L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte le faux processus électorale engagé au Congo, analyse la non représentativité des acteurs politiques et les conséquences qui en résultent et expose les enjeux du dialogue. Il explique également pourquoi certains d’entre nous en renoncer à leur dignité et pourquoi nous devons refonder la pensée (politique) congolaise.
Sur la fausse piste du processus électoral
Quels sont les problèmes liés aux élections ? De quelles élections est-il question ? Nous sommes dans un faux processus électoral. Chercher à normaliser ce problème là sans résoudre certaines problèmes sérieux auxquels le pays est confronté, depuis plus de 20 ans, c’est faire le jeu de ceux qui cherchent à balkaniser le Congo, à s’emparer de ses terres et à en faire tout simplement un réservoir des matières premières.
La question essentielle au Congo est celle du dépeuplement de ses terres. Ses fils et ses filles sont en train d’être tués et chassés de leurs terres, qui sont ensuite occupés par les habitants des pays voisins, cela dure depuis plus de 20 ans. Il n’y a jamais eu un début de justice pour pouvoir réparer cela. Alors quand on nous parle aujourd’hui d’un processus électoral biaisé dans lesquels interviennent les groupes armés criminels qui ont mis ce pays sans dessus dessous, cela montre que nous sommes partis sur une mauvaise piste.
Sur la non représentativité des acteurs politiques et le sens du dialogue
Il n’y a pas de politique au Congo. La plupart des compatriotes congolais et africains qui s’agitent autour de ce dialogue n’ont presque pas d’assise populaire au Congo. Il y a une cassure pure et simple, entre les femmes et hommes politique congolais, et les masses populaires. Ces gens là pour la plupart ne sont pas représentatifs des intérêts des masses populaires congolaises. Ils sont pour la plupart représentatifs de leurs propres intérêts égoïstes. Il y a politique là où ceux qui estiment être les gouvernants ont reçu mandat des masses populaires, auxquelles ils restent attachés par une reddition des comptes.
Les questions que le peuple se pose à la base, ne sont pas reprises par ces messieurs là pour être débattus, avec ce même peuple de façon, à aboutir à des solutions consensuelles.
Ce qui va se passer, c’est un arrangement, entre copains et coquins, ils vont voir comment toucher le per diem au cours de ce dialogue, comment se redistribuer les postes au sein desquels ils vont jouer le rôle de nègres de service des multinationales et des transnationales tout en mentant à nos populations qu’ils font dans la politique.
Sur les enjeux du dialogue
On va négocier avec qui et pourquoi ? On va négocier autour de quelles questions ? Négocier sur la tenue des élections, mais des élections pour quoi faire ? Il y a un problème sérieux, celui de l’invasion et de l’infiltration du pays. Mes amis et moi estimons que le fameux dialogue comme le fameux processus électoral rentre dans la distraction pour pouvoir éviter d’aller vers des questions essentielles et parachever le processus de balkanisation du Congo. Et pour rappel, c’est pour avoir abordé cette question là, en fustigeant le fait que ceux qui travaillent à la balkanisation du Congo le font avec la complicité de ceux qui estiment être aux affaires à Kinshasa, que le père Vincent Machozi a été assassiné. Si nous étions dans un pays sérieux, nous reviendrions sur son assassinat et sur les questions qu’il a soulevées.
Ceux qui veulent aller aux élections y vont pour confirmer dans le rôle des destructeurs du pays les criminels qui ont infiltré le Congo avec des groupes armés et étrangers.
Sur Kabila
Il y en a qui estiment que Kabila est le président du Congo et qu’il veut se maintenir au pouvoir. Nous nous faisons partie de ceux qui estiment que Kabila n’est pas le président du Congo, c’est un cheval de Troie qui joue un rôle destructeur au Congo. Kabila agit en tant que gangster, pas en tant que chef d’Etat. Quand on a passé toute sa vie dans un contexte de violence, on est dégradé mentalement, psychologiquement, moralement et spirituellement ; On tombe dans l’abrutissement et on pose des actes d’oppression et d’agression, parce qu’on est soi-même, victime consentante ou inconsciente d’un système permanent de violence.
Kabila voudrait montrer qu’il n’a pas d’équivalent dans ce rôle de destructeur du Congo. Pendant combien de temps cela va encore durer ? C’est l’enjeu de la transition. Mais ce n’est pas une transition politique, c’est du temps donné à des mafieux et à des groupes armés criminels de pouvoir parachever la balkanisation du Congo et le dépeuplement des terres congolaises.
Sur la défaite de la pensée
Après 32 ans de dictature de Mobutu, après près de 20 ans du régime Kabila, il y a des congolais et des congolaises qui ont crié à leur défaite intellectuelle, morale et psychologique. Ils donnent l’impression de vivre, mais ils ont déjà déposé les armes. Ils ne savent même plus pourquoi, en tant que congolais, on devrait lutter aujourd’hui. Il y a, à la fois, une fatigue morale et intellectuelle, ainsi qu’une défaite de la pensée. Et cette défaite de la pensée ne peut pas favoriser une relance politique qui aille dans le sens du recouvrement de la souveraineté du pays, de la lutte pour les terres et contre la balkanisation du pays. On crée de la distraction autour des élections, autour du dialogue, et on passe à côté des questions essentielles.
Voilà pourquoi il faut refonder la pensée pour pouvoir refonder l’Etat et opérer une rupture avec tout le blabla actuel.
Sur la pluralité de la pensée
Nous devons refonder la politique sur les collectifs citoyens à la base, sur les masses paysannes collées à leurs terres, pour pouvoir en faire dans le renversement des rapports de force, les démiurges de leur destinée. Quand vous écoutez ce qui se passe, il n’y a pas de lutte pour pouvoir renverser les rapports de force, qui nous sont, jusqu’à ce jour, défavorables.
Ce qui étonne au Congo, c’est que ceux qui sont usés n’acceptent pas une pluralité de la pensée. Ils prendraient conscience que du fait que point de vue de la pensée, ils sont fatigués, ils n’ont plus tellement d’énergie à mettre au service d’une pensée révolutionnaire au Congo, qu’ils ouvrent l’espace à la pluralité de la pensée, de façon que nos masses puissent être informées, éduquées et conscientisées afin qu’elles fassent irruption dans l’arène politique du pays. Non. On dirait qu’au même moment, qu’ils sont fatigués et usés, ils quadrillent et ferment l’espace politique pour poursuivre le processus d’abrutissement et de dégradation des masses populaires.
Sur le suivi des recommandations des concertations nationales
Vous avez beau prendre des résolutions, mais comme vous n’êtes pas souverain, comme vous n’êtes pas maîtres, comme vous n’êtes pas les responsables de votre espace politique et économiques, vous ne saurez pas les mettre en application. Vous dépendez des autres, vous êtes téléguidés, vous êtes dans un rôle de marionnettes infiltrés dans un pays pour le détruire. Par conséquent, les résolutions que vous prenez, c‘est pour faire illusion.
Sur la dignité
On ne peut pas remettre nos échecs sur le dos de l’oralité. Notre société de l’oralité était fondée sur le respect de la parole donnée. Il y a davantage un problème de la corruption des coeurs et des esprits. Sommes-nous encore des humains qui tiennent compte de notre dignité, et du respect de la parole donnée. On ne donne pas sa parole quand on n’est pas capable de la respecter. Il peut nous arriver de nous tromper, mais vous ne pouvez pas passer pendant toute une histoire, écrire des textes, prendre des recommandations, ne pas les appliquer. Et accuser l’oralité. Non. Ce qu’il faut accuser c’est cette corruption éthique des coeurs et des esprits des gens qui sont devenus des zombies, qui ne sont plus eux-mêmes, qui ont perdu et vendu leur âme et leur dignité. En disant cela, nous montrons notre responsabilité. Mais cette responsabilité doit être située au niveau des différentes fonctions que nous assumons dans notre pays. Vous n’allez pas me faire croire que ma mère qui est au village, a une même part de responsabilité que ceux qui ont usurpé le pouvoir.
Nous avons aujourd’hui beaucoup de compatriotes qui se complaisent dans la condition de sous-fifres. Il y a une renonciation consciente, ou inconsciente, à notre être humain. Nous ne voulons pas payer le prix qu’il faut pour rompre avec ce rôle supplétif et de nègre de service. Nous avons peur de payer le prix.