Par Jean-Pierre Mbelu
Dialoguer est une bonne chose en soi. D’ailleurs, les Congolais(es) dialoguent de manière informelle et en permanence. Plusieurs sont réticents par rapport aux dialogues formalisés. Pourquoi les résolutions prises lors des dialogues organisés depuis 1998 n’ont-elles pas vu le début de leur mise en pratique, s’interrogent-ils ? Qu’est-ce qui pourrait nous convaincre que cette fois-ci sera la bonne ?
Les Congolais(es) dialoguent chaque jour sur Internet sur les questions essentielles de leur pays. Depuis la guerre de l’AFDL, à travers leurs échanges quotidiens, les Congolais(es) ont réussi à déchiffrer l’un des plus gros mensonges de leur histoire : une guerre d’agression et de basse intensité leur a été vendue comme étant « une guerre de libération ». A travers leurs échanges permanents, ils ont réussi à identifier les acteurs pléniers de cette « guerre secrète » et permanente ainsi que leurs marionnettes.
Depuis les années 90, il s’est constitué « un réseau d’élite » transnational de prédation pillant, volant et dévastant les terres congolaises. Ce réseau de nouveaux prédateurs a concentré toute la richesse de notre pays entre ses mains aux dépens de nos masses populaires paupérisées à souhait. Ce 1% de Congolais(es) allié des multinationales et des autres mafieux du monde entier a réussi à se reproduire au sein des institutions et structures étatiques de notre pays en entretenant une violence structurelle ensauvageante. Plusieurs rapports des experts de l’ONU, les commissions Lutundula et Bakandeja, les différents mémos des ONG de la société civile congolaise, plusieurs livres rédigés sur notre commune tragédie témoignent de cet ensauvagement et de son entretien par les différentes milices fabriquées par Paul Kagame, Yoweri Museveni et leur « cheval de Troie » opérant à partir de Kinshasa.
Inviter les Congolais(es) à rompre avec le style informel de leur dialogue permanent pour un autre plus formalisé ne saurait, au jour d’aujourd’hui, faire l’économie de toute cette histoire « officielle » faite de mensonge, de violence, d’enrichissement illicite et de plusieurs millions de morts.
Appeler à la cohésion nationale en faisant fi de cette histoire (et du hold-up électoral), c’est surfer sur l’amnésie dans laquelle se vautrent certains esprits affaiblis parmi nous. Or, de plus en plus de compatriotes sont d’avis qu’ « un peuple sans mémoire ne peut pas être un peuple libre ».
Appeler au dialogue aujourd’hui exigerait des études préalables sur les forces de la mort ayant travaillé à l’échec de la mise en pratique de toutes les résolutions prises au cours des dialogues précédents. Qui pourrait se risquer sur cette voix parmi les usurpateurs actuels du pouvoir à Kinshasa ? Prenons un exemple. Pourquoi la Commission (Justice,), Vérité et Réconciliation n’a-t-elle pas pu être mise convenablement sur pied alors qu’elle faisait partie des recommandations de l’un des dialogues ? Une autre question : « Pourquoi n’avons-nous pas une armée disciplinée et républicaine jusqu’à ce jour ? »
Depuis la guerre de l’AFDL (et même un peu avant), nos masses populaires ont été exclues du banquet de la vie par « les vieux dinosaures » mobutistes et « les nouveaux prédateurs » kabilistes. Ces derniers les ont pris en otage. Ils constituent « petite bourgeoisie compradore » soucieuse de préserver à jamais ses privilèges en travaillant au sein d’un réseau transnational de prédation axé sur un capitalisme cynique et sénile.
« Les vieux dinosaures » et « les nouveaux prédateurs » se reproduisent au sein d’un système dont ils semblent maîtriser les rouages et la clientèle. C’est cette alliance contre-productive pour nos masses populaires qu’il sied de détruire. Cette alliance peut-elle se prêter à un dialogue franc et sincère ? Nous en doutons sérieusement ! A moins qu’elle y soit forcée par des masses populaires transformées en « démiurges » de leur destin ; des masses critiques jouissant d’une bonne dose de connaissance de notre commune histoire collective !
En attendant, multiplier les lieux informels de notre dialogue permanent et les mettre en synergie, créer des structures parallèles à celles prises en otage par l’alliance précitée peut se révéler efficace pour l’avènement d’un autre Congo. A terme.
Mbelu Babanya Kabudi