Par Mufoncol Tshiyoyo
Séduits et envoûtés par l’Occident, une catégorie de congolais ne fait jamais progresser la cause congolaise. Et ce nonobstant leurs carnets d’adresse et autres supposées entrées auprès de leur maitre respectif. L’état du pays ne fait que s’empirer et s’enfonce chaque jour dans le marais. On en peut plus, plus, plus… C’est pourquoi on apporte à notre jeunesse du feu pour brûler la baraque.
Depuis 1885, justement pour situer le fait dans sa durée historique, l’Occident, en s’emparant de la terre Congo-Kinshasa, a engagé l’homme congolais dans une relation presque « forcée » avec l’« Autre ». Et l’« Autre » ici, c’est l’Occident lui-même. La particularité avec cette relation est le fait que l’Occident qui impose son ombre à l’homme congolais s’est taillé sur mesure le bon rôle, celui du maître qui serait à la fois « indispensable » et « indépassable ». En revanche, et en observant de près l’homme congolais d’aujourd’hui dans son agir, celui-ci n’a pas l’air de s’en préoccuper. C’est comme s’il s’est laissé convaincre que sa relation avec l’Occident n’a jamais influé ou n’influence son devenir, son vécu quotidien quand il est notoirement connu que le Congolais ne saurait gouverner le Congo-Kinshasa sans que l’Occident « indispensable » et « indépassable » ne trouve, et le justifie, son mot à dire. Et cela se passe souvent sans que le Congolais, caressé pour le besoin de la cause dans le sens du poil, ne se rende effectivement compte de sa propre instrumentalisation.
Nier son aliénation rentre dans le processus de l’évolution de sa souffrance
Par ailleurs, je trouve assez drôle que l’homme instrumentalisé tente de nier son instrumentalisation quand tout en lui, et en dehors de lui, indique justement le contraire. En effet, c’est le stade avancé de son aliénation qui, en obstruant l’intelligence de l’homme aliéné, lui fait malheureusement adopter un comportement dérangeant. Le fait même de nier son aliénation rentre dans le processus de l’évolution de sa souffrance. Et c’est cette raison qui justifie l’absence dans le débat congolais de la relation de l’homme congolais avec l’Occident comme objet de discussion, de compréhension, d’études, d’attention particulière.
L’homme congolais a plus affaire à l’Occident qu’à lui-même. C’est l’Occident qui, en instrumentalisant les uns et les autres, constitue le nœud du problème congolais. Jamais le contraire. Par conséquent, le fait de ne pas parler de lui, d’en faire un sujet unique de notre lutte, est non seulement une faute grave mais un crime.
On préfère plus parler de « Joseph Kabila », mais en niant le fait que son nom, et même le fait qu’il soit où il est placé soit en effet l’expression même de la volonté manifeste et nuisible de l’Autre, de son ombre. Malheureusement, pour contenter le « maître » et justifie son omniprésence, ses « esclaves » choisissent, et ce de commun accord, de parler plutôt d’absence de démocratie, du droit de l’homme, des élections qui doivent en plus être financées et contrôlées par le « maitre » et patati patata. Dans cette foire, tout est agencé de manière à ce que le Congolais ne puisse clairement se poser et poser la problématique de la fin de cette relation -dépendance à autrui. Comment dès lors en parler, et avec qui quand cet argument même est ironisé ? Je voudrais que l’on inscrive à l’ordre du jour.
Aujourd’hui, au Congo-Kinshasa, il y a deux camps. D’abord, celui qui est représenté par les tenants de l’ordre actuel, tel qu’il se conçoit et s’opère. Il s’agit des forces qui font vivre et assurent la pérennité de l’ordre actuel des choses. Et il comprend en son sein deux parties, notamment les représentants du « pouvoir-os » (mokua en lingala), et que tout le monde nomme « gouvernement », et l’« opposition » à ce genre de « pouvoir-os ». La particularité de sa principale caractéristique est d’être populaire outre le fait de vouloir à tout prix « gouverner » comme alternance au sein du même système représentatif. Pour cette première partie, la permanence de la relation avec l’Occident la rend « privilégiée ». Donc, il y a lieu de la protéger. Car, selon cette vision, le Congo-Kinshasa reste et restera dans le juron de l’Occident. Tandis que l’autre camp est composé du « petit reste », justement une infime minorité, qui juge questionnable la relation de l’Occident imposée à l’homme congolais. Et à la limite, il la trouve anormale.
Des relations supposées privilégiées (?)
Parmi ceux qui entonnent cette complainte, nombreux ne jurent que sur « leur » maître. Tous espèrent et attendent recevoir « tout » du « maître », notamment la gestion tant convoitée du « pouvoir-os », les « finances », parce qu’elles vont avec, la protection du maître que tout le monde se dispute, voire sa reconnaissance. C’est dans ce cadre que s’inscrivent tous les scenarii qui se jouent actuellement au Congo-Kinshasa. Dans ce pays, tout le monde se proclame et s’affiche comme « ami », « partenaire » et « allié » avant tout de l’Occident. Et pour ce faire, chaque camp ne ménage aucun effort pour démontrer au « maître », « indispensable » et « indépassable », ô combien chacun peut servir de meilleur élève par rapport à l’autre.
L’homme congolais a plus affaire à l’Occident qu’à lui-même. C’est l’Occident qui, en instrumentalisant les uns et les autres, constitue le nœud du problème congolais. Jamais le contraire. Par conséquent, le fait de ne pas parler de lui, d’en faire un sujet unique de notre lutte, est non seulement une faute grave mais un crime.
C’est ainsi qu’on apprend chaque jour qu’un tel groupe s’est rendu, et c’est à tour de rôle, qui à New York, qui à Washington, qui à Paris, qui à Bruxelles. La présence » et les déboires de Monsieur Raymond Tshibanda, du camp du « pouvoir-os », à Washington sont un sujet de conversation dans des salons. Les visites et les selfies de l’autre camp circulent aussi dans les médias sociaux. Les Congolais de tout bord, et qui s’avouent vaincus, se rendent à Canossa, et ce auprès du même maître, pour mendier sa pitié et son intervention. Le comble, c’est que le public s’en réjouit et le réclame. Sauf que personne ne comprend que le fait même de se déplacer pour Washington, et pour aller y parler, – présenter et défendre son point de vue sur la politique Congo-congolaise-, est un marqueur révélateur. Il atteste que la politique au Congo-Kinshasa se joue et se décide sous d’autres cieux, ailleurs et par d’autres instances non-congolaises.
Ce n’est donc jamais au Congo-Kinshasa même, par et avec des Congolais que tout prend corps. Même si beaucoup de ceux qui sont en costumes se font passer pour des « hommes politiques » et « décideurs » de la chose publique congolaise. Voilà ce qui nous fait dire que l’homme congolais a plus affaire à l’Occident qu’à lui-même. C’est l’Occident qui, en instrumentalisant les uns et les autres, constitue le nœud du problème congolais. Jamais le contraire. Par conséquent, le fait de ne pas parler de lui, d’en faire un sujet unique de notre lutte, est non seulement une faute grave mais un crime.
C’est aussi une des raisons qui expliquent que l’on puisse questionner la régularité et l’importance du dialogue entre congolais quand on sait que son résultat final, et ce quelle qu’en soit sa nature, devrait avant tout arracher l’aval du « maître », celui auquel tout le monde au Congo se soumet complaisamment. Et je ne sais plus si on devait parler d’aval ou tout simplement de volonté du maître exprimée et imposée à ses sujets.
Séduits et envoûtés par l’Occident, cette catégorie des congolais ne fait jamais progresser la cause congolaise. Et ce nonobstant leurs carnets d’adresse et autres supposées entrées auprès de leur maitre respectif. L’état du pays ne fait que s’empirer et s’enfonce chaque jour dans le marais. On en peut plus, plus, plus…C’est pourquoi on apporte à notre jeunesse du feu pour brûler la baraque.
Des relations troubles
Une relation, et ce pour qu’elle fonctionne normalement, suppose deux ou plusieurs parties au préalable. C’est de leur mutuelle collaboration que dépend la bonne santé relationnelle. Mais dans le cadre de la relation de l’homme congolais à l’Occident, il a toujours été demandé à la partie, la moins nantie, de supporter seule le poids de toute la relation, d’obéir à la hiérarchie verticale imposée et des fois de disparaître, de ne pas exister.
C’est de bonne guerre, dira-t-on. Le mal est que c’est souvent sans contrepartie. Qu’est-ce qu’on constate ? Ça a toujours été la faute de l’homme congolais. ce dernier est accusé de tous les péchés du monde. Et même le nouveau venu, le Rwandais Paul Kagamé, y compris les siens, ironisent sur l’homme congolais. Il semble que pour tous ces gens, le Congolais serait « assez moins brillant », pas du tout entreprenant, pas motivé. Sa place serait dans le champ et dans les puits de mines travaillant comme esclaves pour les autres, entendez le maître et ses hommes de paille. C’est très rare que l’Occident fasse objet de la même accusation, de la même nature.
Bon Dieu, qui sont les grandes entreprises qui contrôlent et exploitent les minerais au Congo ? Qui forment en effet les soldats congolais ? Je ne pleure pas et je ne voudrais pas en donner l’impression sauf que je cherche à comprendre et à saisir le pourquoi de l’humiliation de l’homme congolais dont la gestion a été confiée par l’Occident à une ethnie Rwando-ougandaise. La réponse se trouverait-elle dans notre attitude béate et bon enfant à l’égard de l’« Autre » ?
Est-ce que l’homme congolais serait assez point nul pour que l’Occident ait préféré « travailler » au Congo-Kinshasa avec les Tutsis du Rwanda et de l’Ouganda en lieu et place du congolais lui-même ? Qu’est-ce que le peuple congolais n’a pas enduré au bénéfice de l’Occident ? N’avons-nous pas laissé Lumumba être tué par l’Occident ? N’avons-nous pas par la suite accepté et toléré Mobutu, qui fut avant tout le résultat du choix édicté par et pour les intérêts de l’Occident au Congo ? Quid de LDK, de son avènement et plus tard de son assassinat ? C’est au parlement européen, et de la bouche même d’un député européen, que l’on apprend que la Belgique a fait assassiner Laurent Désiré Kabila sans qu’aucune voix congolaise ne s’élevât pour justement le dénoncer.
Alors que c’est dans ce même parlement européen que siège une dame congolo-italienne qui a toujours, et avec raison, dénoncé les abus du pouvoir-os. Tout d’un coup sa voix s’éteint quand il s’agit de nommer au sein du même hémicycle les crimes commis par l’Occident au Congo. Les Congolais par Jean Pierre Bemba ont déjà « accepté l’inacceptable » pendant que l’auteur de la déclaration passe ses jours et nuits à la Haye. Je me demande si nous ne crions pas assez FMI, Banque Mondiale et ONU. Bon Dieu, qui sont les grandes entreprises qui contrôlent et exploitent les minerais au Congo ? Qui forment en effet les soldats congolais ? Je ne pleure pas et je ne voudrais pas en donner l’impression sauf que je cherche à comprendre et à saisir le pourquoi de l’humiliation de l’homme congolais dont la gestion a été confiée par l’Occident à une ethnie Rwando-ougandaise. La réponse se trouverait-elle dans notre attitude béate et bon enfant à l’égard de l’« Autre » ?
La gestion de la terre Congo par les Congolais
Il est souvent reproché aux Congolais qui questionnent la relation avec l’Occident de ne jamais proposer quelque chose d’autre en lieu et place de cette même relation. La « lutte armée » est balayée. Pour les tenants de son refus, l’homme congolais serait né « inoffensif », « pacificateur » et « adorateur » de Dieu, de l’éthique et la paix entre les hommes. L’argument d’une révolution des masses et populaires est ironisé à son tour au motif que les Congolais ne sont pas encore un peuple. Par conséquent, ils ne pourraient se mesurer aux « puissances » de ce monde, selon l’état d’esprit de ceux qui portent ces critiques. Dans tous les cas de figure, la finalité sera et reste la rencontre de l’homme congolais avec l’occident comme adversaire.
Et sur ce sujet, à dire vrai, personne n’a jamais été contre le fait de rencontrer l’Occident. Et même de lui parler. En effet, ce n’est pas le fait de rencontrer l’Occident qui poserait problème. Mais c’est plutôt ce qu’on a à lui dire qui importe le plus quand on va à sa rencontre, et je souligne on va à sa rencontre et non lui de venir vers nous. De quoi parle-t-on avec lui ? De « Joseph Kabila », des élections, de prisonniers politiques, de morts congolais ? Et s’y prendre façon, c’est faire comme si l’Occident serait absolument étranger à tout ce qui arrive à l’homme congolais. Ce qui lui sans sa propre résistance.
Ce temps est venu de nous engager publiquement et officiellement dans une situation de rapport de force qui aura comme finalité d’arracher à l’Occident une forme de « table de ronde » ou de « Yalta », mais qui réunira deux camps face à face, d’un côté il y aura l’homme congolais et de l’autre, l’Occident représenté dans son ensemble pour y débattre de la gestion du Congo.
Il y a un autre facteur qui entre en jeu et qui plus est négligé. Il s’agit de comment la rencontre avec l’Occident a lieu, de comment elle est obtenue, dans quelles circonstances elle s’organise. Peu en tiennent compte, en particulier ceux qui se prennent des selfies avec leurs fréquentations. Ils se connaissent et les masses populaires les adore. Quelqu’un a dit : « c’est une chose assez hideuse que le succès. Sa fausse ressemblance avec le mérite trompe les hommes. »
L’homme congolais doit « s’organiser » avec intention et mission de rencontrer demain l’Occident et parler avec lui. Dans son agenda, il sera question de lui parler du Congo-Kinshasa, uniquement de la gestion de la terre Congo par les Congolais. Ce temps est venu de nous engager publiquement et officiellement dans une situation de rapport de force qui aura comme finalité d’arracher à l’Occident une forme de « table de ronde » ou de « Yalta », mais qui réunira deux camps face à face, d’un côté il y aura l’homme congolais et de l’autre, l’Occident représenté dans son ensemble pour y débattre de la gestion du Congo. On pourra y associer d’acteurs acteurs qui comptent aujourd’hui dans l’histoire autour de la même table. C’est du moins une des voies, et ce parmi tant d’autres. Néanmoins, comme les Anglo-Saxons joueurs de billard, les Congolais doivent aussi apprendre à jouer plusieurs balles à la fois même quand ils sont engagés dans une voie particulière. Ce ne sera jamais l’affaire d’un seul parti, d’un camp quelconque, mais de l’homme congolais.
Likambo ya mabele.
Mufoncol Tshiyoyo