Par Mufoncol Tshiyoyo
Peut-on seulement ordonner à un pays, comme de nos jours l’exige une commission de l’ONU à la Belgique, une ancienne puissance coloniale, de demander pardon à un autre pays, on dira pour être beaucoup plus précis, à un autre peuple, d’un pays que la Belgique aurait maltraité dans le cadre historique de ce que fut appelé colonisation en son temps, et qui continue de s’appeler Néo – colonisation de nos jours ?
L’intention première avec ce texte, justement pour délimiter le sujet , n’est pas de parler des raisons ou des bienfaits d’un pardon sollicité ou pas de la Belgique aux populations congolaises.
Chercher à comprendre…
Mais c’est avant tout de chercher à comprendre le pourquoi du fait que la Belgique n’a jamais d’elle-même pensé, en tant que royaume, nation et peuple, à aller tout naturellement vers les populations congolaises, au motif qu’elles ont eu à souffrir et souffrent encore des méfaits de son asservissement par la Belgique, afin de solliciter et aussi d’obtenir leurs excuses ? Il se pourrait que ce débat ait eu lieu au sein de cette société, mais le fait que l’ONU, qui a ses propres raisons, insiste et ordonne aujourd’hui à la Belgique de le faire, et c’est après plus de 59 ans d’indépendance supposée, le Congo se dit « indépendant depuis le 30 juin 1960, peut valablement signifier que les « humanistes » belges ne se sont jamais reproché, dans leur orgueil et supériorité, de rien. Les nègres du Congo qui allaient et ont subi la colonisation ne possédaient d’âmes. À ce titre, ils ne pouvaient être reconnus comme êtres tout court, ainsi l’avaient proclamé les Lumières de triste mémoire.
Alors pourquoi en faire tout un problème, dans l’esprit du grand royaume de la Belgique, quand les Belges ne furent pas les seuls, et ce comme on l’entend souvent, à souscrire aux considérations idéologiques et philosophiques des Lumières ? Dans tous les cas, on reconnaît la grandeur d’un peuple ou d’une nation ou encore d’un leadership éclairé et mondial quand les dirigeants de ce pays ne se cachent point derrière les considérations d’ordre du général du genre que la Belgique n’est pas ou n’a pas été la seule nation colonisée. Elle ne peut se démarquer seule, se mettre à demander pardon pour ce que tout le monde a commis et qui n’était pas condamnable en plus. Qui était-elle pour se comporter ainsi ?
En ce qui concerne les nations, les principes les plus partagés en la matière proclament qu’entre les États-nations seuls les rapports de force comptent. Ils déterminent en plus la nature et les relations entre les nations.
Dans le même ordre d’esprit, on peut accepter le fait qu’un homme, et ce tant qu’il vit encore, pour cause peut-être de son évolution aussi bien biologique que culturelle, est appelé à changer et à tourner le dos aux idées qui ont eu à marquer son enfance ou sa jeunesse. Mais que le même principe soit appliqué à une nation, à un ensemble de populations, à une élite dirigeante qui domine la structure pyramidale et directionnelle de la société en question, et sans qu’elle ne soit contrainte d’une manière ou d’une autre, j’en doute fort. En ce qui concerne les nations, les principes les plus partagés en la matière proclament qu’entre les États-nations seuls les rapports de force comptent. Ils déterminent en plus la nature et les relations entre les nations.
Pour une implication de l’élite congolaise d’aujourd’hui et de demain
Actuellement, les rapports de force jouent en défaveur du Congo. Car face aux intérêts de la Belgique, il ne s’est pas encore développé un Congo, mais il règne plutôt le désavantage de plusieurs Congo. Le Congo est toujours en train de se rechercher une identité qui lui soit bien propre. Elle doit être culturelle, mais soutenue par une volonté politique (incarnée ici par une femme ou un homme) qui porte avec lui l’idéal congolais. Et comme l’a dit une fois, notre ami Jean Pierre Mbelu : « Un leader qui incarne »la cause du peuple » nous est indispensable ».
Rien ne se fera sans la lecture congolaise et sans l’implication directe ou indirecte de l’élite congolaise d’aujourd’hui et de demain.
Pour ce qui est de la composition du groupe d’experts de l’Onu à l’origine de la demande adressée à la Belgique, on y trouve des personnalités issues des pays qui n’ont pas un passé colonial. On apprend qu’il a été constitué en 2002, juste après la tenue de la conférence mondiale sur le racisme, dont les assises ont eu lieu à Durban en Afrique du Sud en 2001. Il comprend cinq experts indépendants ci-après : M. Michal Balcerzak (Pologne), président rapporteur actuel ; M. Ahmed Reid (Jamaïque) ; Mme Dominique Day (États-Unis) ; M. Sabelo Gumedze (Afrique du Sud) et M. Ricardo A. Sunga III (Philippines). Sa composition expliquerait peut-être cela, par exemple le fait que ses membres aient été plus directs contre la Belgique dans leurs revendications. En réalité, même s’il n’y a pas de quoi se réjouir, c’est en effet une autre image de l’ONU à laquelle le Congo et son peuple ne sont pas habitués jusque-là, si seulement on devrait se référer à l’histoire de l’ONU et de son implication au Congo. Je ne sais pas à quel degré on peut chercher à saisir les mobiles de l’ONU derrière cette démarche en ce moment caractérisée par la mutation du monde. Même celles et ceux qui n’étaient pas en mesure de le remarquer depuis hier peuvent aujourd’hui constater que des puissances coloniales d’hier se trouvent en état de faiblesse.
D’autres, comme la Belgique elle-même, la France, le Portugal et l’Espagne sont en voie de disparition carrément. L’ONU tenterait-elle de sauver ces États dominants d’hier ? L’ONU devancerait-elle le temps en cherchant à baliser le terrain dans le but à la fois d’apaiser les esprits et d’asseoir un monde de paix en voie de construction ? Peut-on également voir en cette énième démarche de l’ONU comme une nouvelle distraction, alors que le peuple du Congo tient à écrire sa propre histoire dans le respect de l’exigence morale de la prophétie de Lumumba, qui a été assassiné avec la complicité de l’ONU ? On pourrait aussi se demander qui, parmi les forces en présence, tient à arracher aux Congolais l’initiative de leur émancipation historique ? Des questions pleuvent, tandis que des réponses naîtront de l’interaction entre des hommes congolais. Dans tous les cas, rien ne se fera sans la lecture congolaise et sans l’implication directe ou indirecte de l’élite congolaise d’aujourd’hui et de demain.
Etre libre à travers son combat
Bénédicte Kumbi Djoko a participé l’année passée, si mémoire ne me trahit, à une conférence sur le Congo en Belgique. Il a été entre autres questions de l’avenir des relations entre la Belgique et le Congo. Ce genre de rencontres que les Belges « noirs » et « blancs » organisent dans le but d’entretenir une conscience tranquille. Et si j’en parle aujourd’hui, en citant son nom, c’est parce que j’ai été marqué par l’une de ses phrases, qui a été prononcée lors de son exposé. La jeune dame disait, pour elle, et c’est moi qui me prononce également ici, « j’imagine l’avenir du Congo sans la Belgique ». Le public dans la salle, en observant son état, ne pesait la gravité des propos de la jeune dame, étant donné qu’il souriait en toute innocence. Je n’avais pas son seulement applaudi à l’entendre, mais également je me demande combien signifier cette simple phrase pour le reste de la jeunesse du Congo?
Il y a de ces combats qui méritent d’être menés, même s’il n’est pas à la portée de tout le monde de le saisir. En ce moment où le système profite pour amuser un grand nombre de citoyens congolais, une minorité assumera seule la véritable lutte.
Et c’est par ici que je m’en vais conclure, en affirmant qu’il y a de ces combats qui méritent d’être menés, même s’il n’est pas à la portée de tout le monde de le saisir. En ce moment où le système profite pour amuser un grand nombre de citoyens congolais, une minorité assumera seule la véritable lutte. Le peuple colonisé dans son ensemble ne garde aucune rancune. Elle veut être libre. Elle entend arracher sa liberté. Et ce quel qu’en sera le prix. Un jour, il se dégagera de ses chaînes. Plus il le fera seul, plus l’histoire reconnaîtra la grandeur de ses efforts, plus elle donnera un sens à ses sacrifices.
Lumumba disait : « il suffit de laisser l’homme noir libre pour qu’il soit en mesure de prouver à la face du monde ce dont il est capable d’entreprendre de lui-même et pour lui-même ainsi que pour l’humanité. Cependant, la liberté est de ces choses qui ne se distribuent, c’est pourquoi, j’ai toujours pensé et je pense que la femme et l’homme congolais seront libres à travers leur combat :
Likambo oyo eza likambo ya mabele
Mufoncol Tshiyoyo, MT
Les Nationalistes Émergeants, LNE