Par Mufoncol Tshiyoyo
Dorénavant les Chinois et la Chine parleront au monde…
Ce n’est pas pour avoir vaincu le coronavirus dans un temps record, vu la taille de sa démographie, que la Chine aura désormais son mot à dire. Ce ne sera pas non plus pour s’être élevée au rang de puissance mondiale, dorénavant incontournable, que son adresse au monde pèsera plus. Même si le fait de s’affirmer comme puissance rajoute un plus à la Chine dans un monde dont le fonctionnement a toujours reposé, à tort ou à raison, sur la quête et l’assurance d’un leadership meneur, d’un « chef » et voire de plusieurs maîtres. Si hier, des phrases telles qu’« Après Rome, les États-Unis, ce sont le nouveau Rome » (Kissinger) avaient cours, elles perdent toute leur acuité aujourd’hui. Le même Henry Kissinger qui l’avait consigné dans sa thèse de doctorat a publié « De la Chine » (traduction française en 2012), aux éditions Fayard et dans lequel il célèbre la Chine en déclarant notamment : « Nul autre pays ne peut se vanter, [Kissinger à propos de la Chine], d’avoir connu une civilisation ininterrompue aussi longue, ni d’entretenir un lien aussi intime avec ses principes classiques de stratégie et d’art politique ». Je relève dans ce propos l’adjectif « ininterrompue ». C’est juste pour rappeler que chez nous en Afrique, ils font tout pour que notre « civilisation », puisque nous en avons une, ne soit continuelle, alors que c’est seulement dans la continuité que résident l’énergie et la puissance de renaissance.
L’affrontement sino-américain
Aujourd’hui, quand j’entends le chinois Lijian Zhao, le porte-parole et nouveau directeur de la direction de l’information au ministre de l’information chinois accuser les États-Unis d’être le pays d’origine du virus coronavirus, celui qui tue également en Occident, une lumière éclaircit mon visage. La Chine se met à parler parce qu’elle en a ras le bol. À dater de ce jour, elle a pris la résolution de communiquer et de communier avec l’opinion internationale. Son geste pourrait sonner banal, mais aux yeux de beaucoup d’observateurs intéressés, c’est également mon cas, le fait de toiser l’Amérique exprime un besoin pressant d’exister et de ne plus se laisser marcher sur les pieds. Ce faisant, elle met à mal l’arrogance des États-Unis réduites à la défensive. LA Chine oblige les USA à se défendre.
Que l’affrontement entre la Chine et les USA dure en longueur ou pas, la question reste de savoir ce que le mouvement actuel d’un monde changeant entrevoit pour nous au Congo ?
« Le département d’État américain a convoqué le vendredi 13 mars dernier l’ambassadeur de Chine aux États-Unis, Cui Tiankai », lit-on dans la presse, après les accusations portées par la Chine contre les États-Unis. Dans tous les cas, et peu importe que cela relève de la propagande ou pas, l’Occident ne cesse d’en user, et seul, à son bon gré. Or, « dans la vie politique, [comme aimait à dire Mitterrand] il faut être offensif, si on se défend, on a déjà perdu ». Convoquer un ambassadeur d’un pays, pour les USA qui ont toujours ignoré ce type d’accusation, c’est non seulement se placer sur la défensive, aussi affiché un état de faiblesse, alors que les USA déploient tous les efforts pour se maintenir dans la course. Le jeu est égal entre les deux puissances qui se mesureront dans les moindres détails à partir d’aujourd’hui.
Que l’affrontement entre la Chine et les USA dure en longueur ou pas, la question reste de savoir ce que le mouvement actuel d’un monde changeant entrevoit pour nous au Congo ? Dans le cas de figure, et ce pour des raisons de stratégie, les USA, sauf s’ils étaient menacés, n’ont aucun intérêt à abandonner l’instrumentalisation des Tutsis et le mercenariat de Paul Kagame dans la région. Ils s’en serviront aussi longtemps que la crainte de voir la Chine, dans sa boulimie, mettre main basse sur les richesses du sous-sol congolais. La tendance persistante à la balkanisation du Congo demeure un leitmotiv de survie pour des nations sur le qui-vive. Malheureusement, le pouvoir-os au Congo n’est habilité à ne rien voir venir. Sa nature ne le prédispose à cet exercice d’autonomie et d’intelligence, et ce, quelle que soit la tête de l’individu placé à sa direction. Les Chinois n’accepteront pas non plus que le sous-sol congolais demeure uniquement la chasse gardée de Yankees.
Sortons de notre léthargie
Pour le moment, du Congo, il n’est question que de son sous-sol, car les humains qui y habitent, et qui ne sont vénérés comme tels, ne peuvent servir que de main-d’œuvre, et à bon marché en plus, des populations inutiles (sans cesse massacrées). En général, la situation dans les Grands Lacs est de loin comparable à celle qui a prévalu durant la guerre froide (URSS et Occident, deux puissances qui se connaissent pour avoir affronté et défait ensemble les Nazis). Ce n’est pas le cas de la Chine et des USA aujourd’hui, même si cela lui ressemblait un peu plus.
En Afrique, il y a une nouvelle donne, le recours à la séparation ethnique transversale : l’arme Tutsie utilisée en partance d’un pays africain donné (le Rwanda), qui traverse des frontières pour dominer d’autres populations noires, étiquetées Bantous pour les besoins de la cause dans un autre pays noir. Les manipulations dépassent les frontières étatiques établies. Le conflit ethnique entretenu, à dessein, cesse d’être interne (à l’intérieur d’un même pays) et s’exporte dans des pays environnants.
Sortons de notre léthargie en imposant l’impensable aux uns et aux autres, en osant l’impossible et s’il le faut, infliger la souffrance à notre peuple dans l’espoir d’asseoir une identité communément partagée. Le jeu, pour moi, en vaut la chandelle.
Comment faire face à une crise multidimensionnelle pendant que les Tutsis refusent de se considérer comme des populations noires et revendiquent, instrumentalisés, des terres qui appartiennent aux autres peuples noirs ? L’annonce est pourtant simple. Qui fait l’ange, fait la bête, stipule un adage. « Les mouvements de populations dans l’histoire du monde ont toujours été des actes de guerre ». Voilà qui me pousse à crier presque : Sortons de notre léthargie en imposant l’impensable aux uns et aux autres, en osant l’impossible et s’il le faut, infliger la souffrance à notre peuple dans l’espoir d’asseoir une identité communément partagée. Le jeu, pour moi, en vaut la chandelle.
Comme conclusion, en paraphrasant John F. Kennedy, je me dis que « les problèmes du monde ne peuvent être résolus par des sceptiques ou des cyniques dont les horizons se limitent aux réalités évidentes. Nous avons besoin d’hommes et de femmes capables d’imaginer ce qui n’a jamais existé ». Les routes, les voitures, dans les circonstances de lutte, n’impressionnent que des imbéciles. Nous sommes condamnés à Inventer un autre mode de combat, ce qui n’a pas été conçu jusque-là. C’est uniquement de cette manière que nous, Congolais, saurons si nous méritons notre place au soleil.
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Un homme libre et un dissident