Par Jean-Pierre Mbelu
Pour organiser les funérailles de leur frère Rossy Mukendi Tshimanga, un groupe de Congolais(es) a organisé, dans un laps de temps record, une collecte de fonds sur Internet et a récolté plus ou moins 20.000 dollars. Chapeau ! Les réseaux sociaux mobilisés par ce groupe ont prouvé leur efficacité. Ils ont rendu la solidarité congolaise effective (matériellement). Chapeau !
Cette solidarité congolaise rendue effective dans un laps de temps record est-elle suffisante ? Comment procéder pour lui donner des dimensions spirituelle, culturelle, religieuse, politique et sociale ? Que faut-il faire pour que nous redécouvrant unis par le sort, nous puissions nous unir en conscience pour une indépendance qui soit »intégrale », c’est-à-dire assumant les différentes dimensions susmentionnées ?
Mettre en valeur la richesse de nos rapports sociaux
Ajouter la dimension sociale à cette solidarité, c’est nous redécouvrir comme étant des »socii » et opter sur le court, moyen et long terme pour le »principe de commune socialité ». C’est-à-dire nous redécouvrir comme des »êtres sociaux pour qui la plus grande richesse est la richesse de leurs rapports sociaux ». (Lire Manifeste convivialiste. Déclaration d’interdépendance, Ed. Le bord de l’eau, 2013, p. 26) L’application de ce principe invite à aller plus loin qu’une organisation spontanée de récolte de fonds. Elle implique la création des réseaux et des synergies mettant en valeur »la richesse de nos rapports sociaux ». Elle en appelle à un autre principe, celui »d’opposition maîtrisée ».
En effet, mettre en valeur « la richesse de nos rapports sociaux » nous exige de nous enrichir de la lumière surgissant du choc de nos idées, du « conflit maîtrisé ». D’où l’importance de l’usage positif de la richesse de nos différences par le billet d’un débat permanent et unifiant en conscience ; créant une masse critique et « une résistance participative », comme dirait Salua Nour. C’est-à-dire « une résistance » émergeant à partir de la base, des masses populaires (en symbiose avec leurs élites organiques et/ou charismatiques) en vue de constituer, sur le temps long, un contre-pouvoir face à toutes les forces du statu quo.
Mettre en valeur « la richesse de nos rapports sociaux » nous exige de nous enrichir de la lumière surgissant du choc de nos idées, du « conflit maîtrisé ». D’où l’importance de l’usage positif de la richesse de nos différences par le billet d’un débat permanent et unifiant en conscience
Il me semble qu’une bonne « résistance participative » devrait être capable de durer contre l’usure du temps. Elle a besoin des « solidarités résistantes » respectueuses de quelques principes organisationnels.
C’est vrai. L’ignoble assassinat de Rossy Mukendi Tshimanga a mobilisé une magnifique solidarité congolaise spontanée. Néanmoins, celle magnifique solidarité ne devrait pas cacher le sublime message laissé par ce digne fils du Congo-Kinshasa. Il a dit ceci : » Nous allons colorer le sol congolais rouge de notre sang, pourvu que nos enfants ne vivent esclaves demain dans leur propre pays. Quand la mort viendra, je partirai fier d’avoir défendu un idéal juste et légitime. »
Rompre avec l’enfermement dans l’instant
Le »nous » de majesté utilisé par Rossy Mukendi pourrait être élargi au niveau des »solidarités résistantes » afin qu’elles participent de la réalisation du »testament de Rossy ». C’est-à-dire poursuivre solidairement sa lutte afin que »nos enfants ne vivent esclaves demain dans leur propre pays ». Lutter pour l’éradication de l’esclave relèverait dorénavant de la fidélité au »testament de Rossy ». Cela devient, pour »les solidarités résistantes », »un idéal juste et légitime ».
Il se pourrait que les Congolais(es) ayant mobilisé, en un temps record, plus ou moins 20.000 dollars se constituent en ASBL. Ils (elles) contribueraient à donner un suivi, sur le court, moyen et long terme, à leur geste de solidarité. Ils (elles) pourraient rompre avec l’enfermement dans l’instant présent auquel peuvent conduire les réseaux sociaux et inscrire leur geste dans la mémoire collective congolaise. Ils (elles) pourraient coopérer avec d’autres mouvements de résistance congolaise pour arriver à créer une plate-forme de mouvements et associations des Congolais(es) inscrite dans la lutte pour un Congo plus beau qu’avant.
Il se pourrait que les Congolais(es) ayant mobilisé, en un temps record, plus ou moins 20.000 dollars se constituent en ASBL. Ils (elles) contribueraient à donner un suivi, sur le court, moyen et long terme, à leur geste de solidarité. Ils (elles) pourraient rompre avec l’enfermement dans l’instant présent auquel peuvent conduire les réseaux sociaux et inscrire leur geste dans la mémoire collective congolaise.
Rossy Mukendi Tshimanga est parti où ? »Ku kala kakomba ka Maweja, kudi bibote ne bikonde ». Il a écrit son testament à l’avance. Il a dit : »Le peuple gagne toujours ». Et demandant aux jeunes congolais de rompre avec leur apolitisme, j’ai écris un article esquissant quelques conditions pouvant aider notre jeunesse à rester fidèle à leur ami, frère et héros. Cet article revient sur la deuxième partie de ce testament et indique comment des »solidarités résistantes » peuvent permettre de durer dans la lutte pour laquelle Rossy Mukendi Tshimanga a versé son sang, dans la fleur d’âge, à la suite de Lumumba.
Jeunesse congolaise réveille-toi. Ta lutte risque de connaître une récupération politicienne fondée sur des promesses électoralistes fallacieuses. Tu es avertie. Les cartels électoralistes se mettent en place et te promettent lait et miel sans rompre avec le statu quo. Ouvre tes yeux et évite que ton sang versé pour que tes enfants ne soient plus esclaves demain sur la terre de tes ancêtres ne soit une aubaine pour les nègres de service congolais, ces compradores au service de « nouveaux cercles de pouvoir ». Tu es avertie. Evite de t’ autoflageller en t’engageant sur des voies qui ne mènent qu’à la négritude de service. Relis le testament de ton ami Rossy. Et dégage tous les médiocres.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961