Par Mufoncol Tshiyoyo
L’exemple flagrant du retour de Tshombe à Kinshasa explique comment le système du viol de l’imaginaire manipule plusieurs parmi nous. Et depuis, rien n’a changé.
Quand Moise Tshombe, que l’intelligentsia africaine de l’époque appelait le garçon de course de l’Occident, quitte le Congo-Kinshasa pour l’exil, c’est à Madrid, en Espagne, qui deviendra son lieu d’exil, qu’il atterrira. De ses années en exil et du moment choisi de son retour au bercail, l’eau a coulé sous le pont depuis. Mais une question me taraude sans cesse. Qui décide de son retour au pays ?
La fameuse sécession dite katangaise ne fut jamais une œuvre de conception katangaise
Poser la question ne met pas en doute sa capacité de décider par soi-même, sur lui-même et de son devenir. Est-ce qu’il en fut seulement capable, quand l’histoire apprend, à ceux qui la questionnent, que la fameuse sécession dite katangaise ne fut jamais une œuvre de conception katangaise ? Ce fut plutôt un projet belge et à réaliser par la Belgique. Conçu, initié, financé et exécuté par des Belges, les Tshombe et autres ne furent que de simples faire-valoir. Des personnages de second plan servant à mettre en valeur l’acteur principal. Et même les simples discours de Tshombe furent aussi rédigés par des « conseillers » belges. « Le principal « Katangais belge » était le chef de cabinet du Premier ministre, un certain sociologue liégeois du nom de René Clemens ». L’homme qui avait rédigé la constitution du Katanga indépendant. C’est depuis la nuit des temps que les différentes « constitutions » congolaises se rédigent en Belgique et par des Belges.
Dans son livre, « L’Ascension de Mobutu/ Comment la Belgique et les USA ont installé une dictature », Ludo De Witte consacre un long chapitre au Katanga et à Tshombe. Duquel, on apprend notamment ce qui suit, au sujet de la sécession dite katangaise, mais qui était en fait belge : « Paul-Henri Spaak [ministre belge des Affaires étrangères de l’époque] faisait souvent appel à « RoRo » quand des problèmes surgissaient en Afrique, [RoRo, Robert Rothschild qui fut son ancien chef de cabinet et homme de confiance]. Rothschild connaissait bien Tshombe, car le gouvernement belge l’avait envoyé au Katanga durant l’été 1960 afin de mettre la sécession en chantier », (De Witte, 2018 : 80). C’est tout dire.
De l’histoire passée et récente, les nouveaux nègres de service n’y prennent jamais garde. Ils s’en moquent, au motif qu’ils seraient différents et voire sortis de la cuisse de Jupiter.
Tshombe fut « l’homme » des Belges. Sauf que quand le moment de sacrifier son chien arrive, arrêté à Alger par les autorités algériennes de l’époque comme l’un des assassins de Lumumba, Tshombe, le monstre de Franskstein de l’Occident, est abandonné par ses maîtres en prison en Algérie et il mourut en silence. De l’histoire passée et récente, les nouveaux nègres de service n’y prennent jamais garde. Ils s’en moquent, au motif qu’ils seraient différents et voire sortis de la cuisse de Jupiter.
Hier comme aujourd’hui, l’Occident et les élites congolaises, et africaines en général, croient agir par eux-mêmes, alors que tout le monde sait qu’elles sont agies. C’est par la volonté d’autrui qu’ils se meuvent. Un principe établi qui explique le modus operandi de l’Occident dans les pays conquis et vaincus.
La folie, c’est de refaire toujours la même chose face, et d’attendre des résultats différents
Mais revenons au retour de Tshombe au Congo. Qui en avait ainsi décidé et pour la défense de quels intérêts ? Le livre susmentionné de De Witte nous sert de guide :
« Quand dans son bureau, [à Bruxelles], le ministre des Affaires étrangères Paul-Henri Spaak laissait planer ses pensées sur la question de savoir qui allait pouvoir se précipiter au secours du régime chancelant de Léopoldville (le groupe de Binza, Adoula …), Moise Tshombe était une réponse peu attrayante, mais bel et bien à portée de main. […]. Spaak se faisait également beaucoup de soucis à propos […] des centaines d’anciens gendarmes katangais [qui auraient été sommé de se rendre en Angola. L’argent [pour leur entretien] provenait de financiers de l’entourage de Tshombe ». […] Des puissants leviers essayaient de conférer à Tshombe un rôle prééminent sur la scène congolaise. [C’est le cas aujourd’hui avec la messe noire de Johannesburg]. L’Union Minière […] était un État dans un État. Les ministres belges qui élaboraient la politique en Afrique centrale n’entreprenaient pas grand-chose sans l’approbation des patrons de l’Union Minière. Van Weyenbergh, [ancien directeur de l’union Minière] fit comprendre que les hautes instances de l’entreprise, y compris celles de Bruxelles « misaient largement sur Tshombe et son retour – non pas au Katanga mais au sein du gouvernement central », (Idem, p.75 et 76).
La Belgique ne fut pas le seul pays occidental qui a souhaité et exigé le retour de Tshombe au Congo pour aider les Mobutu et autres. Il y avait aussi la Grande Bretagne.
De nouveau, Spaak envoya RoRo, Robert Rothschild en Espagne, à Madrid, pour aller chercher leur homme Tshombe. Dans son rapport à Spaak, RoRo raconte leur entretien : « j’ai découvert, [à Madrid], un homme rusé, sympathique et plein de vitalité, (Archives AE, Papiers Rothschild, 18770/VIII). « Tshombe brossa un tableau passablement sombre du [Congo] : dirigeants incompétents et corrompus, l’anarchie [qui] s’implantait, Rothschild partageait cette analyse. Le personnel politique congolais l’écœurait alors qu’il avait pourtant aidé lui-même [Moise Tshombe] à chasser Lumumba du pouvoir », (Idem, p.80 et 81). Selon Albert Einstein, la définition de la folie, c’est de refaire toujours la même chose face, et d’attendre des résultats différents.
La Belgique ne fut pas le seul pays occidental qui a souhaité et exigé le retour de Tshombe au Congo pour aider les Mobutu et autres. Il y avait aussi la Grande Bretagne. « L’ambassadeur du Royaume Uni au Congo fit remarquer que le Groupe de Binza lui aussi allait tendre vers une collaboration avec Tshombe », (Idem, p.77) Le gouvernement et les hommes d’affaires britanniques n’y virent aucune objection » (Idem, p.79).
Le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent, mais c’est d’abord nous
Quid de Washington ?
« De même Washington, l’architecte de la carrière postcoloniale d’Adoula, commençait à douter de la longévité au pouvoir de son protégé politique. Le ministre américain des Affaires étrangères, Dean Rusk, imaginait des scénarios, plaçait et déplaçait les pièces du puzzle congolais et les proposait à son ambassadeur au Congo, Tshombe était-il une option, comme Premier ministre ? Golbey écrivit à Rusk : « Manifestement, Tshombe pense qu’il peut agir avec les gouvernements belge et américain comme avec l’Union minière, par exemple, en demandant une voiture et en la recevant aussitôt », (Idem, p.89).
N’est-ce pas à Washington que des lobbies travaillent pour défendre la cause de leurs clients ? Qui reste à la tête du pouvoir-os, ou qui est à même d’occuper la place à « pourvoir ». Kagamé et ses lobbies se battent aussi à Washington afin de conserver leur rôle du mercenariat au Congo. Un sujet rwandais, s’adressant aux Congolais écrit, je cite notamment : « Certains parmi vous vont jusqu’à nous annoncer leurs projets de « vengeance » le jour où vous aurez les moyens de le faire. C’est ça ! Nous allons vous attendre sans bouger pour vous permettre de rattraper votre retard ». Pour se faire, ils doivent massacrer la jeunesse congolaise. Qui dit ne pas avoir saisi ?
Au Congo, la question n’a jamais été : »Qu’est-ce qui se passe dans ce pays du moment que les Congolais servent plus comme des acteurs apparents à instrumentaliser que comme véritables acteurs pléniers de leur destin historique ? » Elle est plutôt celle de chercher à savoir et à découvrir qui fait croire, et à qui, que quelque chose, de tout ce qui se passe au Congo, était fait par des Congolais, uniquement par eux et pour des intérêts de la femme ainsi que de l’homme congolais. Même quand on fait tuer des Congolais sur place publique au Congo, on attend toujours que les décideurs sanctionnent et les décisions définitives soient prises de l’extérieur. Tout le monde dira après les USA, la Belgique, la France, la Monusco, pour ne citer que ceux-là, ont déclaré ce qui suit. C’est tout simplement révoltant et inacceptable.
Le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent, mais c’est d’abord nous, des femmes et des hommes congolais. Si la Russie et Poutine, si le Hezbollah et Nasrallah, si l’Iran, se battent et essayent de s’en sortir, c’est parce que, dans leur combat respectif, ils incluent la connaissance du passé, de leur passé et de l’histoire avec les autres.
En conclusion, je veux dire que l’exemple flagrant du retour de Tshombe à Kinshasa explique comment le système du viol de l’imaginaire manipule plusieurs parmi nous. Et depuis, rien n’a changé. Des mercenaires congolais et africains qui pullulent à l’extérieur, en exil et ailleurs, attendent que des églises chrétiennes avec leur solidarité extérieure obtiennent ou arrachent leur retour au pays. Il n’y a jamais eu de « révolution » ou de « changement » spontané. Ce n’est pas non plus demain qu’il y en aura, tant que des meneurs d’hommes, en paroles comme en actes, se feront toujours désirer. Des femmes et des hommes qui savent et peuvent conduire des masses en les transformant en une force de conquête de pouvoir politique réel en vue de leur émancipation. Des meneurs qui peuvent non seulement prédire le résultat d’une action amorcée, mais aussi qui savent décider en dernier ressort de la suite à donner à l’action qui a été entreprise et initié par le peuple congolais.
J’arrive à la question que j’entends souvent via Facebook : »Qu’est-ce que tu proposes ? » Isoler diplomatiquement le Rwanda. C’est accessible aux les hommes ordinaires, avec comme slogan, « le plus d’amis possible, un seul ennemi : le Rwanda ». Dominique Venner dit : « Choisir le nom par lequel on désigne un adversaire, le nommer, c’est déjà s’imposer à lui, le faire entrer […] dans son propre jeu, […], à l’inverse, se libérer de son emprise ». (Venner, Un Samouraï d’Occident/ Le Bréviaire des insoumis, 2013 : 28). La guerre classique, dans les conditions actuelles du pays, est presque impossible. À ceux qui comprennent le sens du sacrifice, pour nous, il faut rentrer dans la guérilla active au Congo. En fin de compte, le nerf de la guerre, ce n’est pas l’argent, mais c’est d’abord nous, des femmes et des hommes congolais. Si la Russie et Poutine, si le Hezbollah et Nasrallah, si l’Iran, se battent et essayent de s’en sortir, c’est parce que, dans leur combat respectif, ils incluent la connaissance du passé, de leur passé et de l’histoire avec les autres.
Likambo ya mabele, Likambo ya makila. ( Un nouveau courant politique et de pensée)
Mufoncol Tshiyoyo,
MT& Associates Consulting Group