Par Jean-Pierre Mbelu
Pendant que les serviteurs des ‘’maîtres du monde’’ s’apprêtent à organiser une action militaire contre les FDLR au Congo-Kinshasa, ils nous informent qu’une grande conférence sur les investissements privés dans la région des Grands Lacs pour 2015 est en préparation. Dans ce contexte, sans exonérer les FDLR de certains de leurs forfaits, il est possible de soutenir la guerre contre elles participe de la manipulation économique des élites politiques congolaises par les serviteurs des ‘’maîtres du monde’’.
Dès que nous perdons de vue que le coup d’Etat ourdi contre Milton Obote en 1986 et ‘’le génocide rwandais’’ de 1994 ont servi de tremplin à la guerre de basse intensité et de prédation menée par l’Etat profond anglo-saxon et ses alliés contre le Congo-Kinshasa, il peut devenir difficile de comprendre l’exacerbation de la haine dans la région des Grands Lacs africains.
La haine sert la cause de la politique « diviser pour régner »
La haine sert de poison. Elle abrutit ses victimes. Elle les avilit, aiguise le goût de la vengeance et sert la cause de la politique du ‘’diviser pour régner’’. Elle crée des ‘’ennemis’’ indispensables à la guerre perpétuelle de tous contre tous ou à « la guerre contre le terrorisme».
Nous ne le dirons jamais assez : ce qui se passe au Congo-Kinshasa et dans la région des Grands Lacs africains se passe aussi ailleurs, à travers plusieurs pays du monde. La création des ‘’Interahamwe’’ par le FPR (et ses parrains) et la diabolisation de tous les Hutu ressemble à la fabrication des ‘’monstres musulmans’’ dont les assassinats et les massacres contribuent à alimenter ‘’le choc des civilisations’’.
La guerre contre les FDLR participe de la manipulation économique des élites politiques congolaises par les serviteurs des ‘’maîtres du monde’’. Les pyromanes s’emparent des terres et des richesses du Congo-Kinshasa pour leurs entreprises mortifères en donnant l’impression d’être des pompiers décidés à éteindre un feu qu’ils allument en permanence.
« Ces implants radicaux ont servi à plusieurs fins. L’Occident les utilise comme des sous-traitants dans les guerres menées contre ses ennemis – les pays qui sont encore à travers du chemin de la domination totale du monde par l’Empire. Ensuite, à un moment donné, lorsque ces armées extrémistes « échappent à tout contrôle » (elles le font toujours), elles pourront servir d’épouvantails et comme justification de la « guerre contre le terrorisme », ou, comme lorsque ISIS a pris la ville de Mossoul, comme une excuse pour un réengagement des troupes occidentales en Irak. »[1]
L’exacerbation de la haine, la fabrication permanente de l’ennemi et la guerre de tous contre tous avilissent les cœurs et les esprits. Elles finissent par y implanter la cupidité, la corruption et la violence. Elles y tuent les valeurs d’humanité telles que l’amour, l’amitié, la fraternité, la solidarité, la coopération, l’égalité et la justice, etc. indispensables à l’émancipation politique des peuples. Elles nuisent à la qualité de la vie tout en rendant leurs initiateurs riches en argent, en or et en autres matières premières stratégiques. Elles tuent l’humanité en l’homme en en faisant esclave des biens. Pour dire les choses autrement, elles répandent une culture néolibérale du quantitatif au détriment de la culture humaniste du qualitatif[2]. Elles rendent le monde malade.
La guerre contre les FDLR et la manipulation économique des élites politiques congolaises
Il est curieux que pendant que les serviteurs des ‘’maîtres du monde’’ cherchent à organiser une action militaire contre les FDLR au Congo-Kinshasa, ils nous informent qu’une grande conférence sur les investissements privés dans la région des Grands Lacs pour 2015 est en préparation. Déjà en 2011, pendant que la classe politique congolaise palabrait autour des élections, une alliance public-privé avait été conclue Kinshasa et ‘’les chasseurs de matières premières’’[3] ; et la possibilité de couper la partie orientale du pays pour en faire ‘’leur protectorat’’ était entrevue. En d’autres termes, l’objectif majeur de la guerre de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa était en voie d’être réalisé en partie sans que la palabre sur les fraudes et les tricheries électorale y change quelque chose.
La haine sert de poison. Elle abrutit ses victimes. Elle les avilit, aiguise le goût de la vengeance et sert la cause de la politique du ‘’diviser pour régner’’. Elle crée des ‘’ennemis’’ indispensables à la guerre perpétuelle de tous contre tous ou à « la guerre contre le terrorisme ».
L’histoire se répète. Pendant que la classe politique congolaise (ou ce qui nous en reste) discute de la modification de la constitution, de la loi électorale et de ‘’Kabila dégage’’, une grande conférence sur les investissements privés se prépare. Comme en 1960, les questions politiques occupent les cœurs et les esprits. Les questions économiques sont traitées par serviteurs des ‘’maîtres du monde’’. Comme en 1960, ‘’la table ronde politique’’ semble être plus importante que ‘’la table ronde économique’’. Il nous semble qu’il y a là fondamentalement quelque chose qui ne va pas ; le refus, par une certaine classe politique congolaise de rompre avec le statu quo.
Dans ce contexte, la guerre contre les FDLR participe de la manipulation économique des élites politiques congolaises par les serviteurs des ‘’maîtres du monde’’. Les pyromanes s’emparent des terres et des richesses du Congo-Kinshasa pour leurs entreprises mortifères en donnant l’impression d’être des pompiers décidés à éteindre un feu qu’ils allument en permanence.
Mbelu Babanya Kabudi