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« Le suicide » de Delphin Kahimbi. Un geste polysémique

« Le suicide » de Delphin Kahimbi. Un geste polysémique

« Le suicide » de Delphin Kahimbi. Un geste polysémique 1170 523 Ingeta

Par Jean-Pierre

Habitués « au pain et aux jeux », plusieurs compatriotes commentent un peu plus ce qu’il y a eu autour du « concert de Fally Ipupa » à Paris que ce qu’il y a eu au pays : « Le suicide (présumé) de Delphin Kahimbi ». Un geste pouvant paraître anodin et pourtant riche de significations.

Il est vrai que parmi les compatriotes commentant ce qu’il y a eu autour du « concert de Fally Ipupa », il y en a qui posent des questions pertinentes. Ils s’en prennent à cette tendance de réduire la culture congolaise à « la musique » tournant autour de « lokolo ya soso na loso » ou de la réduction de « son amoureuse » à « une canne à sucre ». Certains autres croient en la lutte multiforme des Congolais(es) parsemée de « petits échecs » et croient comme Mao qu’il est possible de passer par des échecs quand l’on croit en la victoire finale. Ils reprennent Mao quand il dit : « D’échec en échec jusqu’à la victoire finale ». Certains autres encore lisent à travers « les petites victoires » des Congolais(es) des signes de l’écroulement « des murs solides » de la bêtise ayant élu domicile au pays de Lumumba depuis plus de deux décennies. Et même plus.

Comprendre le suicide de Kahimbi

Des compatriotes étant restant attentifs à ce qui se passe au pays ont appris la mort de Delphin Kahimbi ce vendredi 28 février 2020. L’un d’eux, Amba Wetshi, a écrit un article dont le titre interpelle : « Qui a suicidé Delphin Kahimbi ? »

Kahimbi faisait partie des durs des durs de « la kabilie ». Il a participé à la répression sauvage des Congolais(es) ayant décidé qu’ils (elles) n’accepteraient pas la modification de la constitution au nom de « l’inanition de la nation sans alias Joseph Kabila ».

Cette question a tout son pesant d’or. Pourquoi ? Kahimbi faisait partie des durs des durs de « la kabilie ». Il a participé à la répression sauvage des Congolais(es) ayant décidé qu’ils (elles) n’accepteraient pas la modification de la constitution au nom de « l’inanition de la nation sans alias Joseph Kabila ». Et voici ce qu’il disait : « nous sommes arrivés au pouvoir par la force. Que ceux qui souhaitent l’alternance sachent qu’ils ne l’obtiendront ni par les élections ni par des manifestations pacifiques, mais en faisant la même chose que nous. »

Ce message de Kahimbi mérite d’être étudié en profondeur pour comprendre son « suicide ». D’où parlait-il ? D’un petit cercle proche d’alias Joseph Kabila, prêt à « jouer » au « passage civilisé du pouvoir-os » sans en être convaincu. Et Colette Braeckman nous en avait avertis quand elle écrivait ceci : « Le président Kabila n’est pas un homme à prendre des risques. Quelle que soit la décision qu’il annoncera d’ici le 8 août dans son discours devant les deux Chambres réunies, -se représenter ou non ?- il entend bien verrouiller le système afin que le pouvoir n’échappe pas à la majorité présidentielle et surtout, afin de ne pas être à la merci d’une « surprise » sur le plan militaire. C’est dans ce but qu’a déjà été créé le FCC (Front commun du Congo) une plate forme pro Kabila que l’historien Elikia M’Bokolo vient de rejoindre. Mais c’est surtout pour s’assurer de la fidélité de l’armée qu’a été opéré le dernier remaniement de la hiérarchie militaire, annoncé le week-end dernier. » Et que fait alias Joseph Kabila au niveau de l’armée ? Il procède aux nominations.

« Nous sommes arrivés au pouvoir par la force »

« La nomination du général John Numbi au poste d’inspecteur général de l’armée représente la plus remarquable des nominations : suspendu durant huit ans après avoir été tenu pour responsable de l’assassinat de Floribert Chebeya, le fondateur de « La Voix des Sans voix », l’ancien chef de la police nationale qui s’était retiré au Katanga, devient inspecteur général de l’armée après avoir été réhabilité voici quelques mois. Le général Numbi, un homme réputé méthodique et inflexible, sera chargé de superviser le fonctionnement de l’ensemble de l’armée. Il faut noter que cet homme fort du Katanga avait entretenu naguère des relations de confiance avec le général rwandais James Kabarebe. En outre, son nom avait été cité lorsqu’en 2016 le milicien Gédéon s’était rallié au président Kabila et que les combattants de ce chef de guerre avaient contribué à réprimer la révolte des Kasaïens. Un autre Katangais fait partie du verrou sécuritaire : le général Célestin Mbala Munsense, qui remplace le général Etumba à la tête de l’armée congolaise, est lui aussi un proche de Kabila, dont il fut longtemps le chef d’état major particulier. »

Et voici ce que Kahimbi disait : « nous sommes arrivés au pouvoir par la force. Que ceux qui souhaitent l’alternance sachent qu’ils ne l’obtiendront ni par les élections ni par des manifestations pacifiques, mais en faisant la même chose que nous. »

Et Colette Braeckaman ajoute : « La nomination du général Gabriel Amisi dit « Tango Four »révèle elle aussi le verrouillage du système : cet ancien rebelle issu des Mai Mai devient le numéro deux des FARDC au titre de chef d’Etat major adjoint chargé des opérations et du renseignement. Après avoir proche de Laurent Nkunda, l’ancien dirigeant d’une rébellion soutenue par le Rwanda, « Tango Four » a laissé de mauvais souvenirs dans l’Est du Congo et en particulier à Kisangani où il prit part à la guerre dite des Six Jours en juin 2000. Depuis lors, toujours très proche de Kabila, le général Amisi a exploité des mines dans l’Est du pays et investi dans le Vita Club, un club de football très populaire à Kinshasa. » Colette Braeckman ajoute : « La nomination du général Gabriel Amisi dit « Tango Four » révèle elle aussi le verrouillage du système : cet ancien rebelle issu des Mai Mai devient le numéro deux des FARDC au titre de chef d’Etat major adjoint chargé des opérations et du renseignement.

Après avoir proche de Laurent Nkunda, l’ancien dirigeant d’une rébellion soutenue par le Rwanda, « Tango Four » a laissé de mauvais souvenirs dans l’Est du Congo et en particulier à Kisangani où il prit part à la guerre dite des Six Jours en juin 2000. Depuis lors, toujours très proche de Kabila, le général Amisi a exploité des mines dans l’Est du pays et investi dans le Vita Club, un club de football très populaire à Kinshasa. Pour Colette Braeckman, ces nominations étaient porteuses d’un message. Et c’est Delphin Kahimbi qui l’exprime : « Nous sommes arrivés au pouvoir par la force. Que ceux qui souhaitent l’alternance sachent qu’ils ne l’obtiendront ni par les élections ni par des manifestations pacifiques, mais en faisant la même chose que nous. »

Un suicide porteur de plusieurs messages

« Le suicide (présumé) de Delphin Kahimbi » est porteur de plusieurs messages. Il intervient au moment où il est soumis à la reddition des comptes. Il dit l’indispensable rôle d’une Ethique reconstructive au Congo-Kinshasa. Soumis à ce test, beaucoup de criminels infiltrés dans les institutions congolaises seraient mis au ban de la société. Oui, ce suicide est porteur de plusieurs messages. Le premier message est celui-ci : « Ceux qui ont cru qu’il y a eu  »un passage civilisé de pouvoir-os » entre  »un président entrant » et « un président sortant » doivent revoir leurs notes. « Pourquoi ? Alias Joseph Kabila et son « petit cercle » n’ont jamais cru en cela. « Ils ont joué » tout en sachant que le moment venu, ils allaient recourir à « la force ». Eux (et leurs parrains) sont convaincus qu’ils ont pris « le pouvoir-os » par la force.

« Fatshi béton » est face à à la réalité d’une alliance thanatophile ; une alliance mortifère. Ou il la déjoue ou il est déjoué. Ici, il ne s’agit pas de « haine » ou de « jalousie ». Il s’agit de l’analyse des faits. Croire qu’un morceau de bois , à force de rester dans l’eau, peut se transformer en un crocodile est une bêtise, une folie.

Un deuxième message est celui-ci : « Il n’y a pas eu d’ élections claires, limpides, transparentes, libres et démocratiques » le 30 décembre 2018 au Congo-Kinshasa. Coincé par la résistance des masses populaires congolaises et certains de « ses parrains », alias Joseph Kabila a choisi de jouer avec un parti ayant plusieurs années de combat en croyant le mettre en conflit avec le camp des déçus en vue de pousser le pays à l’explosion. Dieu merci ! L’explosion n’a pas eu lieu même si le feu couve…

Un troisième message, le voici : « Un humain ne peut pas, en tout et pour tout, maîtriser le cours de l’histoire. » Il peut avoir beaucoup d’argent. Il peut être très rusé. Mais il reste un humain marqué par sa finitude.

Un quatrième message est le suivant : « L’arrogance précède la chute ». La croyance de Delphin Kahimbi en la force de son cercle l’a perdu. Une cinquième leçon : « Les murs les plus solides, comme l’écrit Jean Ziegler, tombent par leurs fissures » . Les murs de la kabilie se lézardent depuis tout un temps. Ses  »durs » persévèrent dans la bêtise, ils vont finir par le payer. « Rome ne paie pas toujours ses traîtres ».

Un cinquième message : « Fatshi béton » est face à à la réalité d’une alliance thanatophile ; une alliance mortifère. Ou il la déjoue ou il est déjoué. Ici, il ne s’agit pas de « haine » ou de « jalousie ». Il s’agit de l’analyse des faits. Croire qu’un morceau de bois , à force de rester dans l’eau, peut se transformer en un crocodile est une bêtise, une folie. (à suivre)

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

INGETA.

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