Par Jean-Pierre Mbelu
Réfléchir lucidement et consciencieusement, sur le temps long, sur ce qui est arrivé au Congo-Kinshasa depuis la guerre anglo-saxonne (des années 90) de prédation et de basse intensité est un exercice difficile. Il est dès lors souhaitable d’y revenir de temps en temps pour éveiller les esprits affaiblis par l’ignorance, l’appauvrissement et l’assujettissement massifs.
Si cette guerre fut dénommée »une guerre de basse intensité », c’est parce qu’elle s’est menée par des proxys rwandais, ougandais, burundais, congolais, etc. interposés.
Mende et sa rare part de vérité
Explicitant cette notion de guerre de basse intensité, Michel Collon écrit ceci : »Les guerres de basse intensité. Ici, les Etats-Unis n’engagent pas directement leurs troupes, mais provoquent des conflits entre pays voisins. Ou bien ils soutiennent, arment, voire financent des mouvements paramilitaires, des groupes terroristes, etc. » Et il ajoute : »Trompeur, le terme ‘basse intensité’ peut donner l’impression que les dégâts sont moindres. En réalité, ils ne sont moindres que pour les Etats-Unis. Ainsi, la guerre dite de basse intensité que Washington a déclenchée contre le Congo (à travers les armées du Rwanda et de l’Ouganda voisins, et à travers diverses milices), cette guerre a fait cinq millions de morts et elle a paralysé le développement du Congo. » ( M. COLLON, Les 7 péchés d’ Hugo Chavez, Bruxelles, Investig’action, 2009, p. 393)
Lambert Mende a soutenu que la guerre endémique imposée aux paisibles citoyens congolais n’avait pas comme objectif d’instaurer la démocratie au Congo-Kinshasa mais plutôt celui de commettre des crimes.
»Un témoin de l’intérieur », Lambert Mende, ayant participé à cette guerre comme membre du RCD Goma en a dit, un jour, »sa rare part de vérité » corroborant la réflexion menée par Michel Collon. Il a soutenu que la guerre endémique imposée aux paisibles citoyens congolais n’avait pas comme objectif d’instaurer la démocratie au Congo-Kinshasa mais plutôt celui de commettre des crimes. La commission de ces crimes visait la destruction du Congo-Kinshasa comme »Etat raté », comme »nation », l’asservissement de ses gouvernants (afin qu’ils deviennent les marionnettes des élites globalistes) et la néantisation de sa population en vue de l’accaparement de ses terres.
Des seigneurs de guerre ayant participé à cette guerre de basse intensité ont fait de cet accaparement des terres leur cheval de bataille. L’un d’eux, »alias Joseph Kabila », a organisé cet accaparement des terres un peu partout au Congo-Kinshasa au point de confier des provinces entières à »ses proches ». Qui se souvient encore de la chasse orchestrée contre les Mbobero au Sud-Kivu ? Les archives sont là et parlent d’elles-mêmes. Lui et »les siens » n’ont pas encore renoncé à la guerre perpétuelle pour la conquête des terres congolaises et la chasse aux »maîtres des terres » résistant contre la servilité.
La guerre n’est pas encore finie…
Des compatriotes déguerpis de leurs terres sont dépaysés, déboussolés, désorientés. Ils errent à travers le Congo-Kinshasa et plusieurs finissent par aller vivoter dans les bidonvilles (exposés à la faim, à la nudité, à la soif, à la mendicité, à la maladie, etc.) Massifiés dans ces bidonvilles, ils sont considérés par »les ex-seigneurs de guerre » »reconvertis » en »nouveaux riches » comme des »indigents ». Quand la mort s’abat sur eux, ils sont enterrés dans »les fosses communes ».
Voir »une ex-première dame » applaudie sur un champ où elle cueille des feuilles de manioc à vendre à moins cher aux compatriotes appauvris, asservis, assujettis au cours d’une guerre perpétuelle à laquelle »son cher époux » participe jusqu’à ce jour donne à penser.
Dès que des compatriotes oublient, un seul instant, les dégâts causés par cette guerre perpétuelle de basse intensité dans le chef de ceux qui ont perdu leurs terres, ils ont tendance à chanter les louanges de leurs bourreaux vivants ou à ramasser les miettes tombant de leurs tables.
Voir »une ex-première dame » applaudie sur un champ où elle cueille des feuilles de manioc à vendre à moins cher aux compatriotes appauvris, asservis, assujettis au cours d’une guerre perpétuelle à laquelle »son cher époux » participe jusqu’à ce jour donne à penser. Il est possible qu’au Congo-Kinshasa des compatriotes aient déjà oublié que leur pays est en guerre et que ce n’est pas encore fini. Des armes s’achètent au Katanga et Gédéon Kyungu Mutanga, membre du PPRD, est recherché, semble-t-il. Il serait recherché par ceux qui ont noué des alliances avec »l’autorité morale » du PPRD et qui ont cru dans »l’illusion de la démocratie ».
L’humain vit aussi de fierté
Ce rappel a un objectif : participer à la lutte contre le larbinisme, le syndrome de Stockholm, l’ignorance, le fanatisme aveuglant, etc. Il tient à rappeler aux esprits affaiblis par la guerre perpétuelle de basse intensité et de prédation menée contre le Congo-Kinshasa qu’elle n’est pas encore finie. La faim, la maladie, la nudité, l’errance, l’appauvrissement, l’assujettissement, la mendicité organisée, etc. font partie de ses »armes de destruction massive ».
Tant que »les ex-seigneurs de guerre » et leurs alliés (et parrains) vivant au Congo-Kinshasa (ou ailleurs) jouiront de l’impunité, il sera très difficile de voir ce pays se développer.
Tant que »les ex-seigneurs de guerre » et leurs alliés (et parrains) vivant au Congo-Kinshasa (ou ailleurs) jouiront de l’impunité, il sera très difficile de voir ce pays se développer. Tant qu’un petit sens de fierté et de dignité ne sera pas la chose la mieux partagée par des masses populaires debout pour demander à »ces nouveaux enrichis par la guerre » la reddition des comptes à la place des feuilles de manioc, le pays de Lumumba risque de disparaître. Eux ne dorment ni ne sommeillent. Ils amassent les armes au Katanga. Ils n’ont pas renoncé au projet de la balkanisation du Congo-Kinshasa.
Des masses populaires se prenant en charge pourraient, au lieu de vivoter dans les bidonvilles, organiser »une exode citadine » : de la ville au village. Et là, se regrouper en coopératives pour produire de la nourriture et renoncer à la mendicité auprès des »ex-seigneurs de guerre » et leurs alliés. Il est venu le temps de revisiter régulièrement notre mémoire collective, d’en faire une mémoire vivante afin de rompre avec »la selfisation de la pensée », ce fameux »buka lelo lamba lelo » abrutissant et attentatoire à notre dignité humaine. L’humain vit aussi de fierté.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961