Par Jean-Pierre Mbelu
« On ne peut pas comprendre une société si on ne connaît pas son passé, si on ne connaît pas les différents acteurs, nationaux et internationaux, qui ont joué un rôle » – Michel Collon
Il est curieux que, pendant que les nouvelles sur l’arrivée des Afghans en Ouganda et au Rwanda se précisent de plus en plus, il y ait des politicards kongolais distraits et distrayants en train de parler des « élections-pièges-à-cons ». Curieux mais pas étonnant !
En étudiant l’histoire de « la guerre contre le terrorisme », il n’est pas rare de tomber sur les alliances entre « les terroristes » et les têtes pensantes de ‘ »la nation exceptionnelle ».
La lecture de cette interview au sujet de l’alliance entre cette « nation » et les Taliban se passe de tout commentaire :
Le Nouvel Observateur : L’ancien directeur de la CIA Robert Gates l’affirme dans ses Mémoires : les services secrets américains ont commencé à aider les moudjahidine Afghans six mois avant l’intervention soviétique. A l’époque, vous étiez le conseiller du président Carter pour les affaires de sécurité. Vous avez donc joué un rôle clé dans cette affaire ? Vous confirmez ?
Zbigniew Brzezinski : Oui. Selon la version officielle de l’histoire, l’aide de la CIA aux moudjahidine a débuté courant 1980, c’est-à-dire après que l’armée soviétique eut envahi l’Afghanistan, le 24 décembre 1979. Mais la réalité gardée secrète est tout autre : c’est en effet le 3 juillet 1979 que le président Carter a signé la première directive sur l’assistance clandestine aux opposants du régime prosoviétique de Kaboul. Et ce jour-là j’ai écrit une note au président dans laquelle je lui expliquais qu’à mon avis cette aide allait entraîner une intervention militaire des Soviétiques.
Le Nouvel Observateur : Malgré ce risque vous étiez partisan de cette « covert action » (opération clandestine). Mais peut-être même souhaitiez-vous cette entrée en guerre des Soviétiques et cherchiez-vous à la provoquer ?
Zbigniew Brzezinski : Ce n’est pas tout à-fait cela. Nous n’avons pas poussé les Russes à intervenir, mais nous avons sciemment augmenté la probabilité qu’ils le fassent.
Le Nouvel Observateur : Lorsque les Soviétiques ont justifié leur intervention en affirmant qu’ils entendaient lutter contre une ingérence secrète des Etats-Unis en Afghanistan, personne ne les a crus. Pourtant il y avait un fond de vérité. Vous ne regrettez rien aujourd’hui ?
Zbigniew Brzezinski : Regretter quoi ? Cette opération secrète était une excellente idée. Elle a eu pour effet d’attirer les Russes dans le piège Afghan et vous voulez que je le regrette ? Le jour où les Soviétiques ont officiellement franchi la frontière, j’ai écrit au président Carter, en substance : « Nous avons maintenant l’occasion de donner à l’URSS sa guerre du Vietnam. » De fait, Moscou a dû mener pendant presque dix ans une guerre insupportable pour le régime, un conflit qui a entraîné la démoralisation et finalement l’éclatement de l’empire soviétique.
Le Nouvel Observateur : Vous ne regrettez pas non plus d’avoir favorisé l’intégrisme islamiste, d’avoir donné des armes, des conseils à de futurs terroristes ?
Zbigniew Brzezinski : Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde ? Les talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques excités islamistes où la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?
Dans cette interview, Zbigniew Brzezinski établit la différence entre la version officielle de l’histoire et la réalité gardée secrète. Quelle garantie avons-nous, nous Kongolais, que la version officielle de la recherche des pays d’accueil pour les milliers d’Afghans proches des anglo-américains ne cache pas la réalité gardée secrète ? Et pourquoi est-ce que les politicards kongolais ne débattent-ils pas là-dessus au moment où ils partagent, avec « les décideurs », la thèse officielle de « la guerre contre le terrorisme » au pays de Lumumba ?
Quelle garantie avons-nous, nous Kongolais, que la version officielle de la recherche des pays d’accueil pour les milliers d’Afghans proches des anglo-américains ne cache pas la réalité gardée secrète ? Et pourquoi est-ce que les politicards kongolais ne débattent-ils pas là-dessus au moment où ils partagent, avec « les décideurs », la thèse officielle de « la guerre contre le terrorisme » au pays de Lumumba ?
Un deuxième exemple est « la fabrication » de Joseph Kony en 2012. La propagande faite autour de ce « faux ADF » cachait une guerre : l’empire anglo-américain contre la Chine. « Pour William Engdahl, la campagne « Kony2012 » (était ou) est avant tout une opération de propagande destinée à promouvoir la présence militaire de l’AFRICOM dans la région du monde la plus riche en minéraux avant que la Chine ne puisse s’y installer. Le combat pour l’Afrique ne fait que commencer. » (Ouganda : les objectifs inavoués de la campagne « Kony 2012 », par F. William Engdahl) William Engdhal évite de souligner le côté raciste et exterminateur de cette guerre pour les populations des Grands Lacs Africains en général et pour les Kongolais en particulier.
Apprendre à échapper à la consommation de la propagande officielle, chercher à percer les réalités racistes, mondialistes et économicistes qu’elle essaie de taire, en parler autour de soi, organiser des débats et des conférences là-dessus en vue d’un armement moral des populations kongolaises, cela me semble plus important que tous les bruits faits autour des « élections-pièges-à-cons » organisées pour répondre, entre autres, au besoin de « la sécurité nationale » de l’empire anglo-américain.
Babanya Somba Manya
Génération Lumumba 1961