Par Jean-Pierre Mbelu
« La recherche d’une gratification immédiate est généralement associée aux enfants. Ils ne peuvent penser à long terme et n’ont pas encore le contrôle de leurs impulsions. » – M. VANDEPITTE
Ouverts sur l’Afrique et sur le monde, les jeunes kongolais semblent comprendre de plus en plus qu’ils doivent se prendre en charge. Ils se rendent compte que les rapports de force sociaux peuvent peser dans la balance des rapports de force institutionnels s’ils travaillent à la maîtrise collective des jeux et des enjeux de ce qui se passe au Kongo-Kinshasa depuis bientôt plus de trois décennies.
Leurs collectifs évaluent de plus en plus la mission onusienne présente au pays depuis 1999. Ils la trouvent inefficace et exigent son départ. Ils organisent et planifient des manifestations afin cela soit effectif.
« Le Genocost », la journée commémorative du génocide kongolais
Mardi, le 02 août 2022, se souvenant de l’intensification de la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le pays par l’Ouganda et le Rwanda interposés, ils ont célébré, à Kinshasa, sur la place dite « des évolués », la journée commémorative du génocide kongolais, « le Genocost » . Leur souhait serait que cette place soit débaptisée et qu’elle devienne un lieu où le génocide kongolais est questionné chaque année.
Les collectifs citoyens de la jeunesse kongolaise réunis mardi à Kinshasa ont fait la fierté du pays pendant que les politicards, à quelques exceptions près, démultiplient les partis-mallettes en vue des élections-pièges-à-cons de 2023.
L’unité de leurs différents collectifs au nom de cet objectif commun est un signe à décrypter. D’ailleurs, ils veulent aller un peu plus loin qu’une simple commémoration. Ils veulent que justice soit faite ; que le monde entier sache ce qu’il y a eu à Kasika, à Mwenga et à Makobola1. Ils veulent que le Rapport Mapping sortent des tiroirs de l’ONU afin que les responsables des crimes de guerre, des crimes économiques et des crimes contre l’humanité commis sur le sol kongolais soient enfin jugés.
Les collectifs citoyens de la jeunesse kongolaise réunis mardi à Kinshasa ont fait la fierté du pays pendant que les politicards, à quelques exceptions près, démultiplient les partis-mallettes en vue des élections-pièges-à-cons de 2023.
Le souhait aurait été que ces collectifs de la jeunesse se démarquent une fois pour toutes de ces politicards et qu’ils consolident les rapports de force sociaux face à cette »race » qui ne jure que par la politique du ventre au mépris de la vie des Kongolaises et des Kongolais. Qu’ils réussissent à minorer les politicards du ventre, artisans et partisans du culte de la personnalité aux dépens du pays.
Cette guerre ne tue pas que les corps
Bien qu’il y ait à redire sur l’un ou l’autre collectif et des intérêts de ses financiers qu’il sert2, leur unité autour des thèmes et des objectifs patriotiques communs à réaliser sur le court, moyen et long terme est un atout sérieux pour un devenir collectif différent au Kongo-Kinshasa.
Cette guerre ne tue pas que les corps. Elle s’en prend aussi aux âmes et aux esprits des Kongolaises et des Kongolais en vue de les réifier, de les chosifier, d’en faire »des bintuntu »
Il y a aussi à redire sur les objectifs de la guerre raciste de prédation et de basse intensité menée contre le Kongo-Kinshasa. Elle n’est pas faite uniquement pour des motifs économiques. Cette piste économiciste peut se révéler être un raccourci.
Cette guerre est menée prioritairement contre »les cerveaux » des Kongolaises et des Kongolais. Elle tient à en faire ses agents. C’est-à-dire des hommes et des femmes en guerre perpétuelle les uns contre les autres pour s’auto-détruire afin d’abandonner leur espace vital à d’autres. Elle est prioritairement une entreprise de néantisation de la Kongolaise et du Kongolais en tant que »Bantu », »Bato ». Elle est une entreprise du refus, du rejet de l’altérité du » Muntu ». Elle est une guerre des conquête des terres, des esprits, des coeurs rt des cerveaux. Elle est une guerre d’usurpation du pouvoir kongolais au profit des oligarques d’argent reconvertis en ploutocrates.
Vue sous cet angle, cette guerre ne tue pas que les corps. Elle s’en prend aussi aux âmes et aux esprits des Kongolaises et des Kongolais en vue de les réifier, de les chosifier, d’en faire »des bintuntu » ( des humains sans consistance, sans épaisseurs), tournés constamment et uniquement vers la recherche des »bintu » ( des choses, des biens matériels).
Rendre vivante la mémoire de morts Kongolais
Donc, rendre vivante la mémoire de morts Kongolais serait un moment où relisant ensemble l’histoire du pays, les collectifs citoyens des jeunes peuvent se poser la question de savoir ce qu’ils peuvent faire collectivement pour éviter d’être disqualifiés comme des »bantu », pour avoir de l’épaisseur, de la consistance afin qu’ils ne soient pas effacés de l’histoire. Il s’agit ici de questionner ce qui dépend d’eux sans fausse quête des boucs émissaires.
Rendre vivante la mémoire des morts Kongolais ne peut se réduire à un simple moment de commémoration. C’est aussi travailler à l’éveil de la conscience historique kongolaise, à la connaissance des jeux et des enjeux géoéconomiques, géostratégiques et géopolitiques ayant rendu cela possible. C’est questionner l’anthropologie, la philosophie, la psychologie -la culture- constituant le soubassement de cette entreprise de mort.
Ils pourraient, en passant, interroger l’attitude de certains des politicards kongolais, prêts à s’incliner devant les morts des autres peuples et à ne parler que circonstantiellement des millions des morts kongolais sans penser un seul instant à l’érection des monuments à leur mémoire. Ne seraient-ils pas, eux aussi, impliqués dans ce phénomène du rejet de l’altérité kongolais pour avoir entretenu un complexe d’infériorité, le syndrome de Stockholm, le syndrome du larbin, la psychopathie, la sociopathie ou tout cela à la fois ? A quoi bon servirait-il d’avoir ce genre de politicards comme « gouvernants » du pays demain ?
Donc, rendre vivante la mémoire des morts Kongolais ne peut se réduire à un simple moment de commémoration. C’est aussi travailler à l’éveil de la conscience historique kongolaise, à la connaissance des jeux et des enjeux géoéconomiques, géostratégiques et géopolitiques ayant rendu cela possible. C’est questionner l’anthropologie, la philosophie, la psychologie -la culture- constituant le soubassement de cette entreprise de mort. C’est enfin chercher à identifier « les ennemis » de l’intérieur y ayant participé afin de les mettre hors d’état de nuire au pays.
Maîtriser collectivement les conditions matérielles, spirituelles et culturelles ayant rendu ces millions des morts inévitables est indispensable pour la suite des événements au Kongo-Kinshasa. La jeunesse kongolaise mobilisée comme un seul homme a du pain sur la planche. Qu’elle n’oublie pas de revenir aux livres. Qu’elle reste attentive aux luttes panafricaines engagées dans plusieurs pays africains actuellement. Surtout dans ceux qui ont compris que leur souveraineté n’est pas négociable.
Babanya Kabusi
Génération Lumumba 1961
1. Lire J.-P. BADIDIKE (éd.), Guerre et droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Regard du Groupe Justice et Libération, Paris, L’Harmattan, 2009.
2. Lire S. ERBS, V. BARBE et O. LAURENT, Les réseaux soros à la conquête de l(Afrique. Les réseaux d’influence à la conquête du monde, Versailles, Va Editions, 2017.