L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte les mécanismes de soumission du peuple congolais, appelle à une rupture avec le statu quo, montre comment la facilitation d’Edem Kodjo au Congo n’aboutira à rien de sérieux, et explique pourquoi l’illusion démocratique congolaise est en train d’étaler au grand jour ses limites.
Sur la mission de facilitateur d’Edem Kodjo
Tout ce qu’il fera, c’est peut-être entraîner les plus naïfs d’entre les congolais dans un processus corrumpu d’avance, un processus qui n’avancera pas le pays, si nous allons au fond des choses dans l’analyse. Qu’est-ce qu’Edem Kodjo va faire ? Va-t-il réussir à exiger, par exemple, avant ce fameux dialogue, que ceux qui ont participé aux concertations nationales disent ce qu’ils ont fait des recommandations arrêtées après ces concertations ?
Nous sommes en plein d’un processus vicieux et vicié qui mènera le pays à rien de bon. Parce que le pays est placé devant une fausse alternative, ou c’est le dialogue ou c’est le chaos. Or, le pays est plongé dans le chaos depuis plus de 20 ans. De quel chaos parle-t-on encore aujourd’hui ? Les enfants ne vont pas à l’école, il y a des morts à répétition dans l’Est d pays. On tue, on viole, on massacre. Le revenu national n’est pas réparti équitablement entre les différents membres du pays. Comment voulez-vous que dans un espace confisqué par quelques bandits, qu’on puisse engager le pays dans un processus convenable ?
Sans un début de justice, sans qu’on ait mis fin à l’impunité au Congo, tous les processus mensongers qui pourraient être engagés n’aboutiront pas à quelque chose de sérieux.
Sur la lecture de la situation politique du pays par l’opposition
Le G7 s’oppose à du vent et en même temps, son opposition avalise ce processus vicieux et vicié. Parce que Kabila est le cheval de Troie de Kagamé, lui-même soutenu par ses parrains anglo-saxons. Cette dynamique de l’opposition, au lieu de revenir sur ces questions essentielles, c’est-à-dire arrêter de vouloir aller aux élections avec un cheval de Troie du Rwanda, elle veut nous convaincre qu’on peut arriver, avec ce cheval de Troie, à organiser des élections dignes de ce nom. C’est là qu’elle se trompe elle-même de lecture.
Le pays est dans le faux. Vous ne pouvez pas à partir du faux, avalisé par vous-même, dans un passé, très récent, croire pouvoir reconstruire un processus politique idoine.
Sur la collectivité des citoyens
Nous, au groupe Epiphanie, nous ne croyons plus, ni dans nos ethnies, comme base politique convenable, ni dans les partis politiques. Nous voudrions que demain, nos compatriotes comprennent qu’ils doivent pour s’engager eux-mêmes, dans des collèges de citoyens, où les questions essentielles peuvent être à la fois débattues mais aussi échangées au niveau de la base, de façon que la base elle-même s’organise pour sortir le pays du gouffre dans lequel il se trouve aujourd’hui. C’est aux populations de la base qu’il appartient de dire son dernier mot. Si ces populations de la base arrivent à s’organiser et à revenir dans leurs échanges sur les questions essentielles face auxquelles, le pays est placé, elles finiront par dire quelles options, elles veulent prendre pour l’avenir du pays. Mais tant que la gestion du pays est confisquée par les agents du statu quo, que l’on retrouve à la fois, dans le camp de l’opposition et celui de la majorité présidentielle, il sera difficile de pouvoir prédire des lendemains meilleurs pour notre pays. Ily a comme une urgence de pouvoir réorganiser les masses à partir de la base.
Sur la rupture avec le statu quo
Pour pouvoir rompre avec le statu quo, il s’avère nécessaire que les masses congolaises se pensent politiquement autrement. Nous avons pendant 20 ans écouté les sons de cloches de tous ces différentes partis, la situation du pays ne change pas : viols, meurtres, assassinats, arrestations arbitraires, vols, concussions, patrimonialisme, entretien de l’ignorance, imbécilisation des masses. Voilà à peu près, l’image que donne le Congo, après qu’on ait cru que le multipartisme intégral pouvait aider le pays à aller de l’avant.
Sur la soumission des congolais
Sans un minimum de justice rendu aux congolais au sujet du supergénocide dans lequel le pays est plongé depuis deux décennies, il sera difficile, pour le Congo, de repartir sur de nouvelles bases. Le Congo n’a pas fait un seul centimètre dans le sens de la démocratie. De temps en temps, nous entendons des compatriotes faire allusion à la jeune démocratie congolaise qui aurait commencé à prendre son envol au Congo, alors qu’il n’en est rien. Au contraire, le Congo est un pays où la guerre perpétuelle et la guerre d’usure contribuent à soumettre les populations pour qu’elles ne puissent pas être capable de jouir ne fussent que des libertés fondamentales garanties par la charte de l’ONU. Nous sommes dans un système policier cadenassé qui assujettit, abrutit les populations pour les rendre incapable de toute résistance contre la mort rampante que connaît le pays depuis deux décennies.
Sur la souveraineté du Congo
Le Congo n’est pas un pays souverain. On ne peut pas parler de souveraineté, là où il n’y a pas d’Etat. Le Congo est un Etat raté, occupé à sa tête par le cheval de Troie du Rwanda et sous-tutelle de l’ONU, du FMI et de la Banque Mondiale. Où voyez-vous un Etat souverain entretenu par l’argent venant de l’extérieur ? Cela n’existe nulle part au monde. Il n’y a de souveraineté que là où la politique se décide de l’intérieur, là où l’économie est gérée de l’intérieur, là où les décisions économiques à prendre sont prises souverainement par les gouvernants sans que ces derniers dépendent de la Banque Mondiale et du Fonds Monétaire International (FMI). Mais dans un pays, où même construire un pont dépend de l’argent des donateurs, peut-on parler de souveraineté ? Non. C’est une rhétorique pour cacher un vide d’Etat et pour amuser la galerie.