Par Mufoncol Tshiyoyo
Freddy Mulumba, actuel PDG adjoint de la RTNC, la Radio et la télévision nationale congolaise, a récemment accordé une interview dont les images circulent sur la toile. Dans cette interview, le « patron » adjoint de l’institution communicative du quasi-État congolais se place dans une position offensive, puisque l’homme se demande, et non sans raison, comment expliquer que la télévision nationale du Congo ne défende la patrie, alors que cette dernière vit sous menace de la matérialité de sa balkanisation. Pour preuve, je paraphrase ici Mulumba : « avoir une télévision nationale, qui ne défend pas la patrie, est-ce possible ?»
Un questionnement qui peut paraître simple, mais qui suscite quand même de la curiosité quand il est indéniable connu que l’homme qui en parle siège normalement au sein du conseil d’administration de la radio et télévision nationales en sa qualité du numéro deux de l’institution administrative. À l’entendre, on se poserait la question de savoir si seulement on était en face d’un aveu d’impuissance, lui qui a toujours justifié son positionnement social actuel comme la poursuite d’un combat digne qui engage le devenir de toute une nation. Ou il s’agit d’une lapalissade démontrant que quand la radio et la télévision nationale donnent leur langue au chat sur un sujet aussi important que celui de la balkanisation du pays et des morts à l’est du Congo, c’est que le pays, qui est déjà inexistant, parce que caporalisé par un mercenariat virulent du proxy américain rwandais, demeure une illusion.
La mission impossible de Freddy Mulumba?
Est-ce que la mission impossible que s’est donnée notre ami Freddy Mulumba serait-elle suicidaire ? Sa situation renvoie un peu à une autre aventure du même genre, menée, à l’époque et nous sommes sous Mobutu, par des jeunes loups de la presse audiovisuelle autour de la bande à Dimandja Wembi. Freddy Mulumba milite-t-il pour la liberté de la presse nationale ou de son combat contre la balkanisation, il semble poursuivre deux lièvres à la fois ? Et jusqu’où pourrait aller Freddy Mulumba, pris ici individuellement et en tant que volonté agissant ?
La posture de Freddy Mulumba qui souffle le chaud et le froid, il dénonce d’un côté la menace réelle pesant sur le pays et de l’autre, l’homme encense le pouvoir-os actuel, la Kabilie, y compris dans sa formule actualisée, provoque un déchirement psychologique en nous. Le divorce s’installe entre lui et nous. Que diantre, mais pourquoi on chercherait à faire passer la Kabilie pour ce qu’elle ne saura jamais être : le camp souverainiste ? Le discours de l’intellectuel congolais sème un peu le désordre s’il ne l’entretient déjà.
Malgré les difficultés susmentionnées, Freddy Mulumba refuse toujours de se taire. Pour le politiste et journaliste, et celui qui parle : « Nos médias sont contrôlés par les multinationales [les partis politiques et associations de la société civile aussi dans le même panier – le cas du projet anglo-saxon Tomikotisa]. Avec leurs fondations, les multinationales achètent la presse nationale au Congo par leur financement. En les finançant, elles orientent la ligne éditoriale de la presse ainsi achetée. Prenez l’exemple de la [ville] de Kinshasa. Regardons ce que publie la presse locale : quelles sont les informations à la une ?
Ce sont des « querelles entre politiciens » [et c’est nous qui le mettons entre guillemets], alors que le silence règne sur l’essentiel, qui est et devrait être l’est de la RDC, où la situation de la survie de la nation reste quand même sous oxygène : Rien. Les forces qui financent la presse locale, les ONG et les fondations sont les mêmes qui opèrent à l’est du Congo. Tellement que l’on est naïf au Congo, on pense que quand quelqu’un vous donne de l’argent, c’est qu’il vous aime. C’est comme cela que tout le monde se tait à Kinshasa », fin de citation. Freddy Mulumba est désarmé alors que la radio et la télévision devraient lui servir d’armes de guerre. Le constat est celui-là. C’est quoi la prochaine ?
La posture de Freddy Mulumba qui souffle le chaud et le froid, il dénonce d’un côté la menace réelle pesant sur le pays et de l’autre, l’homme encense le pouvoir-os actuel, la Kabilie, y compris dans sa formule actualisée, provoque un déchirement psychologique en nous. Le divorce s’installe entre lui et nous. Que diantre, mais pourquoi on chercherait à faire passer la Kabilie pour ce qu’elle ne saura jamais être : le camp souverainiste ? Le discours de l’intellectuel congolais sème un peu le désordre s’il ne l’entretient déjà. C’est cette attitude que condamne Fanon, à travers son texte « La mort de Lumumba : pouvions-nous faire autrement ».
Frantz Fanon accuse l’intellectuel africain…
L’auteur du livre Les Damnés de la terre parle d’hésitation dans notre marche à suivre. Frantz Fanon accuse l’intellectuel africain, congolais, d’être irrésolu, flottant dans son engagement. Pendant que le personnel intellectuel africain doute et hésite, le temps, qui dans sa nature reste un danger permanent, joue en sa défaveur.
Comment renverser les rapports de force au-delà de simples mots qui incarnent la volonté exprimée d’en découdre coûte que coûte avec le véritable ennemi, l’adversaire ainsi identifié ? Likambo ya mabele n’est pas qu’un slogan, mais la réalité de ce que nous sommes sur le terrain.
Pour Duroselle, « Le temps s’incorpore comme un élément essentiel avec toutes les conséquences que cela comporte : mûrissement des idées [Minembwe, c’est nous qui rajoutons], évolution des structures sociales [la Kabilie actualisée], préparation des décisions. Volonté même de laisser le temps travailler pour soi, ou, ce qui revient au même, effort pour empêcher par des initiatives le temps de travailler pour l’adversaire [des conflits, « phénomène de dérivation », là où il existe en fait un vide]. Le temps – bref ou long, peu importe, n’est pas seulement l’une des circonstances, l’une des coordonnées du conflit. Il en est la contexture même » (Jean-Baptiste Duroselle, la stratégie des conflits internationaux).
1960, 60 ans après, « l’Afrique [le Congo Kinshasa] est une des missions non remplies parce que la direction nationale a manqué de théorie et d’idéologie révolutionnaires. Depuis la prétendue indépendance, l’Afrique attend toujours ce moment où des dirigeants tels que Cabral se lèveront à nouveau à l’occasion et conduiront un programme pour la libération totale de l’Afrique, de tous les vestiges de l’impérialisme et du néocolonialisme », écrit Ndangwa Noyoo.
Comment être dans le vrai, dans le concret, là où tout le monde nous attend et nous regarde ? Comment renverser les rapports de force au-delà de simples mots qui incarnent la volonté exprimée d’en découdre coûte que coûte avec le véritable ennemi, l’adversaire ainsi identifié ? Likambo ya mabele n’est pas qu’un slogan, mais la réalité de ce que nous sommes sur le terrain. Qu’ils fassent ce pour lequel ils ont été recrutés. Nous assumons et notre temps et notre dignité d’homme.
Likambo oyo eza likambo ya mabele…
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Homme libre et dissident