Ce documentaire diffusé pour la première fois, en 2004, sur la chaine Franco-allemande, Arte, permet de comprendre les enjeux de la crise actuelle dans la sous-région, de la bouche même des protagonistes.
1994-1998 : le conflit au Rwanda déborde sur l’ex-Zaïre et met à feu et à sang la région des Grands Lacs, aujourd’hui encore en proie à des massacres. Jihan El Tahri, grâce aux témoignages des acteurs clé, analyse ce moment charnière de l’histoire de l’Afrique dans un documentaire éclairant et magistral.
Vers le mois de juin 1994, Kengo Wa Dondo, le premier ministre du Zaïre (1994-1997), est témoin, dans le bureau du maréchal Mobutu, d’une conversation téléphonique entre le dictateur zaïrois et un haut responsable français. À la veille de lancer l’opération Turquoise, la France s’enquiert de l’état des aéroports zaïrois.
En mars 1997, à Kisangani, la capitale régionale du nord du Zaïre, contrôlée par les troupes de Laurent Désiré Kabila, l’envoyé spécial de l’ONU Mohammed Sahnoun assiste au triomphe de Kabila devant une foule qui le presse de marcher sur Kinshasa.
La première partie de L’Afrique en morceaux s’ouvre sur la première et se clôt sur la deuxième de ces scènes, rapportées respectivement par Kengo Wa Dondo et Mohammed Sahnoun. Entre ces deux moments, les événements se bousculent : fuite de 1,6 million de Hutus au Zaïre ; rapprochement des opposants à Mobutu et des gouvernements rwandais et ougandais ; création de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) ; entrée au Zaïre de Laurent Désiré Kabila et de ses troupes, qui ne vont pas tarder à renverser Mobutu.
À partir d’entretiens avec des témoins directs et acteurs clés, et après un rigoureux travail de recherche, Jihan El Tahri a fait un monumental travail de synthèse. Elle déroule avec une clarté exemplaire le fil des événements, dont on saisit à la fois la complexité, les drames et les enjeux. On découvre le rôle et la personnalité des nouveaux leaders qui ont présidé ou président encore aux destinées de la région : Laurent Désiré Kabila, l’ancien rebelle assassiné en 2001 ; Paul Kagamé, vice-président du Rwanda de 1994 à 2000 ; le président ougandais Yoweri Museveni.
Le 5 mai 1997, Mobutu et Laurent Désiré Kabila sont assis à la même table, de chaque côté de Nelson Mandela qui a arrangé la rencontre. Les troupes de Kabila menacent la capitale zaïroise, mais le vieux dictateur refuse de céder la place. Quelques jours plus tard, il est forcé de partir. Mobutu chassé : tout un symbole. Le symbole de la fin d’une Afrique sous la coupe de dictateurs protégés par les Occidentaux – ici les Français. Les Congolais, les Rwandais, les Ougandais, les Angolais, bref ceux qui ont propulsé Kabila à la tête du Zaïre (devenu la RDC, République démocratique du Congo), parlent coopération régionale, autosuffisance alimentaire, marché commun africain, fin des guerres ethniques. L’union des forces dans la région des Grands Lacs va changer la face de toute l’Afrique… Le rêve s’évanouit vite. En août 1998, Kabila l’ancien rebelle doit faire face à une rébellion qui ressemble étrangement à celle qui l’a porté au pouvoir. En janvier 2001, après trois ans de règne, il est assassiné par un proche, trahi comme il a lui-même trahi l’immense espoir qu’il avait suscité.
La seconde partie du documentaire revient sur la période mai 1997-août 1998. La première année où Kabila est au pouvoir en RDC est racontée par différents témoins : les membres du nouveau gouvernement (Bizima Karaha, Mwenze Kongolo…) ; l’opposant Déogracias Bugera, qui combat Kabila pour les mêmes raisons qu’il a combattu Mobutu ; les anciens alliés rwandais (James Kabarebe, Paul Kagamé) et ougandais (Yoweri Museveni) ; l’envoyé spécial de Clinton Bill Richardson – aucun représentant officiel de la France n’a accepté de témoigner… Avec un grand souci de la nuance et de l’exactitude, les réalisateurs, organisant l’expression des différents points de vue, évoquent le bouleversement de la région des Grands Lacs, déchirée par des intérêts contradictoires. Une région où, après l’assassinat de Kabila père, les événements prendront une tournure plus encourageante, avec la dynamique de négociation et d’apaisement initiée par son fils Joseph.
On comprend mieux les conflits d’intérêts qui sous-tendent la crise, notamment l’âpre et meurtrière lutte d’influence entre la France et les États-Unis. Une plongée instructive au coeur des événements qui ont secoué l’Afrique des Grands Lacs et bouleversé les équilibres de tout un continent. Un document qui donne les clés indispensables pour comprendre le présent.
Globalement bien documente quoiqe certains details seraient necessaires.
Esperons voir la suite [2001 a ce jour] ce qui permettrait de mieux envisager le future et le fameux panafricanisme.
Que Dieu vous benisse
Visiblement le survol des évènements est parfait mais tacitement dépourvus des détails clés…