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Les Kongolais ne sont pas seuls

Les Kongolais ne sont pas seuls

Les Kongolais ne sont pas seuls 960 648 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

« Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. »
– P.-E. LUMUMBA

La guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa est de plus en plus au coeur des débats kongolais et entre Kongolais(es). De plus en plus, ils (elles) arrivent à comprendre que Paul Kagame et ses mercenaires prennent appui sur des parrains habitués aux guerres d’usure et à l’entretien du chaos dans des pays se trouvant dans leur ligne de mire. Ceci bien que trop tardif est une grande avancée.

I. Confusion : « communauté internationale » ou « occident collectif »

Ces compatriotes décrient l’hypocrisie de « la communauté dite internationale » et soutiennent que le pays se bat seul contre le monde entier. Ce disant, ils pose un problème lié au monde qui vient. D’un, ils font une confusion entre « l’Occident collectif » et « la communauté internationale ». Ils n’intègrent pas dans leurs débats et dans leurs analyses les 85% des pays du monde isolant de plus en plus « l’Occident collectif », se réorganisant autour des pays des BRICS et constituant le Sud Global.

Croire en un Kongo-Kinshasa s’esseulant et affirmer qu’il ne peut compter que sur ses seules forces dans un monde où la mutualisation des efforts et des intérêts est en train de s’imposer, c’est le condamner à disparaître du coeur de l’Afrique.

De deux, ces débats et ces analyses ignorent une bonne partie de l’histoire africaine et kongolaise des luttes d’émancipation politique conduites dans un contexte où  »la tricontinentale » (Asie, Amérique latine et Afrique) pesait dans les rapports de force mondiaux.

Donc, identifier « la communauté internationale » à « l’ Occident collectif » et oublier la montée en puissance du Sud Global ainsi que l’histoire de « la tricontinentale », cela peut fausser la lecture du monde au sein duquel le Kongo-Kinshasa est en train de se battre pour sa véritable et réelle souveraineté.

Dans cet ordre d’idées, croire que le Kongo-Kinshasa est seul au cours de cette guerre perpétuelle pourrait être une façon de chercher à l’esseuler afin qu’il ne puisse pas s’ouvrir au Sud Global, nouer des alliances stratégiques salutaires et se situer sagement dans le monde multipolaire émergent. Croire en un Kongo-Kinshasa s’esseulant et affirmer qu’il ne peut compter que sur ses seules forces dans un monde où la mutualisation des efforts et des intérêts est en train de s’imposer, c’est le condamner à disparaître du coeur de l’Afrique.

II. Revenir à Lumumba

Revenir à Lumumba et l’entendre soutenir que « nous ne sommes pas seuls » peut contribuer à rompre avec la malédiction de la désorientation existentielle pesant sur « les politiciens » et certains citoyens kongolais et constituer une issue au « chaos contrôlé » dans lequel le pays est plongé depuis plus de trois décennies.

L’Afrique compte déjà quelques peuples libres et libérés ou sur la voie de l’être : le Mali, la République Centrafricaine, le Burkina Faso, l’Algérie, etc. […] Si le Kongo-Kinshasa veut sortir de son insularité, de son esseulement, il y a là une voie possible à suivre. 

Ecrivant à Pauline, Lumumba notait ceci : « Nous ne sommes pas seuls. L’Afrique, l’Asie et les peuples libres et libérés de tous les coins du monde se trouveront toujours aux côtés de millions de congolais qui n’abandonneront la lutte que le jour où il n’y aura plus de colonisateurs et leurs mercenaires dans notre pays. »

En effet, l’Afrique compte déjà quelques peuples libres et libérés ou sur la voie de l’être : le Mali, la République Centrafricaine, le Burkina Faso, l’Algérie, etc. Parmi eux, il y en a, comme l’Algérie, qui cherchent à rejoindre les BRICS. Ils ont compris que l’avenir appartient au monde multipolaire et à l’Eurasie, à ses organisations et aux institutions alternatives (à celles de « l’Occident collectif ») qu’elle est en train de mettre en place pour un monde respectueux de la souveraineté des Etats, de leurs identités, de leurs cultures et de leurs traditions, sans aucune hégémonie. (Lire Au revoir G20, bonjour BRICS + (reseauinternational.net) )

Si le Kongo-Kinshasa veut sortir de son insularité, de son esseulement, il y a là une voie possible à suivre. De plus en plus, même au sein de « l’Occident collectif », des peuples libres se lèvent et acceptent la dissonance cognitive face à leurs gouvernants. (Lire M. ONFRAY, Puissance et décadence. Une politique de civilisation, Paris, Bouquins, 2022 et écouter Valéry Bugault).

III. Une guerre économico-financière

Oui, pour le Kongo-Kinshasa, aller vers des organisations et des institutions eurasiatiques alternatives est d’une importance capitale. Pourquoi ? Mobilisés comme un seul homme, plusieurs compatriotes croient que la guerre raciste de prédation et de basse intensité n’est que « militaire », ne se déroule que sur le front Est et dans l’une ou l’autre partie du pays.

Cette guerre n’est pas que « militaire », elle est aussi économico-financière. La mener tout en restant prisonnier des institutions de Bretton Woods peut se révéler être un coup d’épée dans l’eau.

Lorsqu’ils disent : « Tosilana », ils se limitent à ce niveau-là. Rares sont ceux et celles qui pensent que le budget du pays libellé en dollar américain peut être bloqué par les parrains de Paul Kagame. La Libye et la Russie en savent quelque chose.

Donc, cette guerre n’est pas que « militaire », elle est aussi économico-financière. La mener tout en restant prisonnier des institutions de Bretton Woods peut se révéler être un coup d’épée dans l’eau. Il serait plus que temps de s’engager dans un processus de diversification du partenariat économico-financier en vue d’éviter des surprises désagréables.

Pour conclure : une guerre contre l’intelligence

La guerre raciste de prédation et de basse intensité orchestrée contre le Kongo-Kinshasa est fondamentalement une guerre contre l’intelligence. Elle recourt régulièrement au « soft power » pour procéder à la colonisation des coeurs et des esprits. Heureusement, les débats kongolais et entre Kongolais(es) sont en train de l’analyser sur la place publique. Elle est relue, ses acteurs pléniers et leurs mercenaires sont pointés du doigt. Mais…

Pourquoi a-t-elle pris autant de temps ? A mon avis, l’une des raisons serait que « l’intelligence collective » a mis du temps à la cerner, à en indiquer les acteurs pléniers et les acteurs apparents, à lutter contre le fanatisme et le culte du chef. Jusqu’à ce jour, elle ne semble pas avoir mobilisé suffisamment des lieux de la pensée pour l’étudier en permanence et partager les résultats de leurs recherches. Pourtant, ceux qui la font à partir des coulisses de l’histoire dépensent des sommes colossales pour « enchaîner la pensée ». Ils sont fondamentalement convaincus qu’elle est d’abord et avant tout une guerre contre l’intelligence.

Si le pays n’arrive pas à créer et/ou à solliciter les lieux de la pensée afin de les relier aux débats publics, cette guerre d’usure risque de prendre encore un peu plus de temps et d’esseuler davantage le Kongo-Kinshasa.

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

INGETA.

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