Par Jean-Pierre Mbelu
« Nul ne peut servir deux maîtres. Car, ou il haïra l’un, et aimera l’autre; ou il s’attachera à l’un, et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mamon. » – Matthieu 6,24
Mise en route
La guerre raciste de prédation et de basse intensité dont souffre le Kongo-Kinshasa depuis bientôt trois décennies multiplie ses fronts. Kinshasa en est un. Contrairement à ce que croient certains hédonistes kinois.
Tant que le procès des « Big boss » n’aura pas eu publiquement lieu, celui des « Big boys » risque de n’être qu’un amusement de la galerie. Elever les uns au rang des « dignitaires » et enfermer les autres en prison est une injustice refondatrice d’une république mensongère.
En effet, le procès de « Big boy », de ses amis et de ses amies est un révélateur d’un autre n’ayant pas eu lieu, celui des « Big boss », ces « nouveaux prédateurs » ayant infiltré le pays depuis les invasions des proxys des « maîtres du monde » au pays de Lumumba. Le lien entre les « Big boys » et les « Big boss », « nouveaux prédateurs » est historique. Le briser en convoquant les uns et les autres à la barre serait un début réel de solution nécessaire à la refondation du pays sur des valeurs saines.
Tant que le procès des « Big boss » n’aura pas eu publiquement lieu, celui des « Big boys » risque de n’être qu’un amusement de la galerie. Elever les uns au rang des « dignitaires » et enfermer les autres en prison est une injustice refondatrice d’une république mensongère. Il y à là une faute morale à corriger pour être plus ou moins conscients majoritairement de refonder le pays sur des valeurs sûres.
Ce procès des kidnappeurs kongolais est un révélateur
Ils choisissent la nuit -c’est-à-dire les ténèbres- pour opérer. Ils enlèvent les filles et les femmes prioritairement. Ils prennent « les biloko » qu’elles ont sur elles avant de « les jeter ». Il y a là un procès d’une société dont les enfants ont choisi « les biloko » aux dépens des « bato ». Il y a du souci à se faire. L’ensauvagement, le rejet de la vie et la banalisation de la mort sont des maladies dont souffrent plusieurs filles et fils du pays, victimes de la guerre par procuration orchestrée par « les maîtres du monde ». Telle est la dérive inquiétante.
Il y a là un procès d’une société dont les enfants ont choisi « les biloko » aux dépens des « bato ». Il y a du souci à se faire.
Ce procès a lieu à Kinshasa. Loin du front Est où se déroule la guerre actuellement. Contrairement aux compatriotes kinois convaincus que cette guerre se déroule loin de chez eux, ce procès révèle que Kinshasa est aussi un front. Le Bandundu en est un autre, etc.
Donc, les fronts sont divers et diversifiés. Il s’agit d’une même guerre raciste de prédation, de dépeuplement du pays, de décérébrage de ses filles et fils menée sur plusieurs fronts.
« Big Boy »
Ce procès convoque la psychanalyse et la psychologie. Les spécialistes en ces domaines devraient l’étudier. L’un des chefs de bande est dénommé « Big Boy », « Un garçon costaud ». Mais il est petit de taille et avoue être un voleur récidiviste. Il explique, au micro de la police, comment lui et ses amis opèrent. Sans vergogne. Petit de taille, voudrait-il devenir « big », « costaud », « grand », par le vol et le meurtre ?
Le procès des kidnappeurs vient rappeler aux Kongolais(es) ayant le sens de l’histoire et de la mémoire que le procès des « nouveaux prédateurs » n’ a pas eu lieu. Tant qu’il n’aura pas lieu, ces « infiltrés » dans l’armée, dans la police, dans la justice, dans les autres institutions et structures du pays alimenteront cette guerre afin qu’elle soit perpétuelle.
N’est-il pas, lui aussi, révélateur de ce que sont devenus « les nouveaux prédateurs », des « gangsters », des « escadrons de la mort », des « mercenaires » et autres « marionnettes » impliqués dans la guerre de basse intensité et qui sont devenus, des « Big boss », des « millionnaires » et des « dignitaires » des tribus et des ethnies les ayant adoptés ?
Le procès des kidnappeurs vient rappeler aux Kongolais(es) ayant le sens de l’histoire et de la mémoire que le procès des « nouveaux prédateurs » n’ a pas eu lieu. Tant qu’il n’aura pas lieu, ces « infiltrés » dans l’armée, dans la police, dans la justice, dans les autres institutions et structures du pays alimenteront cette guerre afin qu’elle soit perpétuelle. Les efforts de sécurisation du pays seront insuffisants tant qu’ils n’impliqueront pas des audits de ces institutions et de ces structures ; et même leurs états généraux.
Refonder le pays sur des valeurs sûres
Un rappel. A Sun City, une Commission Vérité et Réconciliation avait été inscrite à l’ordre du jour de la reconstruction du pays. Les « nouveaux prédateurs » ayant pris les leviers de commandement de ce pays ont évité sa mise en place. Ils auraient pu être déballés publiquement.
Ces fils et ces filles du pays sont, en plus de leur culpabilité, les victimes d’un pays vaincu par un hédonisme exacerbé.
Cet effort de refonder le pays sur la Justice, la Vérité et la Réconciliation n’ayant pas été accompli, la pieuvre de la mort démultiplie ses têtes.
Donc, le procès de « Big boy » et ses ami(e)s est révélateur d’une occasion historique manquée : la refondation du pays sur des valeurs sûres. Ces fils et ces filles du pays sont, en plus de leur culpabilité, les victimes d’un pays vaincu par un hédonisme exacerbé.
Un hédonisme exacerbé
Après s’être emparé des « biloko », où se retrouvent-ils ? Sur le marché des receleurs ; dans les bars pour boire, manger et s’amuser. Oui, pour boire, manger et s’amuser. Pour témoigner du mépris la vie, de la banalisation de la mort au nom de l’amusement, du consumérisme. Il y a sûrement une bonne part d’humanité qui doit être complètement brisée dans leurs cerveaux, dans leurs coeurs et leurs esprits.
Remettre les cerveaux à l’endroit, refaire les coeurs et les esprits, redonner « une autre âme » à la jeunesse kongolaise devrait être un chantier prioritaire pour les gouvernants d’aujourd’hui et de demain.
Remettre les cerveaux à l’endroit, refaire les coeurs et les esprits, redonner « une autre âme » à la jeunesse kongolaise devrait être un chantier prioritaire pour les gouvernants d’aujourd’hui et de demain. Cultiver dans les cerveaux, les coeurs et les esprits de la jeunesse kongolaise les valeurs de la générosité, de la compassion, de la bienveillance, de l’effort et du courage, tel est l’ouvrage à toujours remettre sur le chantier au pays de Lumumba. Gratuité et qualité de l’enseignement obligatoire devraient marcher de pair. Des débats sur ce chantier devrait être au coeur des discussions entre « les politiciens » et non seulement la quête du « pouvoir-os » pour « le pouvoir-os ».
L’hédonisme exacerbé semble être le produit de la philosophie de « la chance eloko pamba » développée dans plusieurs milieux musicaux ayant une influence énorme sur la jeunesse kongolaise. D’ailleurs, parmi ces kidnappeurs, il y a des musiciens. Influencés par cette philosophie, ils en sont venus à faire de la vie une « eloko pamba ». Comment procéder pour que la philosophie de la « chance eloko pamba » soit convertie en celle de « l’effort qui fait les forts »? L’éducation citoyenne, l’école, la famille, l’église, l’université et les collectifs citoyens ont un rôle à jouer.
Comment jouer ce rôle sans un minimum de justice sociale et de solidarité ? Voilà des questions à mettre en exergue au cours des débats citoyens au pays de Lumumba. Notre hymne national médité donne des pistes de réponses à ces questions.
Nous chantons : « Debout congolais…Unis par le sort…Unis dans l’effort » et pas dans « la chance eloko pamba ». Avec cet hymne, nous avons déjà de la matière pour une éducation civique obligatoire pouvant aider notre jeunesse à sortir de l’obscurité et de l’obscurantisme.
La mise en valeur des énergies
En effet, sortir de l’obscurité et de l’obscurantisme et s’ouvrir aux « lumières » passe d’abord par la mise en valeur des énergies. Celle-ci peut faciliter la création des emplois à travers tout le pays. Tout comme celle des espaces.
Sortir de l’obscurité et de l’obscurantisme et s’ouvrir aux « lumières » passe d’abord par la mise en valeur des énergies.
Investir les jeunes énergies dans l’emploi bien rémunéré et dans le sport peut être une voie de sortie de l’obscurantisme. Cet investissement est une lutte contre l’oisiveté et l’angoisse que peuvent générer une vie sans objectifs précis.
Des espaces de jeux et des bibliothèques créés peuvent devenir des lieux de re-création des coeurs et des esprits. Des lieux de re-animation. Une jeunesse, sous-éduquée et/ou s’éduquant sur le tas, abandonnée à elle-même, désoeuvrée, ennuyée, angoissée, sans de réelles perspectives du lendemain est une bombe à retardement. Les prisons ne pourront pas suffire pour la remettre sur le droit chemin.
Conclusion
Créer les écoles et les universités dignes de ce nom, investir dans la formation continue, dans les énergies et les emplois divers et diversifiés, maintenir le service national et l’étendre à tous les coins et recoins du pays, se mettre majoritairement d’accord sur les chantiers indispensables au pays quelle que soit l’alternative politique, refonder ce pays sur des bases saines en plus de sa sécurisation, etc. peuvent être des pistes à explorer pour combattre la philosophie hédoniste de « la chance eloko pamba » dont nos fils et filles sont à la fois les coupables et les victimes.
Cela étant, une Commission Justice, Vérité et Réconciliation demeure encore indispensable à ce pays où se multiplient les fronts d’une guerre perpétuelle. La Justice Transitionnelle est toujours attendue… Fait-elle peur aux mercenaires et à leurs clients, devenus tous des « Big boys » et des « Big boss »? Wait and see…
(à suivre : La référence à Dieu au cours de ce procès)
Babanya Kabudi
Génération Lumummba 1961