L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu apporte un regard critique sur le Congo en 2015, décrit comment l’opposition et la majorité présidentielle reconduisent le statu quo, insiste sur le fait qu’il faut impérativement maîtriser conscience et connaissance et explique pourquoi, dans le contexte actuel de la fabrication d’un chaos constructeur par les élites anglo-saxonnes, un travail minutieux de réflexion et d’organisation doit être abattu.
Sur le Congo en 2015
L’année 2015 sera très très difficile pour le Congo. Les politiciens congolais pour la plupart sont à côté de la plaque. Si nous prenons, par exemple, les 3 faux penalties de Moïse Katumbi, nous nous rendons compte que, les analyses, qui ont suivi le fait que Katumbi ait parlé de ces 3 penalties, n’en ont pas tiré toutes les conséquences.
S’il y a eu 3 faux pendant, c’est que, en 2005/2006, en 2011, les élections n’ont été que des mascarades. Et sur le 3ème penalty qui viendrait en 2016 ? Toutes les conséquences des faux penalties de 2006 et 2011 ne semblent pas avoir été tiré par ceux qui prétendent être les acteurs politiques du Congo. Ils se sont engagés dans un faux processus que Katumbi décrit de l’intérieur.
Les institutions, les mouvements et les partis politiques engagés dans ce processus depuis 2005 voire la guerre de l’afdl se sont engagés dans un faux processus, et sont donc des faussaires. Tous travaillent au maintien du statu quo.
Comment après avoir travaillé au maintien du statu pendant autant d’années, comment pensent-ils pouvoir tirer la majorité de nos populations, engagés dans ce faux processus ?
Voilà pourquoi 2015 sera une année très difficile dans la mesure où les politicards faussaires, engagés dans un processus depuis la guerre de l’AFDL ont du mal à rompre avec le statut. Et ceux qui les ont corrompu depuis cette guerre s’arrangent, aujourd’hui, pour les corrompre afin qu’ils fassent passer la loi électorale pour une nouvelle mascarade en 2016.
Sur l’oppositon congolaise et la répression de la manifestation de la plateforme « Sauvons le Congo » le 12 janvier 2015
Comment peut-on d’un processus faussé créer un espace politique digne de ce nom ? La faute de cette répression n’est pas à mettre sur le dos de ce que les gens appellent la police congolaise. Ce n’est pas une police, c’est une milice au service des faussaires.
Notre difficulté pour le moment est liée à notre fausse lecture de l’histoire. Il faut faire la différence entre une fausse opposition engluée dans un faux processus et un front de la résistance congolaise qui est en train de se consolider petit à petit et qui a sa 5ème colonne sur place au Congo. Nous ne pouvons pas compter sur des compatriotes qui reproduisent un faux processus et qui sont tombés dans l’inversion sémantique, pour pouvoir tirer le congo du bourbier où il est aujourd’hui. Et ce bourbier est un Etat raté. Et dans un Etat raté, vous ne pouvez pas prétendre avoir une police, une armée, ou un gouvernement à même de bâtir un pays digne de ce nom. L’urgence est d’appeler un chat un chat. Et si nous donnons le véritable sens aux mots que nous utilisons, nous saurons mieux nous battre.
Nous devons pouvoir conjuguer connaissance et conscience. S’il n’y a pas une connaissance maîtrisée des mots, des processus et modes opératoires, nous ne saurons pas lutter.
Sur le travail de conscience à mener
L’enjeu n’est pas maîtriser les éléments de langage, mais d’acquérir la connaissance et la conscience, indispensables à la sortie du Congo du bourbier où il est aujourd’hui. C’est là le travail d’un leadership collectif, charismatique, responsable. Un leadership qui devrait petit à petit, procéder à une division du travail qui puisse le conduire à aller vers les masses populaires congolaises. Un leadership charismatique et responsable qui se fonde sur des masses paysannes et qui aident ces masses paysannes à comprendre que ce dont il est question aujourd’hui, c’est de la confiscation de ses terres, du dépeuplement du Congo, de la balkanisation du territoire congolais pour pouvoir en faire un marché autorégulé, un réservoir de matières premières stratégiques.
Si nous n’arrivons pas à avoir ce leadership charismatique, collectif et responsable capable de pouvoir tenir et développer ce discours là, nous allons tourner en rond pendant longtemps. Parce que pour le moment, nous reproduisons des méthodes qui ont échoué par le passé. Combien de sits-in n’avons-nous pas organisé sous Mobutu ? Combien de marches étouffées par Mobutu ? Pourquoi n’arrivons-nous pas à nous faire à l’idée que ce n’est pas en reconduisant les méthodes qui ont échoué nous allons finir par réussir ? Il y a une terrible négligence de l’histoire. Cette façon de négliger l’histoire, de ne pas questionnaire l’histoire, de ne pas s’engager dans des débats d’idées pointues au cœur de ce que nous voulons faire qui risque de rendre 2015 et 2016 pénible pour les masses congolaises.
Sur la reconduction du statu quo
Il y a de l’intérieur du Congo, des alliés, des esclaves volontaires, des charognards, mais qui, à un moment donné, parce qu’ils veulent se donner bonne conscience, en faisant croire aux compatriotes qu’ils luttent contre un mercenaire qu’ils appellent abusivement président du Congo. ET ces gens sont en train de conduire le Congo dans le mur. Comme la « majorité présidentielle » est en train de conduire le Congo dans le mur.
Certains membres de l’opposition ont récemment donné l’impression de créer l’union sacrée, mais avec quel projet, avec quel programme, avec quels alliés ? Il y a, au final, un travail qui se fait pour la reconduction du statu quo.
Sur la différence entre foule et masse critique
Il faut éviter de confondre la foule et les masses critiques. La foule tombe facilement dans l’amnésie. Dans la lutte que certains compatriotes sont en train de mener, se fier à la foule, qui n’est pas encore transformée en masse critique peut être un leurre. On peut en étant être applaudi par la foule, croire qu’on a affaire à des masses critiques capables de mener leur lutte (d’émancipation politique) à court, moyen et long terme.
Il y a du travail à faire, celui de la transformation de la foule en masse critique. Et ce travail se fait par une connaissance historique approfondie, une bonne maîtrise du mode opératoire des politiques à l’intérieur et à l’extérieur du pays, mais aussi une organisation en conscience des masses pour l’émancipation politique du Congo.
Sur Moïse Katumbi et le faux penalties
Il faut toujours faire la différence entre le temps de l’émotion et le temps de la réflexion. Il faut, après l’émotion, méditer sur ce qui est arrivé. Katumbi parle de deux faux penalties (les deux processus électoraux engagés en 2005 et 2011) ayant précédent le troisième qui pourrait être tiré 2016. Ce qu’il ne dit pas c’est que les deux faux processus sont liés à une guerre de prédation et de basse intensité orchestrée par les arbitres du match de 2005 et 2011. Et pour pouvoir comprendre qui a joué le rôle d’arbitre en 2005 et 2011, nous avons aujourd’hui, plusieurs documents. Si katumbi avait été conséquent avec lui-même, il démissionnerait. Et si les acteurs politiques ayant bénéficié de deux faux penalties, étaient conséquents avec eux-mêmes, ils rompraient avec ce processus. Mais ils continuent à vous dire qu’il ne faut pas toucher à la loi électorale. Or c’est un faux penalty, c’est un faux processus !
Les paraboles sont des faits tirés de la vie concrète pour nous dérouter. Dérouter signifie ici rompre avec le chemin sur lequel on s’était engagé pour prendre une nouvelle route. C’est là que les paraboles de Katumbi ont toute leur importance. Mais il n’en tire pas toutes les conséquences. Si on parle de Katumbi, grand gouverneur du Katanga et président du TP mazembe, c’est parce qu’il a tiré profit des faux penalties.
La difficulté que nous avons avec beaucoup d’acteurs politiques au Congo, c’est qu’ils ont bénéficié de ces faux penalties. Ils doivent ce qu’ils disent aujourd’hui, à ces faux penalties.
Sur l’équation à résoudre
En quoi consiste la fausseté ? La fausseté c’est aussi que les initiateurs de ce processus mensonger au Congo sont les commanditaires de la guerre qui sévit au Congo. Et ce sont les mêmes qui se présentent, au moment où les différents accords ont été signés, comme étant des pompiers.
Comment sortir de ce faux processus avec des pompiers qui sont des criminels de guerre, des criminels contre l’humanité et qui ont organisé la guerre contre le Congo pour dépeupler et balkaniser le pays ? Voilà une équation très difficile à résoudre.
Pour trouver une solution à cette équation, il faut s’asseoir, réfléchir, débattre, créer des « think-tanks ». On ne peut se réveiller un matin, se mettre au tour d’une table et débiter des bêtises. C’est un travail minutieux qui doit être fait avec beaucoup de lectures, de l’argent et des systèmes de défense bien organisés, et une bonne maîtrise de la culture politique congolaise et internationale.
Sur l’enjeu congolais
Aujourd’hui, on ne peut pas blaguer avec l’enjeu congolais. L’enjeu congolais doit être replacée dans l’histoire du monde telle qu’elle est en train de se faire aujourd’hui. Le Cameroun est en train d’être attaqué. Le Nigeria est en train d’être attaqué. Nous n’avons pas une sécurité africaine capable de défendre les pays africains. Les USA sont en train d’implanter des bases militaires partout en Afrique.
Sans des groupes de réflexion bien outillés, sans des moyens congolais conséquents, sans une culture politique, et du Congo et de ceux qui sont abusivement appelés partenaires, 2015, 2016, voire 2025 seront des années très difficiles pour le Congo.
Parce que le problème ce n’est pas la démocratie au Congo. Le problème est le suivant : à qui doivent appartenir les richesses du Congo. Voilà l’enjeu que la plupart de nos politicards n’arrivent pas à aborder.
Sur « Charlie »
Qui a armé les pays où ces jeunes ont séjourné ? Qui coopère avec le Yemen ? Qui a armé les Djihadistes en Libye, en Syrie, au Mali ? Qui a orchestré la guerre contre l’Afghanistan et l’Irak ? Pourquoi quand les hôpitaux ont été détruits en Libye, en Afghanistan, ou en Irak, ça n’a pas mobilisé autant de monde ?
Pourquoi chaque jour quand on tue à l’Est du Congo, quand la fin et la misère tue des milliers et des millions de Congo, on ne se mobilise pas ?
Attention…
Ce qui est arrivé en France peut être analysé à partir de deux textes fondamentaux : Celui de Francis Fukuyama, « La fin de l’histoire ». Celui de Samuel Huntington, « Le choc des civilisations ».
Ce qui est en train de se passer c’est la fabrication du chaos constructeur d’un nouvel ordre mondial dont l’Etat profond américain anglo-saxon voudrait être le seul maître. Et selon un ex-membre de l’Etat profond américain, il n’est pas exclu que ce qui s’est passé en France soit une punition infligée à la France qui a voulu que les sanctions contre la Russie soient levées si jamais les choses s’arrangeaient en Ukraine.