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Comment la guerre d’usure, menée contre le Congo depuis 20 ans, a brisé la solidarité et la fraternité congolaise

Comment la guerre d’usure, menée contre le Congo depuis 20 ans, a brisé la solidarité et la fraternité congolaise

Comment la guerre d’usure, menée contre le Congo depuis 20 ans, a brisé la solidarité et la fraternité congolaise 1024 809 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu décrypte les enjeux du dialogue national entre le parti au « pouvoir » et les partis d’opposition au Congo, montre comment le pays est occupé sur tous les fronts, politique, économique, commercial, militaire, géographique, souligne comment les événements du Congo, du Burundi et du Sud-Soudan sont liés à l’enjeu du grand rift et explique pourquoi la guerre d’usure a brisé la solidarité et la fraternité congolaise.

Sur l’origine du dialogue national au Congo

Le fameux dialogue semble être une recommandation des accords d’Addis Abeba. Il devrait être mené sous l’égide des membres de la nébuleuse nommée communauté internationale. Posons nous la question de savoir qui a financé les travaux d’Addis Abeba ? Qui a écrit les textes signés à Addis Abeba ? A quoi a servi réellement cette rencontre d’Addis Abeba.
Si nous analysons les choses du pays en dehors du contexte où elles sont posées, nous risquons de ne pas les approfondir et en faire une analyse qui nous permette de penser le Congo à long terme. Ce sont ceux qui ont orchestré la guerre contre le Congo-Kinshasa depuis plus de deux décennies maintenant qui ont créé et financé la rencontre d’Addis Abeba pour mener un groupe de congolais suffisamment naïf en bateau.
Quand après Addis Abeba, on parle d’un dialogue pour créer la cohésion nationale, on est en plein dans des rencontres distractives. On crée des distractions pour éviter d’aller dans des problèmes réels qui se posent au pays présentement. Il y a un effort qui est conjugué par ceux qui ont orchestré la guerre contre le Congo pour éviter que certains fronts où cette guerre se mène puissent faire l’objet de l’analyse pour ceux que l’on considère encore aujourd’hui comme étant les acteurs politiques du Congo.

Sur les différents fronts de la guerre contre le Congo et les congolais

Il y a le front politique, il y a le front économique où opèrent aujourd’hui les multinationales qui poursuivent leur financement des milices qui tuent et poussent nos populations à déserter leurs villages pour que les matières premières de ces villages puissent être exploitées à moindre frais. Et ce front économique donc, est lié au front militaire. On arme, on tue, on occupe les terres, on les exploite. C’est le front commercial. Le front commercial est lié au front économique d’exploitation abusive des matières premières congolaises. Le front commercial est investi par les multinationales et par certains pays voisins impliqués dans cette guerre depuis plus de deux décennies. Et il y a le front géographique qui est celui de l’occupation du pays. Ce front là est occupé par les pays voisins, les multinationales, l’ONU et les milices qui infiltrent les institutions et qui se répandent partout au pays.
Enfin, il y a le petit front politique. Ce front politique est réduit à sa plus simple expression. Quand on parle de dialogue, on dialogue dans un pays où plusieurs fronts sont occupés non pas seulement par les congolais mais par ceux qui veulent que ce pays puisse être implosé, balkanisé et qu’il soit occupé de manière à ce qu’il serve simplement comme réservoir de matières premières.
Si nous n’avons pas une bonne analyse de tous ces fronts, nous n’allons pas comprendre que nos politicailleurs sont enfermés dans le front politique qui n’a pas de racine, ni économique, ni militaire, ni diplomatique. C’est un front politique pauvre dans lequel certaines marionnettes de ceux qui occupent tous les autres fronts essaient de mener le combat en divertissant les congolais et les congolaises, à travers, cette classe politique dépourvue de toute vision cohérente sur les autres fronts où se mènent la guerre perpétuelle, et de toute vision à long terme sur l’avenir du Congo.

Sur l’enjeu du dialogue national au Congo

Dialogue pour quoi faire ? Parce que si nous reprenons les termes de la fameuse constitution, à laquelle tous ces politiciens obéissent, la constitution dit en son article 220 que le régime actuel arrive à la fin de son deuxième mandat. A quoi va réellement servir ce dialogue ? Est-ce qu’il est nécessaire d’aller dialoguer avec un régime illégal et illégitime si ce n’est peut-être que pour se laisser débaucher ?
Le Congo fait les choses à sa manière. On voit un responsable de la police politique de Kabila, envoyé comme légat, pour négocier autour de la question du dialogue national avec les partis politiques. Ces partis politiques ne comprennent pas en profondeur le sens de la politique.
Et puis tout d’un coup, ces politiciens oublient qu’il y a eu le problème des charniers, qu’on a découvert un peu partout au Congo. Et, il est de notoriété publique que c’est la police politique de Kabila qui est à la base de ces charniers. Il y a là une amnésie profonde de la classe politique congolaise fatiguée de se battre.
Ce qui se révèle maintenant, ce sont les effets de l’usure. La guerre d’usure est en train d’avoir raison de ceux qui nous pouvons encore considérer comme faisant partie de la classe politique.
Dans cet appel au dialogue, il y a un piège qu’il faut desserrer le plus tôt : C’est le piège de la division. Diviser le plus possible cette classe politique, créer des malentendus entre cette classe politique et les populations qui se sont battus dans la rue, mains nues, du 19 au 21 janvier 2015, pour que la situation politique du pays ne soit plus tellement lisible. Au lieu de la cohésion nationale, on crée une grande confusion, qui va servir à brouiller la visibilité sur ce qui se passe sur les autres fronts. Par exemple, l’Ouganda a une entreprise qui vient d’acquérir les aéroports de Congo et qui pourrait les gérer pour 99 ans. Un pays impliqué dans la guerre, un pays qui refuse de payer les réparations causées par la guerre qu’il nous a mené sous l’égide de ses parrains anglo-saxons et c’est ce pays qui va avoir une entreprise qui va gérer un secteur aussi stratégique que les aéroports du Congo. Nous sommes en plein dans l’occupation du Congo, qui se fait de plus en plus de manière visible maintenant.

Sur la guerre perpétuelle en Afrique

Les choses sont beaucoup plus compliquées que nous le pensons. Que va faire cette fameuse classe politique si Kabila fait ce que Nkurunziza est en train de faire aujourd’hui au Burundi ? Ce qui se passe au Burundi, ce qui se passe au Congo, ce qui se passe au sud Soudan, ce qui se passera demain au Rwanda, tout cela fait partie d’une même guerre perpétuelle, menée contre ceux que les occupants du front géographique appellent le grand rift. Il y a une guerre perpétuelle pour que l’Afrique puisse être occupée, à partir de la Centrafrique jusqu’au Mozambique. Mais cette guerre se mène de manière plus ou moins invisible.
Dans cette guerre, il y a des moments de pause. Et parmi ces moments de pause, ils font semblant de se tourner vers le front politique. Mais inutilement, parce que cette guerre n’a rien à voir avec la véritable politique, comme gestion de la cité par le dialogue, la contradiction, la défense patriotique des intérêts des pays souverains impliqués dans les débats et dialogues. Il n’y a pas cela. Ce sont des distractions momentanées qui permettent aux autres fronts de pouvoir avancer dans cette guerre.
L’usure a conduit les congolais à ne plus être vigilants sur les fronts commerciaux, économiques et hop, les aéroports sont pris.

Sur la rupture de la solidarité et fraternité entre congolais

Ces massacres ne sont pas un échec pour le gouvernement congolais. Ces massacres sont les résultats d’une impuissance organisée. C’est nous qui échouons du point de vue des analyses. Ce régime orchestre l’impuissance de l’intérieur parce qu’impuissanter nos populations fait partie de sa mission. Exterminer, créer la peur, tuer sont les différentes faces d’une même guerre. C’est comme cela qu’avance une guerre d’usure. Nos populations abandonnées à leur triste sort, s’en remettent à leurs bourreaux.
Et pendant que les populations de Béni souffrent le martyr, ailleurs, les autres populations congolais vaquent à leurs occupations comme si de rien était. Ils ont réussi à une certaine atomisation des populations congolaises ce qui fait que ce qui se passe à Beni n’intéresse pas grand monde. Lorsqu’on tue à Beni, il devrait y avoir, au contraire, un soulèvement dans toutes les provinces du Congo.
Les populations sont tellement paupérisées qu’elles passent tout leur temps à chercher à manger et à boire au point de ne pas être informé, au point de ne pas s’engager aux côtés des autres membres de la nation qui souffrent et sont tués.
Il y a une rupture du point de vue de la solidarité et de la fraternité congolaises. Ce sont ces valeurs là qu’il faut redécouvrir si jamais demain nous réussissons à avoir des mouvements qui travaillent à solidariser les congolais, par delà l’esprit partisan entretenu par les partis politiques.
Pendant qu’on tue nos populations, Matata Ponyo travaille avec une institution financière, la Banque Mondiale, qui orchestre des coups d’Etat permanents contre des pays qui se veulent souverains. Tout est imbriqué. Il y a le front militaire et milicien, que Matata abandonne pour pouvoir travailler sur le front de la guerre économique avec la banque mondiale et le Fonds Monétaire International.
La guerre menée contre le Congo se mène sur plusieurs fronts qui sont tous mortifères : Le front militaire et milicien, le front géographique, le commercial, économique et financier, et le petit front politique.

Sur la question du Grand Rift et l’implosion du Congo

Le pays est en train de s’engager davantage, vers une voie, très, très glissante. Et sa balkanisation risque de ne plus attendre très très longtemps pour devenir tout à fait effective. Il y a un travail de fonds à faire pour pouvoir recréer une autre classe politique, recréer un autre imaginaire, voir les choses autrement, les penser autrement et essayer de faire en sorte qu’on ne puisse pas croire que le Congo est une île. L’occupation d’une partie du Congo à l’Est fait partir des projets de ceux qui ont décidé que le pays était trop grand pour être dirigé depuis Kinshasa mais qui ont aussi le projet de pouvoir avoir un grand marché de l’Est de l’Afrique qui leur appartiendrait et dans leur marché les pays souverains n’ont pas de raison d’être.
Nous devrions de plus en plus nous dire qu’il est temps que la classe politique de demain puisse découvrir d’autres pôles de force, alternatives, avec lesquelles elle peut travailler stratégiquement.
Ces politiciens sont en train de se faire les uns contre les autres, pour nous faire oublier les véritables fronts où cette guerre mortifère est en train de se mener.

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