Par Jean-Pierre Mbelu
Trump s’adressant directement au peuple de ses électeurs vient corroborer sa devise : « America first ». Les peuples libérés de l’humiliation de l’empire saisissent la balle au bon et en appellent à la fin de l’hégémonie occidentale, à »l’après l’occident ». A Munich, le ministre russe des Affaires Etrangères a soutenu ceci : « Aujourd’hui, le centre d’intérêts de la politique extérieure, comme, le centre d’intérêts de chacun de vous, est directement lié à la lutte des idées. Cette lutte consiste notamment à choisir ou à imposer son choix sur des modèles de développement et des valeurs. Nous observons la fin d’une très longue époque, celle de la domination économique, financière et politique de l’Occident historique ».
Trump, que nous l’aimions ou pas, vient de créer un nouveau paradigme en communication politique. Après avoir fustigé les mensonges des médias dominants, il poursuit ce qu’il a fait au cours de sa campagne électorale : il s’adresse directement au peuple en se passant des médias mensonges. En effet, « vendredi 20 janvier, le président Trump a livré (…..) un discours de colère et de ressentiment, destiné à ses seuls électeurs plutôt qu’à la nation américaine. (…) il s’adresse directement au « peuple », auquel il promet de rendre le pouvoir que l’establishment honni a « volé », plongeant le pays dans la misère. » (Editorial de Le Monde du 21 janvier 2017)
Une remise en question de l’establishment et des médias mainstream
Ce faisant, il indique qu’une reddition directe et permanente des comptes au souverain primaire est possible ; sans intermédiaires. Ceci désaxe. Trump désarçonne les partisans de la lobotomisation et de »la fabrication du consentement ». Il met les médias dominants en péril. Ils ont peur de perdre la clientèle qu’ils ont plongée dans l’ignorance et abrutie pendant plusieurs décennies.
Trump rejoint, dans une certaine mesure, sans l’avouer, les médias alternatifs du Nord, de l’Est et du Sud sur cette voie de la remise en question des médias mainstream. Citons-en quelques-uns : Sputnik France, RT, Réseau Voltaire, Investig’Action, Alter infos, Le Grand soir, Ingeta.com, Congoone, etc. Ces derniers le suivent de plus près. Ils ne le ménagent pas. Forts de leur connaissance de »l’Etat profond US », ils ne sont pas dupes. Il y a quelques jours, Le Grand Soir a publié un article soutenant que cet »Etat profond » a réussi à châtrer Trump.
Trump désarçonne les partisans de la lobotomisation et de »la fabrication du consentement ». Il met les médias dominants en péril. Ils ont peur de perdre la clientèle qu’ils ont plongée dans l’ignorance et abrutie pendant plusieurs décennies.
Néanmoins, sa remise en question de l’establishment et des médias mainstream ouvre une brèche dans l’approche citoyenne de l’information. Elle appelle les citoyens à se déformater pour se reformater en devenant de plus en plus critiques à l’endroit de »l’Etat profond » et des médias qu’il contrôle, à s’adonner à une thérapie pouvant les guérir de l’addiction à ces médias et du larbinisme.
Cet appel, pour être réaliste, devrait tenir compte du temps long au cours duquel l’agenouillement, le complexe d’infériorité, le larbinisme, la haine de soi, etc. ont été inculqués aux citoyens via l’école, l’université, la télévision et les autres médias dominants. Il y a eu une telle déculturation qu’il faudra travailler sur un temps long au déformatage et au reformatage.
Ses adresses directes au peuple de ses électeurs viennent corroborer sa devise : « America first ». Les peuples libérés de l’humiliation de l’empire saisissent la balle au bon et en appellent à la fin de l’hégémonie occidentale, à »l’après l’occident ».
La lutte des idées et l’après Occident
A Munich, le ministre russe des Affaires Etrangères a soutenu ceci : « Aujourd’hui, le centre d’intérêts de la politique extérieure, comme, le centre d’intérêts de chacun de vous, est directement lié à la lutte des idées. Cette lutte consiste notamment à choisir ou à imposer son choix sur des modèles de développement et des valeurs. Nous observons la fin d’une très longue époque, celle de la domination économique, financière et politique de l’Occident historique », sans tomber dans la naïveté. Il a ajouté : « Nous observons des tentatives (de l’Occident, ndlr) de conserver sa domination, déjà d’une manière artificielle, par exemple, en mettant la pression sur les autres pays, en introduisant des sanctions et même en utilisant les forces armées, ce qui viole le droit international humanitaire et la charte des Nations unies. Cela ajoute du chaos dans les relations internationales ». Ce constat est fait par un ministre d’un pays ayant compris que »la lutte des idées » est à privilégier dans la mesure où la matière grise est la ressource indispensable au devenir collectif des pays soucieux de la préservation de leur souveraineté économique, politique, juridique, culturelle et spirituelle. Il fait partie de ceux qui, à côté de Vladmir Poutine, essaie d’approfondir les richesses de la slavophilie. (Lire M. ELTCHANINOFF, Dans la tête de Vladmir Poutine. Essai, Actes Sud, 2015).
»L’après-occident » est un thème que certains écrivains occidentaux ont étudié et sur lequel ils ont publié des textes utiles à lire. A tire illustratif, citons en quelques-uns : E. TODD, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain, Paris, Gallimard, 2002 ; A. MAALOUF, Le dérèglement du monde. Essai, Paris Grasset, 2009 et J.-C. GUILLEBAUD, Le commencement d’un monde, Paris, Seuil, 2008. Ces messieurs, forts de leur voyance, ont su, avant M. Lavrov, annoncer »l’après-occident ».
Disons, donc, qu’il y a, actuellement, un constat qui crève les yeux : »les occidentaux ne sont plus seuls au monde » ; d’autres acteurs (et/ou sujets) historiques sont en train d’émerger et de s’imposer sur l’échiquier international. Dans tout ça, où se trouvent les Africains, en général, et les Congolais(es) en particulier ?
Lavrov, son pays, la Chine, les pays de coopération du Shanghai et les Brics, eux, ont créé des structures bancaires et des institutions interétatiques pouvant leur permettre de parler de la fin de l’hégémonie occidentale en connaissance de cause. Il est possible qu’ils se soient servis de la théorisation de la fin de l’hégémonie occidentale pour mener des actions concrètes pouvant leur permettre, à moyen et long terme, de jouir de leur souveraineté ; sans être naïfs. »L’après-occident » semble coïncider avec la fin du temps de l’humiliation pour un certain nombre de pays et du début de la guérison de »la pathologie des relations internationales » . Cela a conduit Bertand Badie, un français, à écrire un livre ayant un titre très éloquent : » Nous ne sommes plus seuls au monde. Un autre regard sur l’ « ordre international » (Paris, La Découverte, 2016).
Disons, donc, qu’il y a, actuellement, un constat qui crève les yeux : »les occidentaux ne sont plus seuls au monde » ; d’autres acteurs (et/ou sujets) historiques sont en train d’émerger et de s’imposer sur l’échiquier international. Dans tout ça, où se trouvent les Africains, en général, et les Congolais(es) en particulier ? L’Afrique de l’Ouest vient à peine de poser la question de son émancipation du franc CFA. L’un ou l’autre pays de cette partie de l’Afrique se modernise en se posant comme acteur historique. La Guinée Equatoriale peut être cité comme exemple.
Des foyers de déformatage et de re-civilisation naissent
L’Afrique comme entité géographique ne semble pas donner l’impression de percevoir l’émergence d’un monde multipolaire où elle doit »jouer » comme »actrice collective ». Le Congo-Kinshasa est plongé dans un vide de la pensée émancipatrice inimaginable. La course à l’argent et aux postes politiques (patrimonialistes) semble y être devenue un sport favori.Une police politique y est occupée à tuer les jeunes, les enfants,les femmes, les vieux, les adultes et de casser tout ressort de grandeur au cœur de l’Afrique.
Tout ou presque s’y pense en terme d’achats de maisons, de costumes et de consciences. Le triomphe de la cupidité y marche de pair avec la perte totale de la boussole éthique et du »bomoto ». La télévision abrutissante y corrompt les cœurs et les esprits. Le culte du parrainage (occidental), dans les milieux politicards, y a atteint des proportions inimaginables. Dans ces milieux, le bon sens semble avoir déserté. A quelques exceptions près. Tout s’achète et tout se vend.
Le Congo-Kinshasa est plongé dans un vide de la pensée émancipatrice inimaginable. La course à l’argent et aux postes politiques (patrimonialistes) semble y être devenue un sport favori.
Dieu merci ! Ce moment crucial au Congo-Kinshasa est aussi celui qui voit plusieurs de ses filles et fils exceller en écriture loin des milieux d’éducation et de formation citoyenne. Des foyers de déformatage et de re-civilisation naissent, petit à petit, loin des lieux où les dollars coulent à flot. Ils donnent même l’impression de gêner les adorateurs du »veau d’or ». Or, ce sont ces foyers de refondation de l’homme congolais et de la femme congolaise sont indispensable à la création du Congo de l’insoumission. Ils sont donc à promouvoir par les intellectuels organiques et structurants.
Ils ont bien des choses à apprendre du »paradigme Trump » pour se rapprocher des masses populaires. Ils doivent devenir davantage des créateurs des médias alternatifs pour lutter contre l’addiction à BBC, à la VOA, à la RFI, à Jeune Afrique, à Le Point, à Le Monde et aux autres médias dominants. Ils pourront, en réinventant une autre école »autour du feu », travailler à la victoire sur le larbinisme, sur le complexe d’infériorité et sur le viol de l’imaginaire en afin d’impulser un imaginaire adulte et responsable.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba