Par Mufoncol Tshiyoyo
Le triangle de la mort ou de destruction du Congo-Kinshasa comprend trois principales ligues, dont le modus operandi, à l’intérieur de chaque bloc, diffère de celui d’une compétition sportive normale. En effet, dans une concurrence sportive, les différents protagonistes sur le terrain du jeu jouent d’abord à l’affrontement. Et ce n’est que par la suite, après une dispute bien engagée entre des équipes opposées aux unes et aux autres, et lesquelles, selon les règles du jeu bien avant définies, essayent de gagner des points en vue de remporter chacune le tournoi en empochant le prix ou le trophée pour lequel elles concouraient.
Mais au Congo-Kinshasa, tout fonctionne à l’envers, car ce genre de compétitivité qui se solde soit par un vainqueur, soit par un vaincu n’est pas à l’ordre du jour. Sur le terrain de jeu, au Congo-Kinshasa, l’antagonisme et son corollaire la victoire ou la défaite sont carrément absents et exclus entre les pièces sur l’échiquier. On peut en déduire que par l’absence d’un règlement établi et respecté, le Congo-Kinshasa va droit à sa disparition, voire à la mort. C’est le triomphe de la loi de la jungle.
Ligue 1 « L1 » : Les grandes puissances, l’ONU (la MONUSCO)
Au niveau de la ligue première ou « L1 » du triangle de la mort opèrent les États-nations qui s’imposent au reste du monde comme des superpuissances à qui la divinité ou les divins auraient confié la « gouvernance » de l’Humanité. Parmi ces nations se placent au premier rang notamment les deux États anglo-saxons : les USA et la Grande-Bretagne. Ces deux nations agissent de concert, en parfaite assonance d’intérêts raciaux et nationaux sous lesquels ils se drapent et au nom desquels ils se meuvent sur l’échiquier. Cependant, ils ne sont pas les seuls à figurer sur cette liste. Il y a aussi la Chine de Xi Jinping, la France, la Russie de Poutine, l’Allemagne d’Angela Merkel et le Canada. Et bien que formant un ensemble hétéroclite, ces pays se retrouvent aux côtés de l’élite anglo-saxonne, dans un seul et unique club pour la poursuite et la défense de leurs intérêts respectifs au Congo-Kinshasa. Au travers de leurs actes, la Chine, la France, la Russie, l’Allemagne, les USA et la Grande-Bretagne travaillent et participent à l’affaiblissement du Congo-Kinshasa en tant qu’État souverain.
Contrairement à ce que penserait l’opinion congolaise, les intérêts chinois et ceux de l’Occident au Congo-Kinshasa n’entrent pas en conflits les uns contre les uns. Par contre, ces États exploitent, chacun et à des degrés divers, le désordre qu’ils instaurent et imposent comme forme institutionnelle de gestion du Congo-Kinshasa. Mais qui peut expliquer le fait qu’aucun membre du Conseil de Sécurité des Nations Unies n’ait eu à recourir à son droit de véto contre l’envoi des forces d’occupation de la MONUSCO au Congo-Kinshasa ? Ensemble, ils ont décidé et consenti à la mise sous tutelle du Congo-Kinshasa par l’ONU. En outre, comment saisir autrement le fait que ces pays susmentionnés autorisent la vente d’armes au Rwanda de Paul Kagamé pendant qu’ils prescrivent l’embargo au Congo ? Ce questionnement démontre que sur l’échiquier congolais évoluent des requins. Et là où des requins nagent, ils sont toujours à l’affut du sang chaud qui coule. Les USA, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie, la France se partagent allégrement leur butin de guerre, conquis sans armes et chacun ne cherchant à piétiner sur les plates-bandes de l’autre.
Contrairement à ce que penserait l’opinion congolaise, les intérêts chinois et ceux de l’Occident au Congo-Kinshasa n’entrent pas en conflits les uns contre les uns. Par contre, ces États exploitent, chacun et à des degrés divers, le désordre qu’ils instaurent et imposent comme forme institutionnelle de gestion du Congo-Kinshasa.
L’absence notoire d’une puissance antinomique dont la mission serait non seulement d’affronter cette alliance momentanée d’intérêts composites mais également d’équilibrer ou de déséquilibrer les rapports de force en son sein rend complexe et empire la situation de la RD- Congo. Elle affaiblit les capacités politiques et stratégiques du pays. Pour leurs intérêts, le Congo-Kinshasa doit être ingouvernable et sans maître apparent. D’ailleurs, c’est le principal objectif qui est poursuivi à travers la mise sous tutelle administrative du Congo.
Et dans ce cas que faire ? Assad s’est jeté dans les bras de la Russie pour que son peuple, les Syriens, en défendant d’abord les intérêts russes en Syrie, espèrent promouvoir par la suite ceux de leur propre pays, la Syrie. Mais la RD-Congo ne partage pas la même frontière avec la Russie de Poutine. Donc, il n’y a aucune menace directe contre les frontières russes. Y aurait-il un intérêt russe particulier au Congo qui nécessiterait leur secours quand les Anglo-saxons laissent la Russie ainsi que la Chine participer à leur tour, à la mangeoire généralisée et autorisée et entre eux ?
La déstabilisation du Congo-Kinshasa, dont l’objectif est d’en faire un État failli, permet à chacune de ces nations de puiser à leur guise. Lumumba a payé de sa vie en faisant appel aux Russes. Cette voie n’est pas à conseiller á l’état actuel du Congo-Kinshasa. Chez nous, Kasavubu, Mobutu, Tshisekedi, Monsengwo, les Kabila, Kengo, ainsi que la nouvelle génération des recrus, ont fait le choix de servir les mêmes maîtres, l’Occident. Mais pour quel résultat pour le pays et les Congolais ? Un maître qui contrôle et possède tout, d’abord votre terre et ensuite votre leadership n’a plus besoin de vous, de votre avis du moment que votre terre lui appartient déjà. Le peuple seul est la réponse. Il en fut ainsi pour Chavez. C’est le peuple vénézuélien qui en soutien en Chavez, eût à empêcher les coups d’États montés contre lui. De même avec Eva Morales aussi. Son plus grand allié est le peuple indien voisin des USA.
L’histoire contient d’autres modèles, notamment les frères Castro, Mao, Ho Chi Minh. Sans le peuple, ce sera fin du Congo-Kinshasa. Et ce n’est pas ce que l’on fait avec le peuple qui compte, mais ce que l’on est capable de dire à son peuple qui le transforme tout le préparant au jour où le pays a son rendez-vous avec l’histoire. Le peuple est en mesure de transformer l’essai en histoire pour l’humanité. Les rapports de force changeront. Ainsi sera brisé la collusion au niveau de la Ligue 1.
Ligue 2 « L2 » : L’Afrique, les États d’Afrique, et l’Union Africaine
La ligue 2 ou « L 2 » est composé des États-mercenaires, des pays « satellites ». En fait, ce sont des pays, qui n’ont de forme étatique que de nom. Car, ils sont formés, ensuit recrutés et travaillent pour et comme bras armés des puissances évoluant au niveau de la ligue « L1 ». C’est Chomsky qui en esquisse les contours dans son livre « Comprendre le Pouvoir/ L’indispensable de Chomsky, Premier mouvement ». Il y écrit notamment : Des « puissances » qui évoluent au niveau de Ligue « L1 » ont peur de la réaction de leurs peuples contre des politiques que leurs « élites » mènent en secret. [..] Pour fuir cette opinion exigeante de temps en temps, ces États en puissance recourent au service des pays « satellites » et « mercenaires ». [Aujourd’hui, dans notre époque, c’est rare que l’on recoure au service des individus qui servent comme mercenaires. À la place, ce sont des Etats, bien qui disposant d’un corps institutionnel, supposé « souverain », qui se livrent à un mercenariat d’un genre tout nouveau. [..] les États-Unis ont dû mener leurs interventions à l’étranger par l’intermédiaire d’États mercenaires. Il en existe tout un réseau […] [il y en a un [Israël] qui est le plus important et qui a aidé les États-Unis à pénétrer en Afrique noire]. [Et Chomsky en cite d’autres. C’est le cas notamment de « l’Afrique du Sud, le Taiwan, la Corée du Sud » (Chomsky, 2009 : 19-20). Nous ajouterons sur la liste le Rwanda de Paul Kagamé et l’Ouganda de Yoweri Museveni.
A l’instar de ce qui se passe au niveau de la Ligue « L1 », il manque également au niveau de la Ligue « L2 » des États mercenaires relevant d’un autre bord doctrinaire. Et l’absence d’autres pays d’Afrique pouvant jouer le contrepoids contre le Rwanda au Congo-Kinshasa, en affrontement carrément le Rwanda, complique la situation du Congo. Et comment, à des pareilles circonstances, établir des alliances quand la plupart des pays africains qui sont utilisés comme « mercenaires » appartiennent et font allégeance tous à un même clan politique, celui de l’Occident -anglo-saxon ? C’est ce qui nous fait dire que le Congo se trouve dans une situation de proie facile.
C’est officiellement depuis le 17 mai 1997 que le Rwanda comme mercenaire se trouve au Congo. Et depuis, ils ne l’ont jamais quitté. Et ce timing, à lui seul, met à nu l’incapacité de Paul Kagamé et du Rwanda de réaliser la mission dont ils furent chargés par leurs maîtres tutélaires.
Sauf nous resterait-il une seule issue, le suicide collectif comme pour les Américains à l’époque quand Abraham Lincoln déclarait : « Si la destruction [du Congo] doit être notre destin, nous devons en être les auteurs et les exécuteurs. […] Nous vivrons éternellement [comme peuples] où nous mourrons d’un suicide collectif », (tiré du documentaire « La Guerre de Sécession » de Ken Burns/ Arte éditions).
Malgré le soutien Anglo-saxon et l’argent du contribuable américain jeté dans l’éducation militaire de Paul Kagamé, l’homme fut formé à l’École supérieure de guerre de Fort Leavenworth (dans le Kansas), Paul Kagamé et son Rwanda ont mis plus de 20 bonnes années sans toutefois parvenir, et ce jusque-là, à un début de balkanisation du Congo, même ils l’occupent militairement et le pillent. C’est officiellement depuis le 17 mai 1997 que le Rwanda comme mercenaire se trouve au Congo. Et depuis, ils ne l’ont jamais quitté.
Et ce timing, à lui seul, met à nu l’incapacité de Paul Kagamé et du Rwanda de réaliser la mission dont ils furent chargés par leurs maîtres tutélaires. Pour Lord Palmerston, ancien ministre des affaires étrangères britanniques en 1848, l’Angleterre n’avait pas d’éternels ennemis : « We have no eternal allies and we have ne perpetual enemies. Our interests are perpetual and eternal and those interests it is our duty to follow ». L’entente est toujours possible. Le leadership nouveau au Congo pourra l’assumer. Comme il la fera ensuite comprendre au peuple Congolais, et qui, à son tour, oubliera mais en échange de la tête de Paul Kagamé comme prix. Ce genre des nègres doivent apprendre pour l’histoire pour que ce type de trahison ne se répétât plus. « Roma traditoribus non premia », aimaient à dire les Romains. Rome ne paie pas les traîtres.
Ligue 3 « L3 » : le Congo-Kinshasa et l’absence d’un leadership éclairé
Une fois que le travail de sape est accompli, par l’affaiblissement de l’État congolais, on remarque que la popularité des hommes politiques au niveau de Ligue « L3 » souffre de manque d’effets sur les masses populaires qui les suivent et sur ceux qui se proclament comme étant leurs adversaires à l’intérieur du système. La raison est simple. Les masses ne sont pas assez sollicitées. C’est pourquoi elles tardent à assumer leur rôle comme fer de lance d’une lutte qui ne leur est toutefois pas assez expliquée. En fait, le peuple ne se retrouve pas entre un combat de conquête de pouvoir politique, qui reste à définir, et celui de de reconquête de terre. Et en ce qui nous concerne, nous pensons que la bataille pour la terre nationale devrait précéder celle de la lutte pour le pouvoir, car il n’y a pas de pouvoir sans la terre sur laquelle ce dernier sera exercé. Mais dans tous les cas, le leadership a deux choix : soit exposer son peuple avec son accord, soit s’exposer en assumant son destin comme Castro. « L’élément clé, [écrit Arnold AUGUST dans son article « Fidel, le guérillero de 2015-2016 et au-delà (Cubadebate) », est le courage indéfectible des chefs comme Fidel, prêts à mettre leur vie en jeu pour remporter la victoire », (Legrandsoirinfo).
Néanmoins, les masses demeurent comme un couteau à double tranchant. Quand elles sont prêtes, et surtout qu’elles en ont envie et la réclament, assumer leur destin, elles sont à l’écoute d’un leader pour se ranger derrière-lui, sinon elles s’en créeront un à leur goût. Malheureusement, à Kinshasa, beaucoup de ceux qui s’affichent comme « hommes politiques » préfèrent fréquenter le quartier d’ambassades la nuit. Des « ministres » et autres députés congolais, « pouvoir » comme « opposition », s’affichent avec des ambassadeurs « occidentaux » en ville et dans les restaurants huppés de la capitale. Des ministres se disputent du nombre d’ambassadeurs à recevoir dans leur bureau respectif.
La bataille pour la terre nationale devrait précéder celle de la lutte pour le pouvoir, car il n’y a pas de pouvoir sans la terre sur laquelle ce dernier sera exercé. Mais dans tous les cas, le leadership a deux choix : soit exposer son peuple avec son accord, soit s’exposer en assumant son destin comme Castro.
Et à l’issue de ces rencontres, la télévision nationale retransmet des images qui montrent les ambassadeurs européens en train de prodiguer des conseils et aux ministres et aux députés, ainsi qu’au président du parlement comme à celui du sénat. Des images des ambassadeurs étrangers accrédités en Europe dînant en compagnie des ministres occidentaux et leur prodiguant des conseils sont presqu’inexistantes en Europe. Leur existence chez nous trahit la persistance de la pensée néocoloniale et le fait que le Congo-Kinshasa n’est pas dirigé par ses propres filles et fils.
La ligue « L3 » souffre de carence d’acteurs. Par acteurs, nous entendons certes un monde d’égaux, d’hommes vrais qui, non seulement sont conscients de leur rôle dans la société, mais également se montrent dignes du destin de leur peuple. Un acteur habite son rôle, il le construit et assure lui-même son exécution. Hélas, chez nous, on a plus affaire aux personnages politiques crées par d’autres et pour les besoins de la cause, c’est-à-dire le metteur en scène écrit pour eux une pièce dans laquelle il leur fait jouer un rôle qu’ils arrivent à peine d’incarner.
Le principe sur lequel est basée la trilogie des Ligues « L » est l’étranglement du Congo-Kinshasa. Chaque Ligue fonctionne de telle manière que jamais l’équilibre des forces ne soit établi. Toutefois, nous reconnaissons la bravoure de notre peuple sans laquelle le Congo-Kinshasa serait déjà enterré. Bravo aux Congolais pour cette lutte menée jusque-là sans armes. Mais le ton est invité à changer, car c’est tout faux de croire le peuple congolais ne serait que pacifique.
Mufoncol Tshiyoyo
Article génial, je partage sur google +