Par Jean-Pierre Mbelu
D’une pierre, il y a lieu de faire plusieurs coups. Produire du courant électrique propre en éduquant à son usage raisonnable, en indiquant que son manque n’a pas permis au pays de produire suffisamment de richesses et de les transformer en produits finis ayant de la valeur ajoutée. Donner de la lumière impliquerait, dans ce contexte, un appel lancé à toutes les filles et tous les fils du Congo-Kinshasa éparpillés à travers le monde et ayant des compétences technologiques à pouvoir retourner au pays pour travailler en réseau avec les jeunes abandonnés massivement à leur triste sort. Cet appel pourrait être étendu à toutes les compétences philosophiques, politiques, culturelles, spirituelles et historiques afin qu’elles apportent leur pierre à la brillance de la lumière de la raison.
Supposons que cette vidéo de Fabien Kusuanika passe à la télévision congolaise à l’heure de la grande écoute. Cela dans tous les coins et recoins du pays. Que cette écoute soit suivie d’un grand débat privilégiant le meilleur argument. Et qu’après un appel soit lancé aux Congolais(es) de choisir entre notre compatriote artiste menotté avec les siens pour avoir manifesté contre la banalisation de la mort à Beni et au Kasaï et Joseph Olenga Nkoyi, »Président du CNSA », ayant dit hier, à Genval, le contraire de ce qu’il dit aujourd’hui ; vers qui pencherait la balance ?
Le crime de pensée est la mort
Répondre à cette question pourrait dépendre de la capacité d’analyse atteinte par nos masses populaires, de leur niveau de patriotisme et de discernement. Supposons que ce niveau soit proche de celui de nos artistes et de leur porte-parole. Celui-ci a la capacité, dans quelques minutes, de relire, non seulement l’histoire du Congo-Kinshasa ; mais aussi de l’Afrique. Avant de regarder les milices de la kabilie en face et de leur dire sans ambages qu’en bonnes crapules, ils arrêtent ceux qui parlent (pour défendre la cause des enfants tués dans les écoles) et non les tueurs.
Cet artiste sait, d’instinct, que »le crime de pensée est la mort ». Il est prêt à mourir pour une bonne cause de la main des crapules. Ironie du sort, la mobilisation de ses frères et sœurs à travers le pays et le monde fera que son petit groupe soit libéré de la prison créée par ces crapules. Qu’est-ce qui a permis que ces images inondent les réseaux sociaux ? La lumière et les NTC (les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication).
La lumière est indispensable à la sortie des masses des ténèbres de la nuit où elles sont plongées depuis que Joseph Conrad a visité le cœur de l’Afrique. Hier, les mains coupées loin des »caméras » n’ont pas été portées à la lumière du jour comme l’arrestation de nos artistes à Goma. Elles sont demeurées une réalité ignorée dans plusieurs coins et recoins du Congo-Kinshasa. Aujourd’hui encore, le manque de lumière dans plusieurs parties de notre pays ne permet à plusieurs compatriotes de savoir ce qui s’y passe.
Donner de la lumière à tous les coins et recoins du pays devrait être la priorité numéro un du prochain gouvernement populaire congolais. Donner de la lumière, dans ce contexte, ne signifie pas simplement produire de l’électricité. Non. Il signifie à la fois produire du courant électrique propre en initiant, au même moment, les jeunes et les masses populaires à l’importance de la lumière dans la vie d’un humain. En leur disant ce qu’il nous en a coûté de ne pas l’avoir depuis Léopld II jusqu’à ce jour. D’une pierre, il y a lieu de faire plusieurs coups. Produire du courant électrique propre en éduquant à son usage raisonnable en indiquant que son manque n’a pas permis au pays de produire suffisamment de richesses et de les transformer en produits finis ayant de la valeur ajoutée.
L’espace public du débat s’ouvre petit à petit
Donner de la lumière impliquerait, dans ce contexte, un appel lancé à toutes les filles et tous les fils du Congo-Kinshasa éparpillés à travers le monde et ayant des compétences technologiques à pouvoir retourner au pays pour travailler en réseau avec les jeunes abandonnés massivement à leur triste sort. Cet appel pourrait être étendu à toutes les compétences philosophiques, politiques, culturelles, spirituelles et historiques afin qu’elles apportent leur pierre à la brillance de la lumière de la raison.
Le choix de la lumière présuppose un renoncement à la promotion des crapules. Oui. Choisir, c’est renoncer. C’est aussi paradoxal que ça. Dans son dernier article posant la question de savoir si les Britanniques ont lâché, Mufoncol Tshiyoyo remarque que »IAN BIRRELL, journaliste britannique du Daily Mail. BIRRELL se paye le luxe de désigner sous le nom de « crapule » ». Et Kagame n’est pas le seul à être qualifié de »crapule ». Dans cette vidéo, l’ancien ambassadeur américain à Kinshasa Simpson dit de Mobutu : « C’était une crapule. Mais notre crapule ». Et dans l’échange verbal que notre artiste a eu avec »la police politique de la Kabilie », il qualifie ceux à qui il s’adresse de »crapules ». Que signifie ce mot pour que, demain, le choix de nos gouvernements implique le renoncement aux »crapules » ?
Le dictionnaire de synonyme dit ceci : « Canaille, vaurien, escroc, arnaqueur, bandit, brigand, fripouille,pirate, un individu capable du pire, un triste individu, etc. »
En relisant l’histoire politique de Mobutu, de Kagame et de »la kabilie », en écoutant »leurs maîtres d’hier et d’aujourd’hui » et en lisant les synonymes du mot ou du qualificatif »crapule », nous sommes avertis sur le profil que nous devrions confectionner, demain, avec nos masses populaires pour que nos choix soient raisonnables.
Ceux-ci ne peuvent être possibles que si nous maîtrisons le mode opératoire des »maîtres du monde ». Leurs nègres de service ne sont jetés comme »crapules » qu’après qu’ils les aient instrumentalisés pour atteindre leurs objectifs. Quand ils s’en débarrassent, c’est pour en créer d’autres qu’ils commencent par »chérir » en soutenant qu’ils »leurs amis » ou « leur kind of guy ».
Ici encore, nous aurons besoin de la lumière et des étincelles jaillissant du »choc des idées ». De la lumière émise par les intellectuels organiques et structurants avertis et des étincelles jaillissant du débat de ceux-ci avec les collectifs citoyens pour une maîtrise partagée du mode opératoire de l’autre, du »maître ». A ce point nommé, les ténèbres de la nuit du fanatisme, du fétichisme religieux, de l’avidité, de la cupidité et de la fausseté recouvrent encore des pans entiers de nos populations. Le manque de courant électrique, sans tout justifier, y est pour quelque chose. Les masses entières de nos populations n’ont pas encore accès à une bonne information et à l’actualité expliquée à »la kusuanika ». L’espace public du débat s’ouvre petit à petit. Les ascètes du provisoire sont en train de forcer la note.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961