Par Jean-Pierre Mbelu
« Par vaincre le mensonge, il faut entendre vaincre l’endoctrinement des gens, vaincre l’absence de réflexion, vaincre le refus de s’informer, vaincre le rejet de l’information. »
– Serge Charbonneau
Hier, vendredi 1er octobre 2021, nous avons pu discuter avec quelques compatriotes sur un Tweet donnant à penser. Ce Tweet publié par un journaliste kongolais, Stanis Bujakera Tshiamala, le voici : « Le glissement c’est fini, nous n’en voulons pas », dit @USAmbDRC après échange avec les six confessions religieuses, jeudi. L’ambassadeur américain insiste que les élections doivent se tenir dans le délai constitutionnel, soit en 2023, pas après. »
Bien que je qualifie toujours les élections de « pièges-à-cons » dans un contexte mondial où les forces économiques dominantes imposent « leurs candidats » aux peuples comme « gouvernants », ce Tweet m’a interpellé dans la mesure où il contient un « nous » qui pose problème. Mais aussi le mot « glissement ». Mais aussi le problème de ce qui me paraît de plus en plus aliénant : pour que certains compatriotes se parlent, trouvent des solutions aux questions kongolaises, ils doivent être « coachés » par « les décideurs ». Cela se passe au moment à l’ Ethiopie, le Mali et la Centrafrique apprennent à faire les choses autrement et souverainement !
« Nous », c’est qui ?
Lorsque Nzita Hammer dit : « Le glissement c’est fini, nous n’en voulons pas (…) » ; que représente le « nous » auquel il fait allusion. « Nous », c’est qui ? Au nom de quoi ce « nous » peut-il décider de la fin du « glissement » au Kongo-Kinshasa. Quand s’opère le réel « glissement » ? Qui glisse ? Comment ? Le glissement est-il simplement le fait d’aller au-delà du « délai constitutionnel » ou de passer du contrôle populaire des « gouvernants » vers celui des forces dominantes du marché ? Quel est « le glissement » pouvant être le plus redouté ? Celui de tout un pays arraché à ses filles et fils ou celui d’une date convenue pour entretenir l’illusion de « la démocratie » avec des « copains et coquins » interchangeables pour le profit du « capitalisme sénile du désastre » ?
Quel est « le glissement » pouvant être le plus redouté ? Celui de tout un pays arraché à ses filles et fils ou celui d’une date convenue pour entretenir l’illusion de « la démocratie » avec des « copains et coquins » interchangeables pour le profit du « capitalisme sénile du désastre » ?
A mon humble avis, répondre à toutes ces questions dans un pays où les livres et les articles sont soumis à l’autodafé est une entreprise pénible. Dans le cas contraire, un renvoi vers Luciano Canfora aiderait à décrédibiliser la parole de Nzita Hammer. Il aiderait à demander à ce monsieur au nom de quoi il donnerait des leçons électorales au Kongo-Kinshasa alors que dans son Amérique natale, « une imposture démocratique » s’est installée depuis quelques années déjà. (Lire L. CANFORA, L’imposture démocratique. Du procès de Socrate à l’élection de G.W. Bush, Paris, Flammarion, 2003).
Qu’est-ce qui pourrait légitimer la parole d’un ressortissant d’un pays où le débat sur l’élection présidentielle de l’année dernière n’est pas encore clos ; un pays où « le président élu », Joe Biden, n’a aucune popularité, où on ne voit jamais ses partisans, où l’on a l’impression qu’il a été élu par des fantômes, l’écrit si bien Serge Charbonneau ? (Lire Peut-on vaincre le mensonge ?
L’autodafé est un handicap sérieux
Bref, la question de la crédibilité et de la légitimité de la parole de Nzita Hammer se pose. Elle pourrait trouver un début de réponse à la relecture de cet article rédigé au sujet de l’intervention des USA dans « les élections présidentielles » au Kongo-Kinshasa en 2018. (Washington Let Congo’s Stolen 2018 Election Stand. To Defend Democracy, Biden Needs to Fix Diplomacy)
L’efficacité avec laquelle on a implanté ces mensonges dans l’esprit d’une forte partie de la population a engendré des mouvements de croyants. On se retrouve avec des croyants dignes d’une secte. Ils refusent catégoriquement de s’attarder à tous documents pouvant entraîner une réflexion. De plus, la réalité semble n’avoir aucune emprise sur eux.
Cet article pose plusieurs problèmes à la fois. Le lire, le décortiquer, le critiquer, cela pourrait aider à comprendre ce dont »les élections » sont le jeu et l’enjeu au cœur de l’Afrique et dans les pays où »les élites anglo-saxonnes » dominent. Saisir le jeu et l’enjeu peut jouer sur l’orientation des luttes pour l’émancipation politique du pays.
Malheureusement, l’autodafé est un handicap sérieux. Il participe du petit mensonge dans lequel plusieurs compatriotes s’enferment pour éviter de voir la réalité en face. Ils donnent raison à Serge Charbonneau lorsqu’il écrit ceci : « L’efficacité avec laquelle on a implanté ces mensonges dans l’esprit d’une forte partie de la population a engendré des mouvements de croyants. On se retrouve avec des croyants dignes d’une secte. Ils refusent catégoriquement de s’attarder à tous documents pouvant entraîner une réflexion. De plus, la réalité semble n’avoir aucune emprise sur eux. » (Ibidem)
Une naïveté maladive
Pour ces compatriotes estimant que Nzita intervient au Kongo-Kinshasa au nom du « partenariat gagnant-gagnant », je leur proposerai une petite lecture de Paul Graig Roberts, un Américain info-formé, convaincu que « les élites USA » n’ont aucune empathie pour leurs propres populations qu’ils considèrent avec mépris comme étant « inutiles ».
Nzita ferait du « partenariat win-win » au pays de Lumumba au nom de quel peuple ? Et ce que ces « élites » ne font pas dans leur propre pays, elles le feraient au Kongo ? D’où viennent ces manières de penser, de réfléchir. D’où vient cette naïveté maladive ?
Voici ce qu’il écrit : « (…) notre gouvernement ne se soucie pas de nous. Notre gouvernement est dirigé par des milliardaires et des banquiers qui nous considèrent, à travers leurs lunettes eugéniques, comme des « mangeurs inutiles » qui polluent et tuent la planète, et que, par conséquent, toutes ces morts sont nécessaires pour sauver la terre [et les stations de ski des milliardaires]. Il suffit de voir le mépris total pour la vie diffusé chaque jour pour prouver que votre gouvernement ne se soucie pas de votre vie. Et il s’agit d’une question non partisane. » (On nous ment jusqu’à notre mort)
Donc, Nzita ferait du « partenariat win-win » au pays de Lumumba au nom de quel peuple ? Et ce que ces « élites » ne font pas dans leur propre pays, elles le feraient au Kongo ? D’où viennent ces manières de penser, de réfléchir. D’où vient cette naïveté maladive ? J’oubliais que l’autodafé est passé par là… et que la thérapie collective n’a pas encore eu lieu.
Lire, relire, toujours lire, étudier, cela peut participer de l’acquisition des compétences discursives et de la remise des cerveaux éteints en marche. Une lutte acharnée menée contre l’autodafé est indispensable au changement populaire de paradigme politique au Kongo-Kinshasa.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961