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Le Congo-Kinshasa n’est pas une théocratie

Le Congo-Kinshasa n’est pas une théocratie

Le Congo-Kinshasa n’est pas une théocratie 1080 715 Ingeta

Par Jean-Pierre Mbelu

Dans les échanges avec certains compatriotes sur les sources (ou les origines) du pouvoir (politique), un petit verset biblique revient souvent : « Tout pouvoir vient de Dieu. » L’usage de ce verset dans le débat public présuppose que tous les citoyens congolais sont des croyants ayant la Bible comme leur livre de chevet. Et qu’ils lisent et acceptent ce qu’elle dit.

Or, il est un fait que de plus en plus, il y a des compatriotes aimant le débat public et rejetant la Bible comme livre de référence. Que peut bien signifier, pour ces compatriote, ce petit verset : « Tout pouvoir vient de Dieu » ? Comment discuter avec eux sur une source du pouvoir qu’ils ne reconnaissent pas ? Doivent-ils être exclus de ce débat ?

« Tout pouvoir vient de Dieu »

C’est vrai. Le nombre de compatriotes fréquentant les églises est plus élevé que celui des athées, de « non chrétiens » ou de « non croyants » ou de « pratiquants d’autres philosophies de vie ». Est-ce une raison suffisante pour que la reconnaissance de Dieu comme « unique source » du pouvoir soit un argument majoritairement imposable à tous ?

Quand et pourquoi finit-on par recourir à ce verset « tout pouvoir vient de Dieu » ? N’est-ce pas surtout au moment où « le pouvoir » en place est contesté sur ses performances ou sur le processus ayant permis qu’il soit établi ?

Quand et pourquoi finit-on par recourir à ce verset « tout pouvoir vient de Dieu » ? N’est-ce pas surtout au moment où « le pouvoir » en place est contesté sur ses performances ou sur le processus ayant permis qu’il soit établi ? N’est-ce pas souvent pour brouiller les pistes au sujet de sa véritable source et imposer un argument d’autorité ?

Il arrive aussi que la question fondamentale posée par le recours à ce verset soit celui de la souveraineté. De quoi s’agit-il ? « La souveraineté est le principe de l’autorité suprême. En matière de politique, la souveraineté est le droit absolu d’exercer une autorité (législative, judiciaire et/ou exécutive) sur une région, un pays ou sur un peuple », note Liliane Held-Khawam. (Jacques Sapir donne d’amples informations sur la souveraineté dans son livre intitulé Souveraineté, démocratie et laïcité (Paris, Michalon, 2016))
Tout au long de l’histoire, qui a détenu la souveraineté ?

Au pays de Lumumba, les mots ne signifient rien

Lorsqu’elle a été détenue par « Dieu ou ses prêtres » (ou ses « lieux-tenants »), il s’est agi de « la théocratie ». Exercée par « une seule personne », la souveraineté est devenue « une monarchie », par « un groupe de personnes », « une oligarchie », par « la nation », « une démocratie représentative », par « le peuple », « une démocratie directe ». « Les grands prêtres » du Congo-Kinshasa actuel disent qu’il est « une jeune démocratie ». Il n’est donc pas « une théocratie ». Avec leurs élections-pièges-à-cons, il pourrait même être classifié parmi « les démocraties représentatives ». Encore une fois, ce n’est pas « une théocratie ». D’où vient alors, ce recours à « tout pouvoir vient de Dieu »?

Ce recours révèle davantage le crise de sens dans lequel le Congo-Kinshasa est plongé. Une crise se transformant de plus en plus en une débâcle. Au pays de Lumumba, les mots ne signifient rien. Même les expressions « jeune démocratie » et « démocratie représentative » sont vides de contenu.

Le Congo n’est pas « une théocratie ». D’où vient alors, ce recours à « tout pouvoir vient de Dieu »? Ce recours révèle davantage le crise de sens dans lequel le Congo-Kinshasa est plongé. Une crise se transformant de plus en plus en une débâcle.

Avec la guerre de basse intensité et de prédation que le pays a connue depuis les années 1990, il serait tentant de soutenir qu’il est devenu, à la suite de beaucoup d’autres pays du monde, « une corporatocratie »: « Cette nouvelle gouvernance se réfère à un système économique et politique contrôlé par des firmes transnationales ou les représentants de leurs intérêts. »

Ils seraient ce « dieu-argent », ce « Mammon » dont se réclament « les mammonites » congolais, leurs fanatiques, leurs thuriféraires, leurs applaudisseurs ainsi que plusieurs d’entre nous n’ayant pas eu le temps d’approfondir la question posée par les sources du pouvoir.

Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961

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