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Lettre ouverte des forces-vives de la Société Civile du Nord-Kivu à Ban Ki Moon

Lettre ouverte des forces-vives de la Société Civile du Nord-Kivu à Ban Ki Moon

Lettre ouverte des forces-vives de la Société Civile du Nord-Kivu à Ban Ki Moon 800 600 Ingeta

Lettre ouverte des forces-vives de la Société Civile du Nord-Kivu à Son Excellence Monsieur Ban Ki-moon, Secrétaire Général des Nations-Unies et à Monsieur Jim Yong Kim, Président du Groupe de la Banque mondiale à l’occasion de leur visite à Goma,

Avec nos hommages les plus déférents

 

« AIDEZ LE PEUPLE CONGOLAIS A SE CONSTRUIRE UN ETAT VIABLE ! »

 

Excellence Monsieur le Secrétaire Général,

La province du Nord-Kivu est depuis plus de vingt ans l’épicentre des violences et des guerres qui ensanglantent l’Est de la République Démocratique du Congo, avec des conséquences néfastes sur les plans humain, économique, social et environnemental. A l’occasion de votre visite à Goma, nous voudrions vous adresser notre reconnaissance pour le virage que sous votre égide la communauté internationale a amorcé dans sa perception de la crise dans l’Est de la République Démocratique du Congo, et des voies et moyens de sa résolution. Il s’agit notamment de la signature, le 24 février 2013, de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, ainsi que de l’adoption par le Conseil de Sécurité de l’ONU de la résolution 2098 (2013).

Ce changement de perception se trouve dans la reconnaissance par vous-même et par la communauté internationale dans son ensemble, de la nécessité de s’attaquer aux causes profondes de cette crise pour espérer le rétablissement d’une paix et d’une stabilité durables. Cependant, notre crainte c’est que les véritables causes profondes de la crise dont il s’agit ne soient pas correctement ou totalement appréhendées par la communauté internationale. Or, il est évident qu’un mauvais diagnostic conduirait nécessairement à un autre échec des initiatives qui sont entrain d’être prises, ou en altérerait les bienfaits dans la durée. C’est pourquoi nous tenons à rappeler instamment à votre intention les principales causes profondes de ces violences et de cette instabilité récurrentes, tout en formulant des propositions concrètes sur ce que devrait être la contribution de la communauté internationale pour y mettre un terme. De prime abord, il y a nécessité absolue pour la communauté internationale  à circonscrire toute action et toute intervention dans notre pays dans le but ultime d’aider le peuple congolais à se construire lui-même un Etat viable et démocratique. C’est à cette seule condition que les actions de la communauté internationale auront un sens et garderont leur légitimité aux yeux de la population congolaise.

Par ailleurs, la communauté internationale qui dispose de suffisamment de moyens de pression sur tous les régimes dans la région devrait les pousser constamment à la pratique de la démocratie et de la bonne gouvernance politique et économique, ainsi qu’à la construction et au respect d’une justice équitable. Sans cela, la paix durable, la stabilité et l’intégration économique régionale promues dans les Grands-Lacs resteront une utopie.

Excellence Monsieur le Secrétaire Général,

Dans le but d’aider la République Démocratique du Congo à sortir rapidement et durablement des cycles de violences et d’instabilité dans lesquels elle se trouve, tout en soutenant le peuple congolais dans son désir ardent de se construire un Etat viable, la communauté internationale devrait veiller essentiellement à :

  1. 1.      Accélérer l’opérationnalisation de la Brigade d’intervention en vue de la neutralisation effective du M23 et de tous les autres groupes armés congolais et étrangers actifs dans l’Est de la RDC, conformément à la résolution 2098 ;

 

  1. 2.      S’assurer que l’Accord-cadre d’Addis-Abeba est respecté par tous ses protagonistes, en particulier par le Rwanda et l’Ouganda qui continuent ostensiblement à appuyer le M23 et à héberger, pour le premier, des individus qui ont participé jusque très récemment à la déstabilisation de notre pays (et dont certains sont sous le régime des sanctions de l’ONU), en violation flagrante des dispositions de l’Accord-cadre ;

 

  1. 3.      Faire toute la pression nécessaire sur les autorités congolaises pour que les réformes dont il est question dans l’Accord-cadre, et d’autres encore, soient rapidement entreprises, en particulier : le redressement du processus démocratique, la réforme du secteur de sécurité, la décentralisation, la fin de la corruption et des détournements, la fin de l’impunité et des immixtions dans le fonctionnement de la justice, le respect des droits humains et des libertés fondamentales, etc.

 

  1. 4.      Appuyer la mise en place d’une nouvelle armée congolaise républicaine et professionnelle. Cet appui de la communauté internationale devrait se faire dans un cadre mieux élaboré et mieux coordonné qu’actuellement, avec par exemple la mise en place d’une structure internationale de formation de l’armée congolaise. La communauté internationale devrait encourager les autorités congolaises à adopter, dans les meilleurs délais, un document de politique nationale de la défense ainsi qu’une feuille de route précise sur la réforme du secteur de sécurité sur lesquels son appui doit se fonder ;

 

  1. 5.      Réduire les effectifs actuels de la MONUSCO à une proportion de Casques Bleus et d’agents réellement utiles et efficaces par rapport à leur mandat, différemment de la situation qui a prévalu au cours de ces douze dernières années. Cette réduction des effectifs permettra à la communauté internationale d’économiser énormément d’argent qui pourrait être orienté plus utilement dans l’appui aux réformes institutionnelles attendues – parmi lesquelles l’impérieuse réforme du secteur de sécurité –, ou encore dans des programmes de développement économique ;

 

  1. 6.      Appuyer la mise en place rapide en RDC de mécanismes de justice transitionnelle, avec notamment l’institution de chambres mixtes spécialisées chargées de juger les crimes de génocide, crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes d’agression et crimes économiques commis sur le territoire de la République Démocratique du Congo depuis 1993 jusqu’à ce jour. Une bonne partie de ces crimes sont suffisamment documentés et leurs auteurs épinglés dans le rapport final du Projet Mapping des Nations-Unies, qui hélas reste sans suite depuis trois ans. La mise en œuvre de ces mécanismes est essentielle en tant qu’elle assurera la fin de l’impunité pour les auteurs des crimes, tout en permettant la vérité, la réparation et la réconciliation des populations affectées par ces deux décennies de guerres et de violences ;
  2. 7.      Mettre suffisamment de pression sur le Rwanda, l’Ouganda et le Burundipour le règlement de leurs problèmes profonds de démocratie, de justice et de réconciliation dont les effets néfastes sur la stabilité de la RD Congo sont indéniables. Le but doit être de parvenir à la résolution une fois pour toutes de la problématique des réfugiés rwandais, des FDLR et autres miliciens étrangers encore présents sur le territoire congolais ;

 

  1. 8.      Enfin, à adopter, financer et mettre en œuvre un vaste plan de reconstruction de l’Est de la République Démocratique du Congo avec comme objectifs principaux de :

–       Créer une alternative pour les milliers de jeunes congolais que la pauvreté et le chômage livrent aux groupes armés ;

–       Interconnecter et désenclaver les différents territoires de l’Est de la RDC par l’aménagement de routes viables. Ce genre d’infrastructures permettront non seulement de développer l’économie et le commerce, mais faciliteront aussi les contacts et les échanges entre différentes communautés, ce qui accroît la confiance et dissipe la méfiance mutuelle ;

–       Faciliter le retour des réfugiés et des déplacés internes dans leurs milieux de provenance, et mettre un terme à la dépendance à l’aide ; etc.

Par rapport à ce dernier point, nous nous réjouissons de l’engagement annoncé par la Banque mondiale ce mercredi 22 mai 2013 à Kinshasa, de financer à hauteur d’un milliard de dollars, des projets de développement et d’intégration sous-régionale. Nous sommes impatients de les voir réalisés effectivement, et dans la transparence totale. Néanmoins, nous sommes convaincus que la communauté internationale peut faire davantage, notamment en réduisant les effectifs de la MONUSCO comme suggéré précédemment.

Excellence Monsieur le Secrétaire Général,

C’est depuis longtemps que nous avions réclamé un mandat d’imposition de la paix pour la MONUSCO, et la Brigade d’intervention constitue pour nous une réponse assez satisfaisante à cet égard. Mais il faut qu’elle se mette en place rapidement, et qu’elle exécute son mandat, en même temps que le gouvernement congolais s’emploiera à mettre en place une armée nationale dissuasive, avec l’appui de la communauté internationale. Il ne doit plus être donné de prime aux criminels sans foi ni loi qui sèment la désolation parmi nous, sous quelque forme que ce soit : intégration dans les forces de sécurité, impunité, amnistie, postes politiques ou fonctions administratives.

Une fois encore, la défense de la RDC ne sera jamais mieux assurée que par les Congolais nous-mêmes.  C’est à cette seule fin que doivent converger tous les efforts de la solidarité internationale. Nous restons convaincus qu’avec une réelle volonté de la part des Nations-Unies et de la communauté internationale d’accompagner le peuple congolais dans sa quête de la paix, de la stabilité et du développement durables, aucun obstacle ne sera insurmontable.

Veuillez agréer, Excellence Monsieur le Secrétaire Général, l’expression de notre haute considération.

Fait à Goma le 23 mai 2013.

Pour la Coordination Provinciale de la Société Civile/Forces-vives du Nord-Kivu,

 

Thomas d’Aquin MUITI LUANDA,

Président

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