désintéressement dans les affaires qu’on a avec eux » (J. de la Sarray du Franquesnay, Le Ministère public dans les cours étrangères, ses fonctions et ses prérogatives, Paris, 1731, XXIV-293p., cf.p.113-114). Les deux ambassadeurs fondent leurs actions au Congo sur la connaissance qu’ils ont des congolais à leur solde.
Ne pas se tromper d’adversaire
L’Amérique n’a pas besoin de l’homme congolais pour gérer « son » Congo. Sinon, elle n’aurait jamais confié la gestion du Congo pendant plus de 20 ans aux Tutsis « disciplinés » du Rwanda. Malheureusement, c’est à ce niveau que repose la question essentielle de la lutte congolaise que d’aucuns refusent de se la poser : à qui appartient réellement le Congo. Est-ce aux Congolais ? À cette question, pour son pays la Centrafrique, le centrafricain Faustin-Archange Touadéra a répondu à sa manière. L’homme joue à la prudence avec les forces de l’ONU via Paul Kagame et le Rwanda. Qui dit les forces de l’ONU pense avant tout à l’Amérique. Même si l’ONU sous-entend la diplomatie multilatérale.
L’Amérique n’a pas besoin de l’homme congolais pour gérer « son » Congo. Sinon, elle n’aurait jamais confié la gestion du Congo pendant plus de 20 ans aux Tutsis « disciplinés » du Rwanda. Malheureusement, c’est à ce niveau que repose la question essentielle de la lutte congolaise que d’aucuns refusent de se la poser : à qui appartient réellement le Congo. Est-ce aux Congolais?
L’ONU n’a jamais résolu aucune crise à travers le monde. Mais le président centrafricain a préféré s’adresser à la Russie, et non à la France, un pays qui a toujours considéré la Centrafrique comme son butin (le cas du Congo pour les USA). Que pourrait le Rwanda devant la Russie. Dans tous les cas, la Russie a promis à Touadéra le contrôle par la Centrafrique de l’intégrité territoriale centrafricaine. C’est ce que l’Amérique refuse de céder au Congo et aux Congolais : l’accès au contrôle de l’ensemble du territoire national.
Pendant que les questions d’intérêt national demeurent sans réponse, « Joseph Kabila » est plus qu’un dévoiement, action de détourner quelqu’un du droit chemin. L’Est du Congo brûle toujours sous la complicité de la Monusco, des USA, du Rwanda et de l’Ouganda. Alors, qui les arrêtera ? Sommes-nous tous en train de regarder vers une même direction et pour le bien du Congo ?
La jeunesse congolaise ne doit surtout pas se tromper ni d’adversaire ni de la nature de la lutte. Tout a déjà été écrit. « Notre tort à nous, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité », Frantz Fanon.
Likambo oyo eza likambo ya mabele
Mufoncol Tshiyoyo, M.T.
Un Homme libre