Par Mufoncol Tshiyoyo
La réponse de l’Afrique devrait et doit avant tout être politique. Derrière le coronavirus, c’est de la direction du monde dont il s’agit.
Il se raconte beaucoup de choses non seulement sur l’Afrique mais également sur l’homme dit noir ce dernier temps. Mais pour les plus avisés, rien de particulier n’a changé. L’Afrique, et ils n’ont pas tort ceux qui pensent ainsi, a toujours été l’objet de commérages de toutes sortes.
Une habitude d’accuser l’Afrique quand rien ne va en Europe
Même si tout ce qui se rapporte sur le continent et son homme subsaharien ne rentre dans l’ordre de nouveauté, il y a quand même un fait qui est demeuré inchangeable : la qualité de celles et de ceux qui, en Occident, s’octroient indéfiniment le droit, jugé « naturel », de toujours parler à la place de l’Afrique et en son nom, et au nom d’homme dit Noir, dont le statut ne subit aucun changement depuis la nuit des temps. La preuve, ce sont les propos actuels sur l’Afrique. Ils ne le démentiraient. On pourrait se poser des questions, mais quoi de plus normal pour un peuple qui a déjà été vendu comme esclave, d’entendre constamment de ses anciens maîtres le discours de l’aide à apporter à l’Afrique et aussi de son incrimination.
Il est devenu une habitude d’accuser l’Afrique quand rien ne va en Europe. C’est toujours la faute de l’Afrique. Quand rien ne marche en Europe, chez les soi-disant civilisés, le bouc émissaire est vite trouvé. Il s’agit de l’homme noir à gérer : c’est le noir qui ferait plus d’enfants, alors que ce sont les mêmes enfants qui servent de main-d’œuvre gratuite et bon marché en Occident quand le besoin l’exige. D’ailleurs, à propos du nombre de gens appelés à vivre sur la terre, on voudrait bien savoir qui aurait dit quoi exactement et à qui et quand c’était, que seulement que 6 milliards d’individus pouvaient résider sur la terre ?
Il est devenu une habitude d’accuser l’Afrique quand rien ne va en Europe. C’est toujours la faute de l’Afrique. Quand rien ne marche en Europe, chez les soi-disant civilisés, le bouc émissaire est vite trouvé. Il s’agit de l’homme noir à gérer : c’est le noir qui ferait plus d’enfants, alors que ce sont les mêmes enfants qui servent de main-d’œuvre gratuite et bon marché en Occident quand le besoin l’exige.
Parfois, on entend des conneries. Elles sont présentées comme science. Même sur la question de science, voilà qu’Henri Guaino déclare, pour une fois que je suis d’accord avec lui, « la science n’est pas la vérité mais une méthode pour chercher la vérité ». Si seulement c’était une méthode, ce qu’il pourrait en avoir plusieurs sans forcément qu’elle ne provient de l’Occident. Les élites occidentales n’osent pas avouer à leur peuple l’identité réelle de forces qui gouvernent l’Occident. Pourtant, la Chine qui compte plus d’un milliard d’habitants, plus que tous ces États occidentaux, parvient quand même à gouverner son peuple. Et aujourd’hui, elle rejoint l’Occident en partageant leadership du monde.
Pour ce qui est du continent, le temps de sa soumission est révolu. Il doit prendre fin ici et maintenant. Mais avant tout, le genre de discours refrain sur l’Afrique ne surprend guère. C’est le fait que les Africains s’étonnent de l’entendre, alors que la plupart ignorent l’avertissement de Frantz Fanon. Combien s’en souviennent et l’ont lu ? « Notre tort à nous, Africains, est d’avoir oublié que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Il ne comprend jamais. Il capitule, mais ne se convertit pas. Notre tort est d’avoir cru que l’ennemi avait perdu de sa combativité et de sa nocivité » (Afrique Action, n° 19, 20 février 1960, repris dans « Pour la Révolution Africaine », 1 964).
La réponse de l’Afrique devrait et doit avant tout être politique
C’est Mitterrand, qui parlant de sa France, affirmait : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans mort apparemment. Oui, ils sont très durs les Américains, ils sont voraces, ils veulent un pouvoir sans partage sur le monde. C’est une guerre inconnue, une guerre permanente, sans mort apparemment et pourtant une guerre à mort ». Oui, l’Afrique est aussi en guerre. Elle a toujours été en guerre. Même si la plupart font semblant de ne pas le savoir. Le coronavirus est juste un prétexte. Bien sûr que tout virus peut tuer, et parce qu’il tue et sert aussi de prétexte, je crois, à mon humble avis, qu’il devrait en être aussi pour l’Afrique. Sinon, c’est comme une dame congolaise, avec qui j’ai échangé ce matin, inbox Facebook, et qui se reconnaîtra en me lisant, me répondait : « Nous n’avons pas d’autres choix si nous ne voulons pas disparaître ». Le choix, c’est de s’émanciper.
La réponse de l’Afrique devrait et doit avant tout être politique. Derrière le coronavirus, c’est de la direction du monde dont il s’agit. C’est pourquoi je m’insurge contre le fait que les soi-disant politiques africains se terrent derrière la science et les hommes de science. Car cela ressemble à une démission. Il sonne comme un refus d’assumer le destin de l’Afrique, alors que pour nous, à travers l’occasion offerte par Coronavirus, l’Afrique doit saisir ce moment, son moment, afin de s’émanciper de la tutelle de ses maîtres omniprésents. L’originalité de la réponse de l’Afrique assurera sa place demain dans le concert des nations.
La réponse de l’Afrique devrait et doit avant tout être politique. Derrière le coronavirus, c’est de la direction du monde dont il s’agit… A travers l’occasion offerte par Coronavirus, l’Afrique doit saisir ce moment, son moment, afin de s’émanciper de la tutelle de ses maîtres omniprésents. L’originalité de la réponse de l’Afrique assurera sa place demain dans le concert des nations.
Par originalité, j’entends la connaissance de l’Afrique. Que sait-on réellement de l’Afrique, du continent africain dont il est question quand on aborde la question de masques, de respirateur ? De l’Afrique citadine ? Alors, quel est le pourcentage exact de la population qui habiterait les cités africaines par rapport aux populations vivant dans les campagnes ? Et comment vivent ces dernières ? Comment affrontent-ils les grandes maladies ? Comment s’y prennent-ils, alors que les citadins accrochés au pouvoir-os dans les centres-villes n’y ont jamais bâti des hôpitaux pour eux ? Pourtant, ils sont assis sur des secrets de la vie qui sont à peine connus et utilisés. L’ignorance et l’incapacité à gouverner ce peuple font croire aux uns que l’Afrique n’aurait de réponse authentique, pendant que l’on passe tout son temps avec des ambassadeurs occidentaux dans des palaces et autres restaurants.
Non, le temps a sonné pour arracher la souveraineté de l’Afrique, pour s’affirmer. Car le Coronavirus détermine l’avenir du monde et le partage du nouvel ordre. « Le conflit est bien la réalité du monde, et l’épée son axe ». L’histoire est faite par des femmes et des hommes, « surtout celles qui ont la conscience de la grandeur et qui sont prêtes à porter l’épée. [Et] porter l’épée nécessite caractère et force » (Jean-Baptiste Noé, L’axe du monde, in CONFLITS n° 25, le monde à l’heure de Poutine, Janvier-février 2020, p. 5).
Le temps des femmes et des hommes de « caractère » a sonné
Deux intellectuels latino-américains disaient, le premier, c’est Néstor Kohan, un Argentin, qui affirme, et je cite : « Confront Imperialism and Don’t Make Concessions » (Affrontez l’impérialisme et ne faites pas de concessions). Dans son interview accordée à Venezuelanalysis.com, il évoquait l’opération Condor, qui visait à faire reculer la marée révolutionnaire des années soixante et soixante-dix, « un projet international coordonné [et] mis en place pour mener une répression à l’échelle continentale. […] Qui l’a réalisé ? Les États Unis. Une de ses têtes principales était Henry Kissinger. D’où vient l’opération Condor ? La doctrine de la sécurité nationale, c’est ainsi qu’ils l’appelaient, qui n’était rien d’autre qu’une doctrine de contre-insurrection, importée des tortionnaires français en Algérie. Les États-Unis l’ont appliquée au Vietnam…
Les arguments de l’adversaire doivent être connus même s’ils ne sont pas partagés. D’où l’importance et la recommandation de savoir tout ce qui se dit et s’écrit afin de mieux se préparer à affronter la réalité qui nous est imposée comme réalité du monde. Le temps des femmes et des hommes de « caractère » a sonné.
La pratique utilisée par les États-Unis au Vietnam, par exemple, de jeter des prisonniers vivants depuis des avions, qui faisait partie du programme Phoenix. Eh bien, cette même pratique a été utilisée en Argentine. Ils ont jeté les révolutionnaires capturés par l’armée et la marine des avions dans le Rio de la Plata. Et ils l’ont également combinée avec la même forme de torture massive qui a été utilisée dans les camps de torture algériens – y compris le viol systématique d’hommes et de femmes – pendant l’occupation française. Ce sont donc les deux doctrines, française et nord-américaine, qui ont été enseignées dans les écoles de contre-insurrection au Panama (dirigées par l’armée sud-américaine SOUTHCOM), et à l’école de guerre de Rio de Janeiro au Brésil, après le coup d’État de 1964, et à Buenos Aires aussi » (Idem).
Quant à Luis Britto García, un intellectuel vénézuélien, citant Castro, déclare : « Dans la Révolution, tout, en dehors de la Révolution, rien », Fidel voulait dire que les arguments de l’adversaire doivent être connus même s’ils ne sont pas partagés. D’où l’importance et la recommandation de savoir tout ce qui se dit et s’écrit afin de mieux se préparer à affronter la réalité qui nous est imposée comme réalité du monde.
Le temps des femmes et des hommes de « caractère » a sonné.
Likambo oyo eza likambo ya mabele
Mufoncol Tshiyoyo, MT,
Un homme libre, un dissident