L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu expose le paradoxe des acteurs politiques congolais, suggère des pistes pour rompre avec le processus mensonger et biaisé qui prévaut en RDC, nous invite à nous engager et à exceller dans la bataille des idées. Et explique pourquoi nous devons créer et organiser, nous-mêmes, les moyens matériels de notre émancipation politique.
Sur le paradoxe des acteurs politiques congolais
Ceux que nous estimons être les acteurs politiques sur la scène publique congolaise et dans les institutions congolaises ne semblent pas prendre la mesure de l’apport de l’actualité de l’Afrique des Grands Lacs telle qu’elle est en train d’être produite aujourd’hui dans plusieurs médias alternatifs.
Les acteurs politiques congolais, de la majorité comme de l’opposition, sont en train d’évoluer dans un processus corrompu, mensonger, biaisé dès le départ. Comment veulent-ils, au sein d’un processus fondé sur le vide éthique, récolter des résultats éthiques probants ? C’est ce paradoxe là que les acteurs politiques congolais ne semblent pas percevoir.
Il y a comme un entêtement, de part et d’autre, majorité et opposition, à vouloir foncer tout droit dans le mur, en entretenant un processus conçu par autrui, pour autrui. Tant qu’une rupture simple et nette n’aura pas été opérée pour que le Congo puisse être rebâti sur de nouvelles bases, ils vont se battre et s’entretuer dans l’hémicycle, et demain, il y aura le M27 ou le M24, les faux ADF, etc. pour que le Congo s’enfonce davantage dans le gouffre sans fond dans lequel il se trouve aujourd’hui.
Sur la rupture avec le processus mensonger en RDC
La guerre de prédation et de basse intensité menée contre le Congo-Kinshasa n’avait pas pour objectif de pouvoir installer la démocratie dans ce pays. Elle avait comme objectif de pouvoir faire main basse sur les minerais stratégiques dont dispose ce pays. Pour pouvoir atteindre cet objectif, les acteurs pléniers, ayant orchestré cette guerre, ont engagé des mercenaires rwandais, ougandais, congolais, burundais, anglais et américains… Ce sont ces mercenaires, qui pour la plupart, ont envahi les institutions congolaises aujourd’hui.
Comment rompre avec un processus qui a injecté des mercenaires dans les institutions congolaises pour que les multinationales mortifères fassent main basse sur les ressources stratégiques du Congo, pour passer à un autre processus ?
La réponse serait de créer un front congolais uni pour un Congo libre et prospère où les filles et les fils du pays, responsables en conscience, travailleraient main dans la main pour initier un autre processus idoine capable de rompre avec le statu quo.
Sur la bataille des idées
La bataille des idées n’est pas très engagée au sein des institutions congolaises et de la classe politique congolaise.
Il faudrait que, petit à petit, nous soyons plusieurs compatriotes à exceller dans la bataille des idées, tout en garantissant à cette bataille, les moyens matériels, spirituels, et culturels dont elle a besoin pour devenir une chasse gardée des masses populaires congolaises.
C’est vers cela que nous devrions un peu plus aller plutôt que nous laisser berner les partisans du statu quo, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition politique.
Sur la criminalisation des congolais
N’oublions pas ceci : La criminalisation des congolais doit être examinée en profondeur.
Quand vous avez subi un matraquage psychologique, intellectuel de plus de 500 ans, quand vous avez été décervelés en vivant dans des systèmes vidés de toutes leurs substances, quand vos cœurs et vos esprits ont été mangés par le mensonge, la cupidité, l’avarice, le mépris de l’altérité telle qu’il est entretenu par les acteurs pléniers de la descente aux enfers du Congo, il faudrait vraiment recréer les lieux de savoir pour faire le point.
Si nous ne gagnons pas cette bataille de la remise en question, au sein des espaces de réflexion, si nous n’allons pas vers nos intellectuels subversifs qui continuent à produire de la littérature et à nous fournir de la bonne documentation comme ils le font aujourd’hui, nous n’avancerons pas comme peuple.
Ceux qui, de l’extérieur, nous ont placé dans la situation qui est la notre aujourd’hui, ont eu recours à une longue tradition de la bataille des idées.Ils ont financé des fondations, ils ont créé des think-tanks qu’ils financent encore. Donc, si nous n’excellons pas dans cette bataille des idées, pour que les idées reçues puissent être remplacées dans nos têtes, dans nos cœurs, dans nos esprits, par de nouvelles idées, claires et nettes, nous n’avancerons pas beaucoup.
Il ne suffit pas d’avoir des partis politiques pour avancer. Encore faudrait parvenir à donner à ces partis, une substance idéologique capable de faire avancer tout le Congo.
Sur la démission de Muyambo de la majorité présidentielle
Comment peut-on, en étant président d’un parti politique, se décider dans un avion sans avoir pris le temps d’étudier la question avec ses collaborateurs et autres membres du parti ?
La procédure semble trahir le fonctionnement de plusieurs partis politiques congolais : Le parti est lié au chef, et le chef peut en faire ce qu’il veut.
Il est aussi important aujourd’hui que les partis politiques congolais puissent être revus en profondeur du point de vue de leur fonctionnement.
Un acteur politique se doit d’avoir les nerfs froids avant de réagir. Et puis, au lieu de dire qu’il rentre en opposition totale contre l’autorité morale de sa majorité, il devrait rejoindre les résistants au système néolibéral ayant pris en otage les institutions congolaises aujourd’hui.
Sur la maîtrise de son histoire
Nous avons une chance énorme aujourd’hui, nous congolais. Nous avons des compatriotes qui rentrent dans tous les cercles où le cas du Congo est traité. Les acteurs pléniers de la descente aux enfers du Congo dispose de l’argent et des médias. Ils connaissent la faiblesse de plusieurs d’entre nous et savent qu’ils peuvent se servir de l’argent pour les corrompre et orienter l’avenir du pays à leur guise.
Or quand on examine de plus près la provenance de cet argent là, on se rend compte que ce sont les mêmes qui ont décidé un peu avant 1960 de prendre le Congo pour quelques décennies, ce sont les mêmes qui ont financé les mercenaires qui sont venus du Rwanda et de l’Ouganda pour mettre le pays à plat, ce sont les mêmes qui sont avec les partis politiques congolais dans un programme dénommé ‘tomikotisa’, ce sont les mêmes qui aujourd’hui donnent des sous aux congolais pour pouvoir réaliser leurs vues sur le Congo.
Comment ces congolais peuvent-ils vouloir répéter les mêmes travers que certains d’entre nous ont commis en 1960/1961, d’autres en 1996/1997, d’autres encore le 16 janvier 2001 ?
Nous ne parvenons pas à rompre de ce cycle parce que nous n’avons pas pu, par nous-mêmes, organiser les moyens matériels de noter émancipation politique. Si nous ne comprenons pas cela, nous risquons, pendant longtemps, d’être les esclaves des maîtres du monde. Si nous ne récupérons pas demain notre initiative historique pour devenir les véritables acteurs de notre propre destinée, nous risquons d’en souffrir à long terme.