Par Bénédicte Kumbi Ndjoko
Au Congo, il y a la musique. Celle-ci est puissante, parce qu’elle parle au ventre, à l’origine. Nous savons tous qu’elle pourrait être le vecteur de grands bouleversements de notre destinée mais la question qui reste est de savoir si elle en est elle-même consciente?
Les années de guerre au Congo ont montré que les artistes musiciens ont plus que souvent accompagné les politiques meurtrières en gardant le silence. Si leur conscience parlait, nous l’aurions tous entendu, comme on entend Jean Goubald car des appels, des messages auraient passés lors des tournées africaines qui ne leur sont pas interdites. As-t-on entendu quoique ce soit? Oui, encore et toujours le silence. Ce dernier fait certes bouger les corps mais au fil des années il leur a enlevé toute conscience pour ne leur proposer que l’étourdissement comme remède à la douleur. Aussi, on se demande en quelle langue on doit lui parler pour qu’il entende les pleurs, la rage qu’il étouffe.
Dans un monde idéal, lorsqu’un train déraille, personne ne se hasarde à monter dedans au motif que ça serait un train national. Le danger étant clair on s’abstient, nul besoin d’un cordon de sécurité humain pour empêcher qui que ce soit, sauf à être un fou, de monter à bord. Pour certains Congolais, le fait de refuser que ce brouhaha aphone s’exporte sur les lieux où ils vivent tient en partie aux silences des artistes mais aussi parce que peut-être plus que quiconque, parce qu’ils l’ont intimement côtoyé en compagnie de ceux qui réclament son retour, ils savent combien la conscience congolaise est volatile et oublieuse en ce moment.
Dans un monde idéal, lorsqu’un train déraille, personne ne se hasarde à monter dedans au motif que ça serait un train national. Le danger étant clair on s’abstient, nul besoin d’un cordon de sécurité humain pour empêcher qui que ce soit, sauf à être un fou, de monter à bord. Pour certains Congolais, le fait de refuser que ce brouhaha aphone s’exporte sur les lieux où ils vivent tient en partie aux silences des artistes mais aussi parce que peut-être plus que quiconque, parce qu’ils l’ont intimement côtoyé en compagnie de ceux qui réclament son retour, ils savent combien la conscience congolaise est volatile et oublieuse en ce moment. Le soucis profond pour notre pays et les morts qui s’y égrainent chaque jour et qu’aucun boulier ne sait plus compter ne devrait avoir besoin d’aucun garde-fou, d’aucune interdiction pour prendre la mesure de la gravité des moments que l’on vit.
Pourquoi alors ne pas interroger ce manque d’engagement, d’organisation face à la tragédie et passer ses nerfs sur des gens pour qui ce combat là, un combat contre l’oubli, est une manière de montrer qu’ils n’acceptent pas ce qui se passe chez eux et qu’ils sont toujours debout? Qu’est-ce qui donne un motif de légèreté au Congo aujourd’hui? Les massacres ont-ils cessé? La volonté du peuple est respectée? Les gens mangent à leur faim, sont soignés correctement? Et entre nous soit dit, certes la musique est notre ADN mais elle est un art parmi d’autres. Des arts comme la peinture, la photographie, la danse, le cinéma, la littérature négligés avec militantisme et qui bien souvent sont de grands et puissants ambassadeurs du Congo, sont aussi là. Il est faux de faire croire aux gens parce que l’on en a assez de ce drame que l’art au Congo est assigné à ne résider que dans la mélopée. Aussi, pourquoi ne pas profiter de ces silences pour tendre l’oreille à ceux qui parlent autrement, et qui de plus questionnent?
Bénédicte Kumbi Ndjoko
P.S. La Porteuse de vie de Freddy Tsimba est à Chaillot, à Paris. Que ceux qui veulent donner libre voix, à la culture congolaise ne désemplissent surtout pas cet endroit.