Par Jean-Pierre Mbelu
Sans les moyens conséquents et les masses éduquées pour comprendre et défendre le primat du fait politique (au service de l’intérêt général) sur la fait économique (au service du profit et de l’intérêt privé), il serait difficile de sortir victorieux de cette « guerre » sans que le pays implose.
Depuis plus ou moins deux décennies, le Congo-Kinshasa est engagé dans un processus affairo-politique vicié et vicieux. Il est vicié dans la mesure où son fondement est mensonger. La guerre dite de « libération » a fini par mettre le pays entre les mains d’un réseau transnational de prédation dont « les acteurs apparents » jouent le rôle de marionnettes pour les multinationales et les oligarques d’argent dominant. Notre livre intitulé « Demain, après Kabila » détaille cette situation en répondant à la question « De quoi alias Joseph Kabila est-il le nom ».Pour rappel, Jean-Luc Schaffhauser en résume quelques lignes essentielles sur cette vidéo. Et un témoin de l’intérieur, Ngoyi Mukena explique comment cette fausseté fut fabriquée au travers d’une fausse identité . (Le mythe de sa « toute-puissance » est un effort déployé par ses thuriféraires pour nier son passé-présent de « Cheval de Troie »).
Donc, depuis « la guerre de l’AFDL », le Congo-Kinshasa est plongé dans « le faux ». Les efforts pour bâtir un pays plus beau qu’avant sur cette fausseté au travers des élections-pièges-à-cons en ont fait « un Etat-raté-manqué » dépouillé de tous ses moyens d’action et ayant des institutions vides de sens. Vouloir refonder « un Etat de droit » sur fond d’une illusion de démocratie et des institutions impuissantées s’est révélée être une démarche vicieuse.
La kléptocratie, les « élites compradores » et les masses populaires au Congo
Une armée, une police, une justice et des services de sécurité mis au service de la kléptocratie ont favorisé l’enrichissement sans cause de plusieurs ex-seigneurs de guerre, des ex-pauvres et leurs alliés. Ils ont fait des « élections » un moment d’organiser « leur division kléptocratique du travail » pour mettre le pays à genoux. Ils ont infiltré les assemblées nationale et provinciales pour les transformer en caisses de résonance de ces « nouveaux enrichis », ces « élites compradores », aux dépens des masses populaires appauvries anthropologiquement et réduites au rang des applaudisseurs, thuriféraires et tambourinaires de ces nouveaux « enrichis illicites ».
De temps en temps, les masses populaires sorties de leur torpeur et de leur apathie ont pu renverser ce rapport de force en leur faveur. Malheureusement, elles ont toujours été récupérées pour être réintégrées dans le processus affairo-politique vicié et vicieux susmentionné. Elles n’ont pas encore pu s’émanciper du joug de ce « conglomérat d’aventuriers et de leurs alliés ».
Ils ont ainsi imposé un rapport de force défavorable au plus grand nombre.A certains moments, ils disent à qui veulent les entendre : « Nous sommes venus au pouvoir (sic) par la force » (Kahimbi). De temps en temps, les masses populaires sorties de leur torpeur et de leur apathie ont pu renverser ce rapport de force en leur faveur.
Malheureusement, elles ont toujours été récupérées pour être réintégrées dans le processus affairo-politique vicié et vicieux susmentionné. Elles n’ont pas encore pu s’émanciper du joug de ce « conglomérat d’aventuriers et de leurs alliés ». Pourquoi ? Ici, il est possible d’avancer quelques hypothèses. Ces masses populaires peinent à s’auto-organiser sur fond des idées claires à défendre contre vents et marées en marge du « culte de la personnalité » vouée à certains « gourous » finissant par trahir leur confiance.
Elles ont donc besoin de lucidité, de discernement et de courage au cours des luttes politiques qu’elles mènent en vue de renverser la pyramide hiérarchique afin qu’elles deviennent réellement un peuple souverain. Mais sans un leadership collectif ayant de la voyance, la chose risque d’être difficile à réaliser pendant longtemps. Ces masses courageuses souvent minorées par « le conglomérat d’aventuriers » tenant à les prendre en otage pour les offrir en sacrifice à Mammon ont besoin de compatriotes jouant le rôle des patriotes et d’intellectuels organiques dans la lutte pour le renversement du rapport de force qui leur est encore défavorable.
Pour de « véritables hommes d’Etat »
Elles ont beaucoup plus besoin que naissent, au cœur de l’Afrique, de « véritables hommes d’Etat ». C’est-à-dire des hommes et des femmes capables de transformer les potentialités dont disposent notre pays pour les convertir en moyens mis au service du bien commun, de l’intérêt général. C’est-à-dire des hommes et des femmes capables de produire du pouvoir et d’être des hommes et des femmes de pouvoir. Sur ce point nommé, force est de remarquer que ces hommes et ces femmes peinent à « naître », à « se constituer ».
Nous avons besoin d’hommes et des femmes capables de transformer les potentialités dont disposent notre pays pour les convertir en moyens mis au service du bien commun, de l’intérêt général.
Dans ce contexte du processus affairo-politique vicié et vicieux, « les élections-pièges-à-cons » ont souvent servi de moments du « talk and fight », de « dialogue », d’échanges entre les membres dudit « conglomérat d’aventuriers, leurs anciens alliés et leurs futurs alliés » avant que la violence puisse être soit contenue ou explosée. Contenir cette violence signifie, entre autres, accepter de protéger « les privilèges malhonnêtement acquis », refuser de « fouiner » dans le passer des ex-seigneurs de guerre (et leurs alliés) devenus de « nouveaux riches » et leur garantir l’impunité permanente.
C’est dans ce contexte que « la sortie d’alias Joseph Kabila » a été négociée avec l’appui des ambassadeurs en poste au Congo-Kinshasa et de la représentante de l’ONU. Et tout le monde sait que Fatshi a, dans ces « négociations », contrairement à Martin Fayulu, accepté de jouer « le jeu ». Jusqu’à quand ? Avec quels moyens ? Les temps semblent en révéler davantage le danger et les limites. Le passage au « fight » pourrait n’être qu’une question des jours et/ou des mois.
Dans ce jeu de dupes, sans une armée républicaine, sans une police, une justice et des services secrets patriotiques, sans des moyens matériels conséquents et des masses populaires reconquises à la lutte pour la liberté, renverser le rapport de force risque d’être compliqué. Les populations congolaises risquent, comme par le passé, de payer un lourd tribut.
Rompre avec le processus affairo-politique au Congo
Dans ce jeu de dupes, il semble qu’il ne faut pas beaucoup compter sur les partisans du « diviser pour régner » comme soutien. Leur force, et c’est de bonne guerre, est de souffler le chaud et le froid. Ils ont intégré dans « leur guerre perpétuelle » le refus catégorique de la coalition entre ceux qu’ils gèrent, par leurs ambassades interposées, comme des vassaux ou tout simplement des « nègres de service ». Aussi, savent-ils que lutter contre l’impunité des « ex-seigneurs de guerre », leurs alliés au cœur du réseau transnational de prédation, pourrait conduire au contrôle de leurs flux d’argent vers les paradis fiscaux à Panama, au Seychelles, à Dubai, etc. Or, contrôler la circulation des capitaux, c’est couper l’herbe sous les pieds des dominants économiques. C’est s’attaquer aux moyens dont ils se servent pour soumettre le fait politique et acheter « les nègres de service ». Donc, s’en prendre aux « nouveaux enrichis », clients des paradis fiscaux, c’est s’attaquer indirectement aux oligarques d’argent, « leurs maîtres ».
Le pays est pris en otage par « un conglomérat d’aventuriers et ses alliés », maillon d’un réseau transnational de prédation et rompre avec le processus affairo-politique dans lequel il est engagé depuis plus ou moins deux décennies est une urgence pour notre collective émancipation politique, notre dignité et notre liberté.
Encore une fois, sans les moyens conséquents et les masses éduquées pour comprendre et défendre le primat du fait politique (au service de l’intérêt général) sur la fait économique (au service du profit et de l’intérêt privé), il serait difficile de sortir victorieux de cette « guerre » sans que le pays implose. L’instrumentalisation du tribalisme pourrait jouer le rôle d’étincelle.
La chose pourrait se compliquer davantage s’il arrivait que les liens incestueux entre les copains et les coquins venaient à être établis dans ce jeu de dupes. Les populations habituées à payer le lourd tribut sont-elles prêtes à provoquer « une insurrection des consciences » au point de renvoyer dos à dos les copains et les coquins afin qu’elles se prennent réellement en charge ? Nous ne savons pas. Un autre leadership différent est-il prêt à les accompagner ? C’est possible.
Il est possible que nous soyons inutilement alarmiste ! Dans ce cas-là, nous aurons simplement gagner à rappeler que le pays est pris en otage par « un conglomérat d’aventuriers et ses alliés », maillon d’un réseau transnational de prédation et que rompre avec le processus affairo-politique dans lequel il est engagé depuis plus ou moins deux décennies est une urgence pour notre collective émancipation politique, notre dignité et notre liberté. Cette rupture signifie un renversement de rapport de force.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961