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La guerre de prédation, la perte de notre être et le nécessaire travail de mobilisation des congolais

La guerre de prédation, la perte de notre être et le nécessaire travail de mobilisation des congolais

La guerre de prédation, la perte de notre être et le nécessaire travail de mobilisation des congolais 876 584 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu rappelle pourquoi Kabila se comporte comme en terrain conquis et ne va pas changer de cap, rappelle pourquoi, dans le contexte de la guerre de prédation que le Congo subit, les institutions congolaises sont vides de contenus, expose les causes et conséquences de la perte de notre être et explique pourquoi nous devons travailler à une mobilisation citoyenne pour faire face aux multiples défis à relever pour renverser les rapports de force.

Sur la nomination des commissaires spéciaux et le rôle de Kabila en RDC

Ces nominations sont faites en violation flagrante de la constitution, et n’ont aucune base constitutionnelle juridique prévue au Congo.
Cette nomination met sur le tapis la question fondamentale : Est-ce qu’il n’y a pas là une lecture biaisée de l’actualité politique ? Si plusieurs d’entre nous reconnaît que Kabila est un président de fait, et non de droit, est-il normal que nous puissions continuer à lui demander des comptes sur des questions juridiques.
La logique de Kabila est de pouvoir soumettre les congolais le plus possible et travailler à l’avènement de l’empire Hima-Tutsi. Continuer à croire que Kabila, qui est un président de fait, finira par respecter les dispositions juridiques de la constitution adoptée en 2006 me semble être une façon de faire une fausse lecture de la politique congolaise et une fausse approche de la personnalité de Kabila.
Kabila ne se projette dans une nouvelle législature, il se comporte comme en terrain conquis. Tant que nous n’aurons pas compris que Kabila est au pays, non pas par son propre chef, mais qu’il est envoyé, qu’il est en mission, nous allons crier, nous allons pleurer, nous allons évoquer, les textes juridiques, il ne va pas changer de cap.

Sur l’Etat manqué du Congo et les institutions du pays

Dans un Etat manqué comme le Congo, les institutions peuvent avoir une apparence formelle d’institutions servant la démocratie, mais leur contenu est vide. La multiplication des ces institutions là ne servent à rien d’autres qu’à cacher le vide politique, juridique, de cet Etat manqué. N’est-ce pas nous, qui devrions à prendre à bien lire, à faire une approche beaucoup plus raisonnable de cet Etat manqué.
Il ne peut pas y avoir de démocratie dans un Etat manqué, téléguidé de l’extérieur et servant des causes bien connues.
L’arrivée tardive de ces institutions manifeste qu’elles ne servent absolument à rien, que l’expansion de l’empire Hima-Tutsi et que la soumission des congolais pouvaient se faire sans ces institutions là. Ces institutions sont venues donner l’impression qu’il y avait un processus politique qui s’était enclenché au Congo alors qu’il n’en est rien.

Sur le renversement des rapports de force

Ce qui ont mené la guerre contre le Congo ne le faisaient pour que ce pays devienne une démocratie. Ils l’ont mené avec leurs proxys interposés pour pouvoir conquérir le Congo et en faire ce qu’ils avaient envie de faire. Nous n’avons pas encore réussi, avec nos masses paysannes, avec nos jeunes et femmes, à pouvoir renverser les rapports de force afin que le Congo devienne un Etat voulu par ses dignes filles, dignes fils, dignes jeunes.
Le renversement des rapports de force n’a pas été fait, donc le Congo est dirigé en sous-main par ceux qui ont orchestré la guerre de prédation et de basse intensité qui lui a été livrée depuis les années 1990.
Et à l’heure habitude, ceux qui ont livré cette guerre là s’acharnent sur leurs proies pendant longtemps avant qu’ils ne puissent voir les rapports de force être renversés. Si nous perdons de vue cet élément historique, nous risquons de ne rien comprendre à ce qui est en train de se passer en ce moment.

Sur l’esclavage

Nous avons un problème sérieux dans le chef de la plupart de nos compatriotes, nous avons méprisé ou négligé l‘histoire dans laquelle Kabila est venu s’insérer. Nous sommes tombés dans l’amnésie. Plusieurs d’entre nous sont tombés dans la cupidité, l’instinct de domination et la recherche effrénée de biens matériels. Ils sont tombés dans l’esclavage volontaire ce qui fait qu’ils ont mis notre histoire entre parenthèses, et se sont mis à servir le projet de l’expansion de l’empire Hima-Tutsi et les multinationales prédatrices installées au Congo, et cela au dépens des congolais.
Nous avons ainsi aujourd’hui au Congo, une infime minorité, qui s’est sérieusement enrichi aux dépens des majorités congolaises qui vivent dans une pauvreté qui ne dit pas son nom.

Sur la perte de notre être

Plusieurs congolais sont tombés dans l’esclavage volontaire et sont devenus des tambourinaires parce qu’ils pratiquent la politique du ventre. Et quand vous pratiquez cette politique, vous tombez dans l’aplat-ventrisme : Tous ces gens courent vers la jouissance, vers l’acquisition d’immeubles, ce faisant, on se vide de tout « être » pour l’ « avoir ». Au nom de l’avoir, nous sommes tombés dans l’inversion de valeurs et nous sommes en train de perdre notre être. Et comme la guerre menée contre le Congo est une guerre pour la conquête des terres, des forêts, des savanes, des cours d’eau, demain, nous risquons de perdre nos terres, nos mers, nos forêts. Et nous serons des hommes sans patrie, sans enracinement, au nom de notre assujettissement.

Sur la nécessaire mobilisation

Mais, les grands changements sont souvent moléculaires, imperceptibles. Voilà pourquoi à ce niveau là, il y a un travail de mobilisation à pouvoir abattre, à temps, et à contretemps. Et il appartient aux plus éveillés d’entre nous, aux élites organiques et structurantes de pouvoir poursuivre ce travail de militance citoyenne pour que les jeunes générations, décomplexées qui viennent après nous, puissent changer la donne. Mais elles ont besoin que les fondations, les racines puissent être lancées.

Sur les défis à relever

Une maison divisée contre elle-même est vouée à sa perte. Kabila ne pouvait pas mener la danse qu’il mène sans la complicité des congolais qui sont autour de lui. C’est vrai que de temps en temps, nous mettons l’accent sur la part des autres, mais la part congolaise n’est pas moindre.
Il y a des défis à relever et de manière urgente : Le défi du leadership responsable et visionnaire, le défi du savoir et de la connaissance, le défi de la communication dans un pays où le décervelage est devenu un mode de gestion des populations, le défi du dépassement du cercle congolais pour aller vers un panafricanisme qui pourrait nous aider demain à constituer une Afrique des fédérations.
Parce que nous sommes en train de faire comme si ce Kabila qui est en train de nous distraire n’était utilisé par un système qui veut que le Congo, comme l’Afrique, reste spectateur de la lutte économique qui est menée entre grandes puissances.

Sur les élections et le maintien du régime

Le comble est que nous croyons dans un processus électoral qui n’en est pas un. Comment voulez-vous que des gens qui ont mis des milliards dans des banques à l’extérieur du pays n’arrivent pas à organiser des élections qui coûtent 1 milliard de dollars ? C’est-à-dire qu’ils ont compris ou qu’ils sont en train de comprendre que mentir aux congolais, ou à une certaine frange de la population congolaise est en train de devenir de plus en plus compliqué. Ce qu’ils font, maintenant, c’est fatiguer la population, c’est aller loin dans cette guerre d’usure….
Le caractère répressif du régime ne peut pas changer avec les forces néolibérales. Si ce régime change son caractère répressif, les populations, dans leur majorité, vont commencer à réclamer, par exemple, la justice redistributive, la justice sociale. Et pourtant, les forces néolibérales qui travaillent avec ce régime, n’ont pas envie de partager les bénéfices qu’elles gagnent au Congo avec les majorités congolaises. Ce régime va donc se maintenir, encore tout un temps, jusqu’à ce que les masses populaires parviennent à renverser le rapport de force.

INGETA.

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