Par Thierry Nlandu Mayamba, Professeur à la Faculté des Lettres Université de Kinshasa
A court et à moyen terme, si l’on doit organiser des élections, il faudra les considérer comme un exercice d’apprentissage de l’expression libre du peuple. Elles ne mettront pas fin à la lutte de la libération mais constitueront un point de départ pour une nouvelle lutte. Il ne faut donc pas se faire d’illusion…
Le peuple congolais qui lutte pour sa libération totale et profonde veut, par des élections libres et transparentes, se doter de dirigeants dignes et nationalistes qui conduiront à un changement non seulement des dirigeants actuels mais surtout de la gouvernance inhumaine qu’on ne cesse de lui imposer. Il n’est donc plus question de réaliser des élections qui maintiendraient le statu quo avec un système politique et des modes de gestion qui ne mettent pas les hommes et les femmes de ce pays au cœur des préoccupations de tous ceux à qui le peuple aura confié une parcelle de pouvoir.
Il appartient au peuple, d’organiser ses élections avec ses propres moyens
Il appartient au peuple, d’organiser ses élections avec ses propres moyens, dans les délais fixés par l’actuelle Constitution et dans les conditions matérielles acceptables. Dans cette perspective, le peuple doit se mettre au travail afin de prouver sa capacité de se mobiliser de l’intérieur pour des élections libres et démocratiques. C’est à cette seule condition qu’il réussira à décourager certains membres de la communauté internationale et leurs complices congolais qui imposent depuis deux cycles des élections de façade avec pour seul but de revitaliser un système odieux d’exploitation qu’aucun peuple de ce siècle ne peut plus tolérer.
Dans ce contexte de lutte pour des élections libres et démocratiques, le peuple doit faire pression sur la CENI et le gouvernement pour se réapproprier le processus électoral à tous les niveaux de la vie nationale. Le peuple congolais est capable de le faire et il le fait déjà. En effet, et à titre d’illustration, comment essaie-t-il de survivre dans un Etat où les gouvernants lui refusent un salaire décent ? Comment arrive-t-il à faire étudier ses enfants dans des écoles totalement prises en charge par des parents et des professeurs pauvres mais héroïques ? Comment arrive-t-il à contester le pouvoir dans sa volonté de tripatouiller la Constitution et la loi électorale? Comment les chauffeurs taxis arrivent-ils à faire une grève de deux jours et à immobiliser toute la ville sans relais dans la presse officielle pour la mobilisation des uns et des autres? Comment les Kimbanguistes se mobilisent-ils pour trouver les fonds qui servent à construire leurs temples et autres édifices? Comment les catholiques arrivent-ils à prendre en charge leur clergé et à organiser les manifestations en l’honneur de leurs évêques et autres Princes de l’église? Comment ce peuple est-il arrivé ce 19,20 et 21 janvier à faire reculer des politiques qui s’acharnaient à ne pas respecter sa volonté ?
le peuple doit se mettre au travail afin de prouver sa capacité de se mobiliser de l’intérieur pour des élections libres et démocratiques. C’est à cette seule condition qu’il réussira à décourager certains membres de la communauté internationale et leurs complices congolais qui imposent depuis deux cycles des élections de façade avec pour seul but de revitaliser un système odieux d’exploitation qu’aucun peuple de ce siècle ne peut plus tolérer.
Les mauvaises langues toujours soucieuses de décourager ce peuple dans pareille entreprise ne cessent de relever les imperfections de ces stratégies du peuple. A tous, on peut répondre qu’il n’y a que ceux qui osent qui peuvent se tromper et par conséquent s’évaluer et se corriger pour aller de l’avant. Le peuple congolais ne doit pas avoir peur de ses erreurs, car elles sont les signes d’un peuple qui est résolument debout, en marche.
De nos jours, il existe un gouvernement issu des dernières élections truquées que seule une certaine communauté internationale altruiste mais surtout égoïste peut offrir. C’est semble-t-il, à ce régime dont la légitimité a été remise en question dès les premiers moments de son installation que notre démocratie de façade confie l’organisation des prochaines élections que tous veulent crédibles.
Comme la communauté internationale, le peuple du Congo désire ardemment la tenue des élections libres et démocratiques. Mais, contrairement à certains membres de cette même communauté internationale, les Congolais ne veulent pas voir la ruse ni l’argent gouverner à nouveau nos prochaines élections.
Ici, le peuple veut prendre les amis de la MONUSCO et de toute la communauté internationale aux mots. Lors de toutes leurs rencontres avec les ONGs, les églises, les diverses associations ainsi que les gouvernants, la communauté internationale affirme qu’elle n’entend pas organiser les élections en lieu et place des Congolais. Ce peuple veut qu’elle aille plus loin dans sa décision de sauvegarder sa liberté dans l’organisation des élections.
Quand la Communauté Internationale interrompt les expériences de lutte des peuples du Tiers Monde
Aujourd’hui, la communauté internationale qui affirme vouloir entrer dans une nouvelle ère de partenariat responsable avec le peuple congolais, peut comprendre l’ardent désir de ce peuple de contribuer à travers divers mécanismes au financement des élections. Il y va de l’indépendance de ce peuple. Bien plus, ce peuple ne peut plus se permettre de nouvelles dettes d’autant plus que tous les partenaires ne cessent d’étaler sur la place publique son incapacité à payer les dettes contractées antérieurement.
En ce qui concerne la collecte des fonds, si les partenaires extérieurs veulent vraiment aider ce peuple, des personnes indiquées suggèrent que la communauté internationale puisse puiser dans les nombreux et scandaleux comptes des Congolais logés dans les différents paradis fiscaux qu’eux, seuls, peuvent localiser avec précision. Les puissances occidentales peuvent le faire, car il est question de justice. Cet argent revient à ce peuple et peut être utilisé dans l’organisation matérielle des élections. Le peuple congolais compte sincèrement sur ses partenaires extérieurs surtout en ce moment où ils témoignent tant de sollicitudes pour ce peuple qui souffre.
A l’intérieur du pays, le peuple congolais se mobilisera certainement si la question lui était présentée par des personnes ou des institutions auxquelles il fait encore confiance, entendez, les églises officielles ou dites traditionnelles. Car, en définitive, elles sont les seules structures fiables autour desquelles les élections peuvent être organisées. Le peuple peut se cotiser pour des élections libres et démocratiques. Des collectes peuvent être organisées pendant trois ou plusieurs mois dans cette perspective et dans ces différentes églises.
Qu’on ne vous trompe pas, ce peuple affamé est capable de se mobiliser. D’ailleurs, il le fait déjà. Nos curés et pasteurs des paroisses peuvent le témoigner. Et puis, souvenez-vous de l’époque où Monsieur Nguz, alors Premier ministre, avait menacé de fermer la Conférence Nationale Souveraine faute d’argent. Quelle n’a pas été la surprise de voir tout un peuple décidé de financer sa Conférence Nationale! A l’époque, Monseigneur Monsengwo n’a pas osé engager le peuple dans la nouvelle voie qu’il s’était librement choisi. Les Congolais savaient que ce serait dur mais ils voulaient prouver à l’humanité qu’ils étaient capables de le faire.
A l’époque, l’Union Européenne qui avait sans doute compris les enjeux de pareille décision de la part d’un peuple s’est empressée à débloquer de l’argent pour la poursuite de la Conférence. Oui, l’Union Européenne a compris qu’il fallait étouffer cet élan. En effet, un peuple qui est capable de financer sa Conférence réalise vite qu’il est capable de financer ses écoles, ses routes, ses hôpitaux, ses églises, et d’imprimer à sa vie un rythme à la mesure de ses moyens.
La Communauté Internationale dans ses élans de charité meurtrière a souvent interrompu les expériences de lutte des peuples du Tiers Monde sous prétexte que ces peuples sont pauvres. Ce discours démobilisateur fait de ces peuples des éternels mendiants alors que tout homme sait que la main de celui qui donne est toujours au- dessus de la main de celui qui reçoit.
La Communauté Internationale dans ses élans de charité meurtrière a souvent interrompu les expériences de lutte des peuples du Tiers Monde sous prétexte que ces peuples sont pauvres. Ce discours démobilisateur fait de ces peuples des éternels mendiants alors que tout homme sait que la main de celui qui donne est toujours au- dessus de la main de celui qui reçoit.
Pauvres, oui les Congolais le sont à chaque fois qu’il sera question de se mobiliser pour sortir de l’esclavage que leur imposent ceux qui se font de l’argent sur leur dos. Demandez à Vodacom ce qu’il fait comme chiffres d’affaires dans ce pays où semble-t-il tous sont pauvres? Avec quoi ces pauvres paient-ils pour communiquer? Qui fait que cette société puisse croître au point de conquérir même les villages les plus reculés de ce pays où apparemment les pauvres sont plus pauvres que Job? Comment les pauvres ont-ils pu contribuer aux nombreux efforts de guerre à l’Est, Ouest et au Nord afin de permettre aux uns et aux autres de garder leurs positions acquises par les armes?
Pauvres, oui le peuple congolais l’est et se reconnaît pauvre. Mais cette fois, il veut rassembler ses petits moyens de pauvres pour sortir réellement de la pauvreté physique et surtout mentale dans lesquelles ses propres gouvernants et leurs complices d’ailleurs les ont plongés depuis des décennies.
Non, ce peuple ne veut plus s’auto détruire. Il désire plutôt grandir et devenir réellement indépendant. Et ce n’est pas avec l’argent, le matériel, les vivres de la communauté internationale qu’il apprendra à produire, ni à gérer et encore moins à se choisir librement ses dirigeants. Qui finance des élections dans un pays le fait pour amener au pouvoir des responsables qui peuvent lui garantir le remboursement des dettes qu’on a, en toute liberté, proposées et imposées au peuple! Plus de cinquante années d’assistance ont suffisamment témoigné ce que plusieurs d’entre nous et même d’étrangers affirment aujourd’hui.
Fort de ce qui précède, il semble urgent de passer à du concret. Il sera question de voir les sources de financement à l’intérieur du pays, la formation du peuple, l’organisation matérielle des élections, l’organisation des équipes chargées des enquêtes sur les candidats à des postes de responsabilité, etc. [Place aux stratégies concrètes]
1. Combat pour une Commission Électorale Indépendante
Les débats autour de la CENI posent, avant tout, la question de l’indépendance de la dite institution. Au regard de sa composition actuelle et contrairement à la Constitution, la CENI est devenue une institution indépendante du peuple mais dépendante des composantes politiques désormais majoritaires en son sein. Dans leur fonctionnement la CEI et la CENI ont régulièrement hypothéqué leur indépendance en se rangeant derrière le régime en place. A ce stade de la réflexion, deux questions viennent à l’esprit : Comment faire pour faire pression sur la CENI pour assurer l’indépendance effective de cette institution?
Dans un premier temps, il faut continuer les pressions actuelles par les partis politiques, les associations de la société civile expertes en cette matière. Néanmoins, il faut étendre cette pression au niveau des églises. En effet, de par la présence des églises à travers leurs membres au haut niveau de la sphère politique de ce pays, les responsables d’églises doivent se souvenir de la mission qui est celle des hommes et femmes d’églises qui jouent aux politiques actifs au sein des institutions politiques telles que le Sénat, le Parlement et les institutions citoyennes.
Les hommes et femme d’églises, animateurs de ces institutions ont été placés à la tête de celles-ci comme l’expression d’une réponse précise au défi de l’absence de moralité et d’éthique au niveau de l’espace politique de ce pays. Ils sont aujourd’hui politiciens actifs parce que les croyants ont décidé de se jeter à l’eau pour prouver que la politique est quelque chose de sain et qui peut et doit se faire avec des normes éthiques de service à rendre à la société.
Il est donc du devoir de chaque citoyen et surtout de chaque croyant de tirer la sonnette d’alarme pour que demain les responsables d’églises ne soient pas surpris par le désaveu qui viendrait des fidèles à cause du comportement ambigu des acteurs politiques, hommes et femmes, croyants, placés depuis de nombreuses années à la tête des institutions de la République.
Il est donc du devoir de chaque citoyen et surtout de chaque croyant de tirer la sonnette d’alarme pour que demain les responsables d’églises ne soient pas surpris par le désaveu qui viendrait des fidèles à cause du comportement ambigu des acteurs politiques, hommes et femmes, croyants, placés depuis de nombreuses années à la tête des institutions de la République.
Dans cette perspective, il ne suffit pas pour les officiels des églises de continuer à affirmer que les hommes et femmes d’églises qui animent ces institutions le sont à titre personnel et n’ont pas été mandatés par l’église.
Cette affirmation ne veut rien dire pour le commun des fidèles. Ce que ce dernier voit c’est un abbé de l’église catholique romaine qui dirige la CENI et orchestre la tricherie depuis 2006 ! Un pasteur protestant a pris le relais en 2011 ! Tous sont croyants, chrétiens et y sont allés pour que l’éthique chrétienne, les valeurs chrétiennes animent leurs actions et qu’ils servent de levain de la pâte politique pour un futur meilleur. Affirmer autre chose n’est que maladroite hypocrisie !
2. La quête pour les élections
Les responsables des églises, catholique, protestante, kimbanguiste, orthodoxe, musulmane ainsi que les églises de réveil peuvent organiser, par défi, des quêtes pour les élections. Dans cet effort qui impliquera toutes les paroisses et autres temples et mosquées à travers le pays, le peuple s’engagera à différents niveaux.
Pour être efficace, cette quête se fera dans les communautés ecclésiales de base ou cellules. Les ONGs et autres associations crédibles impliqueront leurs membres quitte à verser l’argent dans des comptes indiqués au préalable. Dans cet effort, aucune couche de la population ne devra être épargnée. Et chacun donnera en tenant compte de ses possibilités. Femmes commerçantes, chauffeurs taxis, gendarmes, mamans maraîchères, vendeurs de journaux, joueurs de football, de basket et autres sportifs, etc.
Cette opération est possible. La seule difficulté réside dans la capacité des Congolais à trouver parmi eux des gens suffisamment honnêtes afin d’éviter des détournements de fonds. A ce jour, seules les structures des églises offrent cette garantie. Mais à condition que le peuple se dote de mécanismes de contrôle pour éviter les surprises dont parfois les Congolais, même homme d’églises, pris individuellement, sont à même de créer en matière de gestion.
Cette dernière difficulté ne doit pas décourager. De toutes les façons, les détournements, dans ce pays, n’ont jamais mis fin à la charité occidentale. Et puis, personne ne compte confier cet argent entre les mains de ceux des fils et filles de ce pays qui n’inspirent pas confiance. Bien plus des hommes et femmes de confiance existent encore dans ce pays. Il suffit de les détecter car en définitive, les Congolais ne feront cette opération qu’avec les filles et fils de ce pays.
Des calculs simples révèlent qu’il sera question pour chaque Congolais de verser l’équivalent de 1000 FC par mois à raison de 250 FC congolais par dimanche à l’église. Si l’on compte 30 millions de potentiels contributeurs, pareille cotisation donnerait 30 millions de dollars US, par mois et en 10 mois, les Congolais seront capables de rassembler 300 millions de dollars US. De quoi pouvoir financer bon nombre d’opérations électorales ainsi que l’achat du matériel d’élections! Sans compter que, grâce au volontariat d’un bon nombre de citoyens, les frais seraient réduits à la baisse.
Concrètement, une campagne rondement menée avec l’appui des églises, des radios locales, des chaînes de télévision ainsi que de porte à porte par les croyants, pendant un mois peut aider à mobiliser avec pour objectif une cotisation de 1$ par mois chacun et pendant 10 mois. Cet argent pourrait être logé dans un compte en banque pour rassurer les uns et les autres. On pourrait ainsi constituer un basket fund national pour les prochaines élections.
Des calculs simples révèlent qu’il sera question pour chaque Congolais de verser l’équivalent de 1000 FC par mois à raison de 250 FC congolais par dimanche à l’église. Si l’on compte 30 millions de potentiels contributeurs, pareille cotisation donnerait 30 millions de dollars US, par mois et en 10 mois, les Congolais seront capables de rassembler 300 millions de dollars US. De quoi pouvoir financer bon nombre d’opérations électorales ainsi que l’achat du matériel d’élections! Sans compter que, grâce au volontariat d’un bon nombre de citoyens, les frais seraient réduits à la baisse.
3. Les moyens de communication
Qu’on le veuille ou non, avec le téléphone cellulaire et sa couverture nationale et les réseaux sociaux (Facebook, Viber, Twitter, etc.) la diffusion de l’information sur le déroulement et la proclamation des résultats des élections bénéficie d’outils intéressants si utilisés à bon escient et avec responsabilité. Couplés aux nombreuses phonies missionnaires, ces outils peuvent devenir des outils déterminants dans la fiabilité et la rapidité des informations durant la période avant, pendant et après les élections.
Certes, cette manière de voir les choses fait sourire plus d’un; mais bien organisé, ce peuple peut créer un réseau de cellulaires et de phonies auquel se joindrait l’Internet et les réseaux sociaux dans les milieux où la chose est possible pour une meilleure distillation de l’information.
La seule difficulté réside dans le choix des personnes honnêtes qui seraient chargées de communiquer les informations et les résultats une fois comptabilisée. Pour contourner cette difficulté, on peut exiger la présence des témoins au moment de la communication des résultats. Ce réseau devra être connu de tous bien avant le début des élections.
4. La formation de la population
Le travail de formation et de conscientisation qui se fait actuellement est bon et mérite d’être poursuivi. Il est question d’améliorer la qualité des animateurs du mouvement démocratique et d’atteindre les coins les plus reculés du pays en prenant pour relais les organisations et associations ainsi que les commissions Justice et Paix, CALCC et autres œuvrant dans les chefs lieux des régions.
Toujours dans ce cadre de la formation du peuple, il faudra améliorer les supports pédagogiques pour atteindre une couche importante de la population. Théâtres didactiques, documentaires, bandes dessinées, boites à images, calicots avec messages, chants, poèmes, radios, télévisions, etc. témoigneront de la créativité de ce peuple et multiplieront les capacités d’atteindre les différentes couches de la population.
Dans cette perspective, les échos qui viennent des églises et particulièrement de l’église catholique sont bons. En effet, les membres de cette église comme des autres ne doivent pas hésiter un seul instant à offrir leur cadre et leur expertise pour la formation du peuple. En ce qui concerne l’église catholique par exemple, le temps d’un inventaire des religieux, religieuses, abbés et laïcs formés à cette tâche, pour ce programme de formation, peut commencer grâce à l’élaboration d’un contenu que l’on doit juste réadapter.
5. La libéralisation des médias
Dans le cadre de la formation du peuple, le combat pour la libéralisation des médias officiels doit se mener autrement que par les seules déclarations et prises de position. Le peuple doit mettre en place des radios libres, sa propre presse en dehors de celle de gauche ou de droite.
Les radios : catholique, protestante, kimbanguiste et rurales doivent continuer à faire pression sur la presse officielle pour l’aider à s’ouvrir à tous. C’est par le jeu de la concurrence qualitative que cette presse officielle s’ouvrira à tous. Mais, ceci exige du courage de la part des radios d’églises qui doivent éviter de rester derrière une radio dite d’évangélisation ou « Nsango Malamu » (Bonne Nouvelle) qui n’est que refus voilé de prendre les responsabilités vis-à-vis de ce peuple qui lutte pour sa libération.
Dans ce combat, le plus grand souhait est celui de voir la Haute autorité des médias jouer pleinement son rôle. Et le peuple se doit de l’aider dans cette mission en l’interpellant chaque fois que nécessaire; mais aussi en lui donnant les moyens de son fonctionnement.
6. Les enquêtes sur les candidats
Le but poursuivi est de rapprocher les candidats du peuple qui devra les élire. La population doit s’organiser pour mieux connaître ses candidats. C’est leur seule chance de mettre à la tête de l’état et des institutions des personnes crédibles. Pour ce faire, il faut faire connaître les critères d’un bon candidat. La commission de l’Ethique à la Conférence Nationale Souveraine ainsi qu’au Dialogue inter-congolais en a déterminé le profil. Des animateurs socio-politiques de quartier organiseront ces enquêtes avec des relais à l’intérieur si la piste d’un candidat mène à l’intérieur.
Les enquêtes sur les candidats doivent être sévères pour décourager les aventuriers. Tout celui qui sera candidat doit savoir que sa vie sera objectivement exposée sur la place publique. […] Ces enquêtes seront aussi l’occasion de décourager tous ceux dont les noms ont été mentionnés dans les dossiers des biens mal acquis, des assassinats, des récents pillages, de crimes contre l’humanité, de divers trafics illicites et de blanchissement d’argent. Le peuple se doit d’exiger d’eux qu’ils en terminent avant tout avec la justice.
Mais, pour faciliter les choses, ceux des Congolais qui ont décidé de s’installer à Kinshasa doivent se refuser d’aller briguer des postes dans des régions qu’ils ont abandonnées depuis belle lurette. Des candidats du terroir seront plus faciles à suivre lors des enquêtes. Ceux qui viennent de loin comme de Kinshasa, quand bien même ils seraient de la région ne sont pas souvent sincères. Sinon, pourquoi n’osent-ils pas se présenter à Kinshasa où ils ont décidé de s’installer et où on les connaît mieux ? Pareils candidats ressemblent aux nombreux fidèles suspects des nouvelles Eglises Indépendantes qui habitent Lemba et qui prient le dimanche à Malweka loin des regards curieux de tous ceux qui les connaissent. Les Congolais sont invités à faire le choix des résidants de leurs régions et non nécessairement des originaires opportunistes qui reviennent pour le pouvoir !
Les enquêtes sur les candidats doivent être sévères pour décourager les aventuriers. Tout celui qui sera candidat doit savoir que sa vie sera objectivement exposée sur la place publique. Il ne s’agira pas de le calomnier. Aussi, les journalistes auront une grande responsabilité lors de ces enquêtes. De leur objectivité dépendra l’information et sans doute le choix de beaucoup de Congolais. Mais, la presse seule ne suffit pas dans un pays comme le Congo où les journalistes confondent mensonge et vérité et où les journaux ne sont pas accessibles à tous.
Ces enquêtes seront aussi l’occasion de décourager tous ceux dont les noms ont été mentionnés dans les dossiers des biens mal acquis, des assassinats, des récents pillages, de crimes contre l’humanité, de divers trafics illicites et de blanchissement d’argent. Le peuple se doit d’exiger d’eux qu’ils en terminent avant tout avec la justice. Le peuple ne les condamne pas. Mais ils doivent comprendre que des hommes et femmes sur qui pèsent de lourdes présomptions ont intérêt à ce que la justice les lave de tout soupçon avant de briguer un poste de responsabilité.
A cet effet, les comités de quartier, la presse, les diverses organisations doivent, dès maintenant, reprendre la publication de ces listes avec les griefs reprochés aux uns et aux autres. Les élections n’ayant pas encore commencé, ces frères et sœurs ont largement le temps de se référer à la justice et de se donner ainsi une chance pour les prochaines échéances électorales.
7. Le matériel de vote
En ce qui concerne les urnes, isoloirs et autres bulletins de vote, on ne cesse de le répéter. Si chaque communauté ecclésiale de base ou cellule s’y met, il est possible de doter ce pays d’urnes et d’isoloirs de qualité bien meilleure de celles à usage unique que la CENI achète à des prix inacceptables pour un gouvernement qui affirme ne pas avoir beaucoup de moyens. Très concrètement, on peut demander à chaque C.E.B. de fabriquer 2 ou 3 urnes en bois dont l’un des côtés sera en treillis moustiquaire pour assurer la transparence.
Il en sera de même pour les isoloirs en nattes « etoko » de chez nous. Tout le monde le sait : ce n’est pas la transparence des urnes qui assurent la transparence des élections mais bien la transparence dans la gestion des toutes les opérations liées aux élections depuis les préparatifs en passant par le déroulement et la proclamation des résultats ainsi que la gestion des contentieux.
Quant aux bulletins de vote, l’Hôtel des Monnaies est suffisamment outillé pour assurer cette tâche. N’est-ce pas que tous nos imprimés de valeurs sont réalisés par cette institution. Il est question de faire confiance à cette institution tout en mettant les gardes fous pour s’assurer une grande transparence dans l’accomplissement de cette délicate tâche.
Les avantages de la production locale de ce matériel sont manifestes : des emplois offerts aux entreprises congolaises, des heures de travail pour de nombreux Congolaises et Congolais, une réduction du coût de production et de transport de ce matériel, etc.
8. Les leaders de la prochaine république
Il est plus que temps pour le peuple de s’investir dans l’investigation des leaders auxquels il voudrait confier des tâches dans les années à venir. Si le profil a suffisamment été détaillé et enseigné, il faut maintenant expliquer au peuple les stratégies à utiliser pour convaincre tous ceux qu’il pense pouvoir lui rendre service.
Dans un premier temps, le peuple doit regarder autour de lui à la base, dans la CEVB. ou cellule, dans le quartier, dans les partis politiques où certains d’entre eux militent. C’est ici qu’il trouvera ses futurs dirigeants. Une fois ces personnes découvertes, dans le respect strict du profil, le peuple devra s’organiser pour rencontrer ces personnes. Car souvent, les gens de qualité ne se battent pas pour le pouvoir. Ils en ont plutôt peur parce que convaincus de l’ampleur des tâches qui les attendent. Il faut donc les amener à accepter.
Des pétitions signées dans le quartier permettront de les convaincre des attentes de tous. Qu’on ne se trompe pas ! Ces leaders de la nouvelle génération existent. Et leur différence avec les anciens réside souvent dans leur refus de se battre pour le pouvoir.
Dans ses efforts de faire émerger ce nouveau leadership, le peuple ne doit pas seulement se pencher du côté des hommes. Des femmes de grandes qualités attendent aussi qu’on les jette à l’eau. Pour ce faire, elles espèrent voir l’appui des uns et des autres se manifester avant qu’elles ne posent officiellement leurs candidatures.
Ici aussi, il ne faut pas se laisser éblouir par celles qui prétendent avoir une virginité politique. Beaucoup d’entre elles ont longtemps oeuvré comme conseillères du système qui est décrié aujourd’hui.
Une fois ce genre d’hommes et de femmes dénichés, car il s’agit vraiment de les dénicher, le peuple organisera lui-même la campagne pour eux. Ceci afin de ne pas leur donner le prétexte de reculer dans un contexte où l’on veut faire croire que seuls ceux qui ont l’argent pourront se faire élire. Le peuple peut se mobiliser pour faire des affiches simples sur chacun de ses candidats. La colle, les clous, le « foufou » ou autres ingrédients seront utilisés pour afficher les effigies des candidats désignés par le peuple. Les panneaux seront les murs des parcelles, les arbres à chaque coin de rue, sur les voitures, bus et camions. Dans les villages, le tam-tam traditionnel peut être utilisé. D’ailleurs, il est encore d’usage pour annoncer des décès. Pourquoi ne serait-il pas d’usage lors de la campagne des candidats issus du peuple?
Quant aux meetings, ils seront d’un genre différent, parce qu’ils ne tourneront pas autour de l’argent ni de la boisson qu’offrirait un candidat; les candidats du peuple n’ont pas cet argent parce qu’appauvris comme tous. Le peuple se mobilisera de lui-même et invitera le (ou la) candidat(e) pour l’entendre. Pareil entraînement a déjà commencé lors de nombreuses tribunes d’expression populaire.
Dans ses efforts de faire émerger ce nouveau leadership, le peuple ne doit pas seulement se pencher du côté des hommes. Des femmes de grandes qualités attendent aussi qu’on les jette à l’eau. […] Il ne faut pas se laisser éblouir par celles qui prétendent avoir une virginité politique. Beaucoup d’entre elles ont longtemps oeuvré comme conseillères du système qui est décrié aujourd’hui.
Les gouvernants peuvent mettre la barrière de l’argent pour ces candidats de la base. Ils peuvent exiger une caution exorbitante au moment de l’enregistrement des candidatures. Il revient au peuple de rester vigilant pour, en son temps, faire pression afin que l’argent ne soit pas un obstacle majeur.
Par ailleurs, chaque quartier, C.E.B. ou cellule doit s’organiser afin de réunir les frais pour les candidats qu’ils conduiraient aux élections. Ceci est important pour le contrôle futur des élus. En effet, quelqu’un qui serait élu à la sueur du front de chacun de ses concitoyens ne pourra pas se permettre de leur tourner le dos et restera vivre avec eux. Il faut donc dès les prochaines élections instaurer une tradition où pareille personne et toute sa progéniture se verrait refuser l’accès à un poste de responsabilité, en cas de trahison dans l’exercice des fonctions que le peuple lui confierait.
9. La sécurité
La sécurité avant, pendant et après les élections, est un problème crucial dans ce pays. Ici aussi, il n’a pas d’autres issues que le courage de la population. Il faut préparer des équipes de sécurité des quartiers rodées aux techniques de résistance non violente. Il est temps à présent, non seulement d’animer des sessions sur la non-violence, mais de créer des écoles d’entraînement où l’on formera des combattants aguerris aux techniques et stratégies non violentes.
Dans ces écoles, ils apprendront à organiser des marches pacifiques, à rédiger des pétitions, à prendre des coups sans les rendre, à s’adresser à ceux qui les oppriment sans haine, à dialoguer de manière constructive, à organiser des sit-in, à assurer la sécurité avant, pendant et après les élections.
Au sujet des élections, si le peuple apprend à ne pas se provoquer mutuellement, à venir à temps aux bureaux de vote, à se mettre en rang selon l’ordre d’arrivée, à ne plus faire campagne devant le bureau de vote, à refuser de se corrompre mutuellement, etc. il donnera une véritable leçon aux soi-disant politiciens.
Ce dont on parle ici n’est pas impossible à réaliser. Dans toutes les paroisses, lors des grandes manifestations, les fidèles parviennent bien à s’organiser sans pour autant faire appel à des policiers ou autres militaires déguisé en policiers. Si actuellement, les agents de l’ordre sont incapables d’assurer la sécurité de leurs concitoyens, il revient à ces derniers de leur indiquer lors de ces élections la nouvelle manière d’assurer la sécurité des biens et des personnes.
Lors des élections, devant chaque bureau de vote, les électeurs peuvent s’entendre afin de mettre un dispositif de sécurité avec des frères et sœurs volontaires, portant des banderoles distinctives et s’adressant continuellement à tous afin d’éviter le désordre. Il faut aussi prévoir des annonciateurs qui feraient comme ces prédicateurs qui réveillent les gens chaque matin dans les quartiers populaires. Ils auront pour rôle de réveiller les électeurs ce jour là et de les inciter à aller attendre en rang devant les bureaux de vote. Les électeurs pourraient, à cet effet, s’aligner devant les bureaux CEVB après CEVB ou cellule après cellule.
Il faut faire des prochaines élections une grande fête pour faire une démarcation nette d’avec les élections de 2006 et 2011.
10. Que dire de la société civile et des églises ?
Il est évident aujourd’hui qu’il ne suffit plus de faire ni d’entendre des déclarations sur les conditions pour des élections libres et démocratiques. Il ne suffit pas non plus d’attendre que les gouvernants mettent en place les conditions pour des élections libres et démocratiques. Les gouvernants actuels ne le feront pas et quand ils le feront, ils le réaliseront en retard pour dérouter et surprendre la population.
C’est pourquoi, les Congolais de tout bord s’adressent de plus en plus aux églises et à toutes les organisations préoccupées par le sort de ce peuple. A l’époque, on pouvait aussi compter sur la société civile, mais les politiciens de « droite » comme ceux de « gauche » se sont sentis en danger et ont vite fait de politiser cette frange organisée de la population. Et les membres de cette société civile n’ont pas compris les enjeux et se sont engouffrés naïvement dans le piège qui leur a été tendu.
Pour mettre les choses en branle et en mouvement, les églises, de la hiérarchie au peuple de Dieu, devront s’impliquer de manière active. En effet, il y a lieu de le répéter plusieurs fois, les églises restent dans ce pays, les seules structures qui peuvent réellement s’opposer à la maffia institutionnalisée qui réduit ce peuple à l’esclavage.
Les églises n’ont pas le droit de baisser les bras. Qu’elles se donnent, ensemble avec le peuple de Dieu, des échéances et qu’elles mettent les choses en route. Les politiciens et les actuels gouvernants, devant leur farouche volonté d’aller aux élections dans le sens que veut ce peuple se sentiront obligés d’accompagner leurs actions s’ils ne veulent pas voir leur rejet total de la part de ce même peuple au nom duquel ils prétendent tous parler. En effet, les nombreuses hésitations de la hiérarchie des églises ne profiteront pas à ce peuple. Et l’histoire risque de porter un jugement sévère sur l’action de nos églises.
Il en va de même de la communauté internationale. Elle ne respectera les Congolais et le Congo que lorsqu’elle aura mis en branle une démarche à partir de la base et qui mettrait leurs politiciens et tous les manipulateurs de la scène politique congolaise devant un fait accompli.
En guise de conclusion
L’organisation et la tenue des élections libres et transparentes en République Démocratique du Congo constituent le principal objectif des deux prochaines années. Toutefois, ces élections ne doivent pas se dérouler à n’importe quel prix et de n’importe quelle manière.
Le plus urgent aujourd’hui semble-t-il, c’est la collecte des fonds à l’intérieur du pays, la formation et la conscientisation du peuple parmi lequel se trouvent les futurs dirigeants en vue de lui redonner la confiance en lui-même et de le dynamiser pour qu’il se prenne en charge. Cette formation-conscientisation qui amènera le peuple à développer une conscience politique critique ne se fera pas uniquement par des discours, des enseignements théoriques mais surtout par la praxis libératrice. Dans ce sens, les ONGs de droits de l’homme et de promotion de la démocratie, les diverses associations de la société civile et les partis politiques devraient s’investir dans ce travail avec le peuple et non pour le peuple.
A court et à moyen terme, si l’on doit organiser des élections, il faudra les considérer comme un exercice d’apprentissage de l’expression libre du peuple. Elles ne mettront pas fin à la lutte de la libération mais constitueront un point de départ pour une nouvelle lutte. Il ne faut donc pas se faire d’illusion : les élections ne sont pas synonymes de démocratie et ne sont pas une garantie de bonheur pour le peuple qui souffre et qui lutte.
On veut des élections libres et démocratiques, transparentes, que l’on commence à pratiquer cela aux seins des différentes associations. Combien de responsables d’ONGs le sont devenus suite à des élections libres et transparentes ? Combien de partis politiques ont procédé à des élections véritablement démocratiques pour mettre en place leurs dirigeants ? Combien d’associations fonctionnent vraiment selon le modèle démocratique et incarnent les valeurs morales sur lesquelles devraient reposer toute société démocratique ?
Cette formation-conscientisation théorico-pratique ne servira pas seulement à la création d’une nouvelle classe politique plus nationaliste et responsable mais permettra à tous ces « Gandhi » et autres « Mandela » qui sont cachés dans cette société d’émerger et de se mettre au service d’une nation libre et prospère.
Cette marche constitue un processus à long terme de l’accouchement d’une nouvelle société. A court et à moyen terme, si l’on doit organiser des élections, il faudra les considérer comme un exercice d’apprentissage de l’expression libre du peuple. Elles ne mettront pas fin à la lutte de la libération mais constitueront un point de départ pour une nouvelle lutte. Il ne faut donc pas se faire d’illusion : les élections ne sont pas synonymes de démocratie et ne sont pas une garantie de bonheur pour le peuple qui souffre et qui lutte. Organisées dans des conditions optimales, elles permettent de faire un pas vers la démocratie. C’est pour créer et obtenir ces conditions optimales que tout le peuple congolais devra s’engager aujourd’hui dans un élan de grande solidarité à l’intérieur comme à l’extérieur du pays.