Par Boniface Musavuli/DESC-Wondo.org
Les Congolais devraient réorganiser l’ordre de leurs priorités dans la perspective de 2016. Ils devraient davantage se préoccuper de ce qui se passe dans leur armée que du nom du prochain président. Sans une armée digne de confiance, le pays va droit dans l’impasse, et le prochain président n’y pourra rien. En effet, le travail de sabotage des réformes du secteur de la défense couplé avec la dissimulation dans les rangs de l’armée des soldats étrangers (rwandais et ougandais principalement), condamne le Congo à la paralysie sur le plan militaire. Une prise de conscience nationale, devrait ainsi émerger en vue d’obtenir, au minimum, l’organisation des états généraux de l’armée, bien avant l’arrivée du prochain président. Il en va de sa sécurité. Il en va surtout de la gouvernabilité du Congo. Une élection ne sert à rien si, derrière, le pays est ingouvernable.
En effet, contrairement aux affichages officiels, l’armée congolaise est une force vermoulue profondément rongée par des maux restés en l’état depuis une décennie, faute de réformes abouties. Le dernier ouvrage de l’analyste des questions militaires et géostratégiques Jean-Jacques Wondo[1] peut servir de base à ce chantier dont le pays ne peut plus se passer. Le monde est de plus en plus impitoyable avec les peuples « sans défense ». L’ONU n’est pas une garantie.
Un premier aperçu sur les FARDC[2] (l’armée nationale congolaise) fait état d’une armée de 140 mille soldats, soit 1 soldats pour 548 habitants. A priori, une moyenne acceptable[3]. Mais les bons points s’arrêtent là. La puissance de feu de l’armée congolaise et le budget qui lui est alloué en font un des nains du Continent noir[4]. On parle pourtant du deuxième plus grand pays d’Afrique derrière l’Algérie et le quatrième pays le plus peuplé du continent (2.345.000 km², 77 millions d’habitants). Le gouvernement congolais alloue un budget annuel de 247 millions de dollars à l’armée. Son voisin immédiat, l’Angola, alloue un budget de 5,7 milliards de dollars à son armée. Le budget alloué à l’armée congolaise n’atteint même pas la barre de 5 % du budget du voisin angolais. Une caricature à Luanda. La Patrie de Lumumba ne pouvait pas tomber plus bas.
En ce qui concerne les effectifs, la morphologie de l’armée congolaise est celle d’une pyramide inversée avec deux officiers ou sous-officiers pour un soldat de troupes, et une pléthore de généraux : 182 généraux[5]. Des officiers dont le faible niveau de formation et d’aptitude de commandement vaut à l’armée congolaise les allures d’une armée mexicaine[6]. Et c’est le premier indice des maux qui rongent cette armée. En effet, d’où viennent ces généraux alors que le Congo n’a pas formé d’officiers sur son sol entre 1994 et 2011 ? Comment fait-on pour devenir général sans parcours scolaire connu ? Comment fait-on pour devenir général sans avoir été ni lieutenant ni capitaine ? Pire, comment devient-on général sans avoir été tout simplement « un soldat » dans une armée régulière ? C’est le résultat des années des compromis et des compromissions politiques dans lesquels le pays s’est enfoncé en espérant mettre fin, par la politique de la joue tendue, aux guerres d’agression qu’il subissait.
Une armée sabotée et irréformable
Les conditions dans lesquelles sont jetées les bases de l’actuelle armée congolaise sont celles des négociations ayant abouti à la signature de l’accord global et inclusif à Pretoria le 17 décembre 2002 et adopté le 1er avril 2003 à Sun City, en Afrique du Sud. Il s’agissait de mettre fin à la guerre en « brassant » dans une même armée les troupes de l’armée loyaliste, et celles des différents groupes armées[7]. L’édification d’une armée digne de ce nom à partir d’un tel amalgame requiert un travail politique ardu et une vision claire des objectifs à atteindre. Ce ne sera guère le cas. Entre 2004 et 2009, le Congo va connaître quatre plans de réformes qui vont toutes se solder par des échecs[8]. D’un côté les autorités, tiraillées par des intérêts inavouables liés à leurs alliances durant les années de conflit, vont s’employer à maintenir une armée faible et fragmentée ; de l’autre, les partenaires extérieurs du Congo vont opérer sans coordination afin de privilégier des intérêts bilatéraux.
D’où viennent ces généraux alors que le Congo n’a pas formé d’officiers sur son sol entre 1994 et 2011 ? Comment fait-on pour devenir général sans parcours scolaire connu ? Comment fait-on pour devenir général sans avoir été ni lieutenant ni capitaine ? Pire, comment devient-on général sans avoir été tout simplement « un soldat » dans une armée régulière ? C’est le résultat des années des compromis et des compromissions politiques dans lesquels le pays s’est enfoncé en espérant mettre fin, par la politique de la joue tendue, aux guerres d’agression qu’il subissait.
Cette absence de leadership national et de coordination se traduit concrètement par le fait que l’armée congolaise devient le masque derrière lequel des puissances étrangères exercent un contrôle indu sur l’appareil d’Etat congolais en poursuivant leurs propres objectifs stratégiques. Elles occupent des sites militaires sur le sol congolais : l’Angola (Kitona – Bas-Congo), l’Afrique du Sud (Mura – Katanga), la Chine (Kamina – Katanga), les Etats-Unis (Kisangani – Province Orientale), la Belgique (Kindu – Maniema), la France (Mbanza-Ngungu – Bas Congo)[9] ou imposent à l’Etat congolais d’intégrer leurs propres soldats dans les rangs de l’armée nationale pour pouvoir la paralyser de l’intérieur. La stratégie du cheval de Troie menée jusqu’à l’absurde[10]. Dès la fin de la Deuxième Guerre du Congo (2002), et après avoir obtenu l’intégration d’une première vague de ses bataillons dans la nouvelle armée congolaise, le Rwanda va créer un nouveau groupe insurrectionnel dans le Kivu (CNDP) derrière de sinistres personnages (Bosco Ntaganda, Laurent Nkunda, Sultani Makenga, Jules Mutebutsi,…). Des étrangers (pire, des criminels) qui vont être nommés dans l’armée nationale congolaise par le président Kabila alors que ce genre de nomination requiert une enquête préalable approfondie des renseignements militaires sur les origines, la moralité et l’aptitude au commandement[11].
Les tentatives de réforme de l’armée (il y en a eu 4) vont toutes être réduites à néant suite aux agressions répétées du Congo par ces deux pays et les défaites concédées par le régime de Joseph Kabila[12], des défaites qui se traduisent par l’intégration en masse des forces ennemies dans les rangs de l’armée nationale[13]. Une façon de régler les conflits qui se traduit par le fait que, au final, les autorités d’un pays marchent la main dans la main avec l’ennemi, sous les yeux larmoyant d’un peuple endeuillé en permanence. Pour comprendre comment le Congo a pu se retrouver ainsi en situation de pays qui marche sur la tête, il faut directement remonter au sommet de l’Etat et s’intéresser aux relations entre le président Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagame.
La tutelle rwandaise
Lorsqu’en juillet 1994, le général Paul Kagame prend le pouvoir à Kigali, au Rwanda, à la tête du Front patriotique rwandais (FPR), l’objectif ultime de ses parrains américains et britanniques est de prendre le contrôle du Zaïre de Mobutu (l’actuelle République Démocratique du Congo)[14] pour mettre en coupe réglée ses immenses gisements miniers. Le secteur minier rwandais emploiera jusqu’à 35 mille personnes et constituera la principale source de revenu pour l’élite politique et militaire rwandaise[15]. Le Congo doit être non seulement vaincu militairement mais surtout maintenu durablement en situation d’Etat sans armée pour défendre le territoire national et la population.
Pour comprendre comment le Congo a pu se retrouver ainsi en situation de pays qui marche sur la tête, il faut directement remonter au sommet de l’Etat et s’intéresser aux relations entre le président Joseph Kabila et son homologue rwandais Paul Kagame.
Il s’agit, pour les milieux d’affaires anglo-américains, en pointe sur la technologie des produits électroniques (les téléphones portables notamment) de puiser le maximum possible de richesses des gisements miniers de l’Est du Congo où se concentrent au moins quatre minerais stratégiques (le colombo-tantalite, aussi connu sous le nom de coltan, la cassitérite – le minerai dont est extrait l’étain – ; le wolframite – minerai dont est extrait le tungstène – et l’or[16]. Pour réaliser le bonheur[17] des multinationales gravitant autour de Paul Kagame, et mener à bien le pillage des richesses du Congo, il faut, pour faire simple, que le pays soit entre les mains des marionnettes qui ne constitueront pas d’obstacle militaire au pillage de ses ressources minières.
Le président Laurent-Désiré Kabila ne se soumettra pas, ce qu’il va payer de sa vie. Il est assassiné en janvier 2001. Paul Kagame obtient son bonheur en janvier 2001. Le Congo tombe entre les mains d’un homme qu’il connait[18], qu’il contrôle[19] et qu’il méprise[20] : Joseph Kabila. Et il ne se cache pas du mépris qu’il a pour lui[21] et son armée. Même dans des cérémonies officielles[22].
Une armée minée par des traitres
La stratégie du cheval de Troie, orchestrée par le président rwandais, va opérer au-delà de ses espérances. Plus un seul général congolais ne sera en mesure d’inquiéter le Rwanda. Dans une interview au quotidien belge Le Soir, le général rwandais James Kabarebe disait de l’armée congolaise : « cette armée-là ne peut même pas tuer un rat »[23]. Kigali peut infliger aux Congolais autant de défaites militaires que possible. Les opérations des soldats congolais dans le Kivu sont sabotées du haut de leur propre hiérarchie. Les témoignages des soldats qui reviennent désespérés du front sont ahurissants. Ils reçoivent des ordres contradictoires. Ils ont à peine de quoi manger et doivent se contenter d’un salaire de misère (60 dollars par mois[24]) lorsqu’il est payé. Ils sont volontairement envoyés dans les pièges de l’ennemi qui ne fait que tirer pour l’emporter[25]. Sur le front, les militaires communiquent via le réseau GSM civil classique. Il arrive qu’un commandant n’ait plus d’argent pour charger son GSM[26]. Il est alors coupé de toute sa hiérarchie. Et quand on y ajoute le problème d’électricité pour charger les appareils électronique dans un pays sans électricité, on a là les ingrédients des défaites d’une armée nationale.
Deux souvenirs au moins doivent être gardés à l’esprit. Après l’humiliante chute de Bunagana en juillet 2012 entre les mains du M23 et la fuite en Ouganda de plusieurs centaines de soldats congolais, le général Jean-Lucien Bahuma a tablé sur une nouvelle organisation en n’alignant sur les front du Kivu que des soldats originaires des provinces de l’Ouest du Congo et les résistants autochtones Maï-Maï connus pour leur lutte de longue date contre les interventions rwandaises au Congo. En novembre 2012, les FARDC ont victorieusement repoussé la tentative du M23 visant à s’emparer de Goma, bataille au cours de laquelle 150 assaillants ont été tués. Mais pour des raisons inexpliquées, le général Bahuma a reçu l’ordre venant de Kinshasa de laisser la conduite des opérations au général Gabriel Amisi dit « Tango Four » (un proche du président Kabila et du général rwandais James Kabarebe). Celui-ci va ordonner aux FARDC de se replier à Sake, facilitant ainsi une entrée triomphale du M23 à Goma sous les caméras du monde entier. Le Congo est humilié devant la face du monde. Par ses propres autorités !
Kigali peut infliger aux Congolais autant de défaites militaires que possible. Les opérations des soldats congolais dans le Kivu sont sabotées du haut de leur propre hiérarchie. Les témoignages des soldats qui reviennent désespérés du front sont ahurissants. Ils reçoivent des ordres contradictoires. Ils ont à peine de quoi manger et doivent se contenter d’un salaire de misère lorsqu’il est payé. Ils sont volontairement envoyés dans les pièges de l’ennemi qui ne fait que tirer pour l’emporter. Sur le front, les militaires communiquent via le réseau GSM civil classique.
Selon la journaliste belge Colette Braeckman, l’ordre d’abandonner Goma à l’ennemi fut donné par le général Didier Etumba[27], l’actuel chef d’Etat-major des FARDC[28]. Quelques mois auparavant, il avait ordonné cinq jours de trêve aux soldats congolais qui étaient au point de capturer Bosco Ntaganda qui semait mort et désolation dans l’Est du pays. Celui-ci en profitera pour s’exfiltrer vers la frontière rwandaise[29]. Etrangement, le général Etumba sera confirmé dans ses fonctions. Quant au général Gabriel Amisi, qui avait, cinq ans auparavant, orchestré une trahison beaucoup plus meurtrière, à Mushake – décembre 2007 (2.600 soldats congolais tués), il est aujourd’hui à la tête de la première zone de défense englobant la capitale Kinshasa, et ce, malgré un rapport de l’ONU qui l’accuse de trafic d’armes au profit des groupes armés. Ces actes notoires de trahison ont évidemment provoqué des remous au sein de la population et de l’armée. Et même de la communauté internationale, notamment en Belgique où des personnalités ont publiquement demandé pourquoi l’armée congolaise ne s’est pas battue pour défendre Goma.
La méfiance des Congolais vis-à-vis de cette « hiérarchie de traitres » va connaître un tournant spectaculaire en juillet 2013. Une unité de l’armée, le 42ème bataillon, commandé par un colonel patriote et proche de la population infligeait des défaites au M23. Pour paralyser son action, Kinshasa ordonne son rappel, une des pratiques utilisées par le régime pour saboter les opérations des soldats sur terrain. La population de Goma réagit en bloquant les accès à l’aéroport. Elle va plus loin en organisant elle-même la surveillance des frontières pour dénoncer à temps réel les infiltrations de l’armée rwandaise. La population va elle-même se charger de transporter munitions et les vivres pour les soldats au front pour éviter que le régime de Kinshasa se serve de la logistique pour saboter les opérations des soldats au front et donner une nouvelle victoire aux hommes de Kagame. De leur côté, les soldats, sous le commandement du colonel Mamadou Ndala, vont se mettre à transmettre à la population de précieuses informations qui risquaient d’être censurées par les médias de Kinshasa.
Cette complicité du soldat avec sa population que le général allemand Erich Ludendorff appelle « cohésion armée-nation »[30], sorte de task force soldat – peuple est la première victoire du peuple congolais sur les hommes de Kagame. Il va s’opérer, sur le plan international, ce que Thierry Vircoulon a appelé « l’alignement des planètes ». Les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France et la Belgique (les quatre principaux partenaires internationaux du Congo) vont s’accorder sur la nécessité de mettre fin, militairement aux aventures du M23. Il va ainsi se créer une« combined task force » associant un peuple, ses soldats et des casques bleus, dont les plus motivés étaient des Tanzaniens sans doute poussés par leur président, Jakaya Kikwete en conflit ouvert avec Paul Kagame[31]. Le patron de la Monusco, l’Allemand Martin Kobler jouera quasiment le rôle du Chef d’Etat auprès des soldats au front pour remonter le moral des troupes. Le général brésilien Carlos Dos Santos Cruz, chef militaire de la Monusco, fort de son expérience en Haïti, va briller sur le théâtre des opérations en coordonnant efficacement les frappes de l’artillerie. Mais surtout, sur le terrain, trois officiers congolais déterminés : le colonel Mamadou Ndala à la tête des unités commandos, le général Jean-Lucien Bahuma considéré, depuis, comme l’artisan de la victoire sur le M23, et le général François Olenga qui veilla à ce que les soldats soient rigoureusement payés et nourris tout au long des opérations. Contrairement aux discours officiels, le président Kabila n’a joué aucun rôle dans la conduite des opérations. Aucun[32]. Et c’était mieux comme ça. Mais c’est une première dans l’histoire des pays en guerre : remporter une victoire en veillant à ce que le président du pays soit maintenu à l’écart des opérations, et à juste titre. Depuis, le pays a sombré dans les mêmes travers et des trahisons comme en attestent les massacres de Beni (octobre – décembre 2014)[33].
Pour les états généraux de l’armée
L’histoire retiendra qu’une fois la victoire acquise, le colonel Mamadou Ndala sera bêtement assassiné le 2 janvier 2014 à Beni, dans un secteur sous contrôle de l’armée[34]. Le général Jean-Lucien Bahuma va mourir dans des conditions mystérieuses après une réunion en Ouganda[35]. Le général François Olenga va être retiré des missions opérationnelles[36]. Un mois seulement après la victoire sur le M23, le président Kabila se rend à Kampala pour signer des accords permettant à la milice rwando-ougandaise de renaître de ses cendres politiquement.
Deux mois plus tard, il promulgue une loi d’amnistie permettant aux membres du M23 de ne pas avoir à répondre de leurs crimes devant la justice, alors même qu’aucune des victimes congolaises de ce mouvement armé n’a fait l’objet d’évaluation sur sa souffrance. Aucune victime. Depuis, les membres du M23 ont commencé à revenir au Congo par centaines à bord d’avions du gouvernement de Kinshasa. Pour aller où ? Et pour quoi faire ? Personne ne sait.
Le mal de l’armée congolaise vient du haut de la hiérarchie. Le poisson pourrit par la tête, disait Mao Tsé-toung. C’est aux congolais eux-mêmes, premières victimes du désordre orchestré dans leur armé, qu’il revient de se saisir de la question et de mettre de l’ordre dans leur armée, la seule qu’ils ont.
Ainsi se présente l’armée congolaise, une armée infiltrée de tous bords par des ennemis et dont les prétendants à la présidence de la République ont tout intérêt à se méfier. Les militaires eux-mêmes, durement affectés par le carnage de Mushake (2.600 soldats tués), conséquence des infiltrations et des trahisons, ont ouvertement posé la question des traitres au cours du séminaire de l’état-major général tenu en février 2013, et réclamé des enquêtes et des sanctions. Un coup d’épée dans l’eau puisque le mal de l’armée congolaise vient du haut de la hiérarchie. Le poisson pourrit par la tête, disait Mao Tsé-toung.
C’est aux congolais eux-mêmes, premières victimes du désordre orchestré dans leur armé, qu’il revient de se saisir de la question et de mettre de l’ordre dans leur armée, la seule qu’ils ont. Parce que les casques bleus de l’ONU partiront un jour. L’initiative peut venir du parlement, voire de la population par voie de pétition (article 27) pour amener les députés et les sénateurs à aborder de face la question de l’état de l’armée. En effet, aux termes de la Constitution de 2006, la défense et la sécurité, autrefois domaines réservés du Chef de l’Etat, sont devenus des domaines de collaboration (article 81). Membres du gouvernement, députés, sénateurs ; surtout ceux issus de l’opposition et de la société civile, ont tout intérêt à aborder clairement la question de l’armée et surtout exiger la convocation des états-généraux de l’armée[37]. Il en va de leur propre sécurité et de la gouvernabilité du Congo tout au long de la prochaine magistrature au cours de laquelle ils aspirent diriger le Congo. Car sans armée digne de confiance, il n’y a pas d’Etat et sans Etat, les élections ne servent à rien.
Boniface Musavuli
——————-
Ouvrages de référence :
Mbeko, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale – Génocides & Pillages des ressources minières du Congo par Rwanda interposé, Le Nègre Editeur, 2012.
Mbeko, H. Ngbanda, Stratégie du chaos et du mensonge – poker menteur en Afrique des Grands Lacs, Ed. de l’Erablière, 2014.
Onana, Europe, Crimes et Censure au Congo – Les documents qui accusent, Ed. Duboiris, 2012.
Péan, Carnages – Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Éd. Fayard, 2010.
Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa – Radioscopie de la Force Publique aux FARDC, Ed. Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, Saint-Légier (Suisse), avril 2013.
Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, Bilan – Autopsie de la défaite du M23 – Prospective, Ed. www.desc-wondo.org, décembre 2014.
Sun Tzu, L’art de la guerre, Champs Classiques, Flammarion, avril 2008.
[1] Jean-Jacques Wondo Omanyundu est diplômé de l’Ecole royale militaire de Belgique, criminologue, politologue et analyste des questions sécuritaires de la RD Congo et de l’Afrique centrale. Il est également chercheur-associé au GRIP (Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité : http://www.grip.be/fr/node/1), un think-tank basé à Bruxelles. Il est l’auteur de l’ouvrage de référence, Les Armées au Congo-Kinshasa – Radioscopie de la Force publique aux FARDC, paru en 2013. Il est expert consultant des questions militaires et géostratégiques, notamment auprès de la Radio Okapi (partenaire de la MONUSCO). Il vient de publier en décembre 2014 un intéressant ouvrage sur la réforme des FARDC : Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, Bilan – Autopsie de la défaite du M23 – Prospective, Ed. www.desc-wondo.org.
[2] Forces armées de la République Démocratique du Congo.
[3] JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, Bilan – Autopsie de la défaite du M23 – Prospective, Ed. www.desc-wondo.org, p. 122.
[4] JJ. Wondo, « Les quatre puissances militaires régionales d’Afrique », desc-wondo.org, 21 mai 2014.
[5] JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., pp. 105,106, 212.
[6] L’expression « armée mexicaine » s’emploie pour désigner une organisation où les donneurs d’ordre sont plus nombreux que les exécutants. Elle renvoie à la Révolution mexicaine au début du XXème siècle. L’armée révolutionnaire, principalement des paysans sans formation militaire, était composée de beaucoup trop d’officiers par rapport au nombre d’hommes à commander. D’où une certaine désorganisation liée à l’incompétence des exécutants et aux ordres contradictoires arrivant des uns et des autres.
[7] Les estimations faites étaient de 306.000 combattants issus des différentes forces et groupes armés, dont 136.000 militaires des FAC (armée loyaliste), 48.000 combattants Maï-Maï, 46.800 combattants du RCD-Goma (Azarias Ruberwa), 20.000 combattants du MLC (Jean-Pierre Bemba), 900 combattants du RCD-ML (Mbusa Nyamwisi) et 46.000 autres. Il fallait en retenir au final 120.000 militaires brassés au sein des FARDC. Cf. JJ. Wondo, op. cit., p. 20.
[8] Les quatre réformes de l’armée congolaises entre 2004 et 2009 sont : 1 – Plan stratégique de réforme de l’armée congolaise sous le ministre Charles Mwando Nsimba – 2004 ; 2 – Plan Global sur la RSS (réforme du secteur de la sécurité) sous le ministre Chikez Diemu 2007, 3 – Plan Directeur Global de la réforme de l’Armée – 2008 et 4 – Plan de réforme de l’armée – 2009. Cf. JJ. Wondo, op. cit., pp. 24.
[9] Ibidem, p. 144.
[10] Charles Onana écrit : « En réalité, il (Kabila, ndlr.) a gardé des contacts directs avec Kigali à travers James Kabarebe qui lui téléphone régulièrement pour diverses questions. Kabila est manipulé par Paul Kagame qui le considère comme son cheval de Troie à la tête de l’Etat congolais. Mais il y a plus. (…) Ainsi, durant toute la période d’incursions de l’armée rwandaise en 2004 au Congo et après la rébellion de Laurent Nkunda, Joseph Kabila observe un silence de mort. Alors que les massacres, les atrocités et les viols commis par les hommes de Kagame et ceux de Nkunda contre le peuple congolais prennent des proportions démesurées, Joseph Kabila ne dit rien ou presque. Les Congolais ne cessent cependant de s’étonner de l’étrange attitude de leur président, mais ils ne reçoivent aucune explication. La pression de Kigali sur Kinshasa s’accentue et très peu de gens sont informés de ce qui se passe exactement entre Kabila et Kagame. Kabila se montre de plus en plus passif, à tel point qu’il se sent obligé, avant de nommer un ambassadeur congolais au Rwanda, d’envoyer une liste de diplomates à Kigali qui apprécie et fait savoir ses préférences. Paul Kagame n’a évidemment pas les mêmes délicatesses envers son homologue congolais». Cf. C. Onana, Europe, Crimes et Censure au Congo – Les documents qui accusent, Ed. Duboiris, 2012, pp. 122-123.
[11] JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., p. 36.
[12] Selon l’analyste des questions géopolitiques et géostratégiques, Patrick Mbeko, et l’ancien ministre de la Défense sous Mobutu, Honoré Ngbanda, « Joseph Kabila » est un nom d’emprunt. Cf. P. Mbeko, H. Ngbanda, Stratégie du chaos et du mensonge – poker menteur en Afrique des Grands Lacs, Ed. de l’Erablière, 2014, pp. 450 et suivants.
[13] Patrick Mbeko estime à 35.000, au moins, le nombre des soldats rwandais opérant dans la partie Est du Congo. Ibidem, p. 375.
[14] Cf. P. Mbeko, Le Canada dans les Guerres en Afrique Centrale, op. cit., pp. 98-99, 639 ; Pierre Péan, Carnages, op. cit., p. 552.
[15] Le pillage des ressources minières du Congo est le principal mobile des agressions à répétition à partir du Rwanda. Cf. P. Mbeko, H. Ngbanda, op. cit. Lire aussi JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., pp. 37-39. Lire également les rapports des experts de l’ONU sur le lien entre le pillage des ressources minières du Congo et la poursuite de la guerre du Congo.
[16] Selon la loi Dodd-Frank adoptée par le Congrès américain le 12 juillet 2010, les minerais stratégiques du Congo convoités sont le colombo-tantalite, aussi connu sous le nom de coltan (le minerai dont est extrait le tantale); la cassitérite (le minerai dont est extrait l’étain); le wolframite (le minerai dont est extrait le tungstène) et l’or.
[17] B. Musavuli, RD Congo : « Le massacre d’un peuple pour le ‘’bonheur’’ du monde », agoravox.fr, 10 août 2013.
[18] Joseph Kabila est un ancien maquisard du Front patriotique rwandais, le mouvement politico-militaire à la tête duquel Paul Kagame a pris le pouvoir au Rwanda en juillet 1994. Il est entré au Congo en 1996 en tant qu’officier de l’armée rwandaise sous le commandement du général James Kabarebe, l’actuel ministre rwandais de la Défense.
[19] Le Contrôle de Kigali sur le pouvoir politique et militaire congolais s’opère par le biais de ce qu’Honoré Ngbanda appelle le réseau du « tutsi power ». Il n’est pas le seul à s’en apercevoir. Jean-Jacques Wondo fait remarquer que les principaux décideurs en matière politique et militaire autour de Joseph Kabila sont soit des Tutsis liés au régime de Paul Kagame, soit des personnalités congolaises ayant systématiquement une particularité : nées de mères tutsies ou mariées à des femmes tutsies. En commençant par le chef d’Etat-major de l’armée nationale congolaise et le premier ministre. Cf. JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., pp. 181-182, 195, 196, 198. Ou bien ils ont eu un passé dans les mouvements armés orchestrés par le Rwanda, en particulier le RCD-Goma. C’est le cas du Commandant de la première des trois zones de défense du Congo englobant la capitale Kinshasa et les régions de l’Ouest. C’est aussi le cas du numéro 1 de la police nationale congolaise et de 10 % des généraux à l’issue des nominations de juillet 2013, dans un pays où les Tutsis ne représentent même pas 1% de la population totale. Cf. JJ. Wondo, op. cit. pp. 27, 204.
[20] Paul Kagame, bien conscient que Joseph Kabila, à la tête du Congo, est son compère, ne se prive pas d’attaquer le pays. Des attaques au cours desquels sont tués des soldats congolais dont il sait qu’ils ont Joseph Kabila pour Commandant suprême (article 83 de la Constitution). Naturellement, à chaque défaite, Kabila devient la risée internationale et l’objet d’un profond mépris aux yeux des Congolais humiliés par l’armée d’un petit pays.
[21] C. Onana, Europe, Crimes et Censure au Congo, op. cit., pp. 122-123.
[22] Invité aux célébrations des 50 ans de l’indépendance du Congo (30 juin 2010), Paul Kagame est arrivé avec un retard de deux heures (longtemps après des nombreuses délégations étrangères dont celle de la Belgique conduite par le Roi Albert II). Il se mettra ensuite à lire un journal pendant que l’armée congolaise paradait. Grâce à ses milliers de soldats infiltrés dans les rangs des FARDC, il sait que cette armée n’a rien pour l’impressionner.
[23] C. Braeckman, « Cartes sur table : les quatre vérités du général James Kabarebe », Le carnet de Colette Braeckman, blog.lesoir.be, 29 août 2012.
[24] Les salaires dans l’armée congolaise sont risibles. Selon le barème 2011, le plus haut gradé de l’armée (général A) perçoit un salaire de 82.198 Francs congolais, soit l’équivalent de 82 (quatre-vingt-deux) dollars US. Environ 75 (soixante-quinze) euros. Même pas de quoi couvrir ses besoins en nourriture sur une semaine à Kinshasa. Voir barème salarial : JJ. Wondo, Les armées au Congo-Kinshasa – Radioscopie de la Force Publique aux FARDC, Ed. Monde Nouveau/Afrique Nouvelle, Saint-Légier (Suisse), Avril 2013, p. 289.
[25] Pour approfondir la question des trahisons des soldats congolais par leur propre hiérarchie, lire JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., pp. 49 – 62.
[26] Ibidem, p. 218.
[27] Ibidem, p. 196.
[28] Jérôme Kengawe Ziambi et JJ Wondo pensent qu’en remportant la victoire « tactique » de Goma, Kagame a perdu une bataille « stratégique » sur le Congo. Cf. JJ. Wondo, op. cit., pp. 64-65 .
[29] JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., pp. 49-50.
[30] Ibidem, pp. 81.
[31] En mai 2013, en marge du sommet de l’Union africaine à Addis-Abeba (Ethiopie), le président tanzanien Jakaya Kikwete a demandé aux présidents Kagame (Rwanda) et Museveni (Ouganda) d’ouvrir des négociations avec leurs opposants armés opérant sur le sol congolais. Les FDLR (Forces démocratiques pour la libération du Rwanda) et les ADF (Allied Democratic Forces). Paul Kagame avait violemment réagi contre son homologue et promis de le tuer selon un câble diplomatique de Wikileaks.
[32] JJ. Wondo, Les Forces armées de la RD Congo : Une armée irréformable ?, op. cit., p. 221.
[33] Selon l’ancien ministre congolais des Affaires étrangères Mbusa Nyamwisi, les ADF ont pour comandant le général Mundos, l’actuel commandant des opérations (FARDC) à Beni. Cf. « ADF-Nalu : un ancien ministre congolais met en cause un haut gradé », rfi.fr, 25 octobre 2014.
[34] L’assassinat du colonel Mamadou Ndala a été attribué par le gouvernement congolais aux rebelles ougandais des ADF basés en territoire de Beni. Deux officiers FARDC : le lieutenant-colonel Birotsho Nzanzu Consy et le lieutenant-colonel Kamulete Jocker, ont été condamnés pour complicité avec un mouvement terroriste et participation à un mouvement insurrectionnel par la Cour militaire opérationnelle qui siégeait à Beni. Toutefois plusieurs sources – y compris locales – remettent en doute la piste ADF. Ce crime est parmi les dossiers que les Congolais devraient réouvrir à l’avenir.
[35] Le général Jean-Lucien Bahuma, formé à l’académie militaire de Saint-Cyr, en France, est décédé le 31 août 2014 à Pretoria. Selon la version officielle, il a été victime d’un accident vasculaire cérébral alors qu’il assistait à une réunion mixte de sécurité à Kasese, en Ouganda. Mais plusieurs sources au Nord-Kivu attribuent sa mort à un empoisonnement.