Par Jean-Pierre Mbelu
Un certain intellectualisme ou un certain idéalisme confine plusieurs compatriotes Congolais à ne pas questionner la conception de la politique qui est en vogue au Congo-Kinshasa depuis la guerre de l’AFDL. Quand ‘’le capitaine du bateau MP’’ parle, il ne semble pas être suffisamment écouté. Même quand il affirme sa conception guerrière de la politique. Souvent, nous sommes plusieurs à croire qu’il est taiseux. Pourtant, il parle et sans ambages.
Un verbatim sur la rencontre de la MP à Kingakati le 25 août 2014 nous est parvenu. Il est d’une grande clarté du point de vue des questions abordées à la ferme de ‘’l’Autorité morale de la MP’’. Ce texte lu posément révèle que la politique au Congo-Kinshasa est en train de se convertir assez profondément en ‘’une question de survie’’ d’un groupe d’individus ayant peur de rendre des comptes à la population congolaise sur sa ‘’gestion catastrophique’’ du pays depuis la guerre de l’AFDL. Ce texte a un côté interpelant. Il met en scène une expression libre et détendue de plusieurs membres de la MP et du ‘’raïs’’. Ce dernier reconnaît les faiblesses de sa MP du point de vue de la communication. Au lieu de parler des kilomètres de routes construits, la MP passe tout son temps à faire de kilomètres de discours sur la révision constitutionnelle. Elle s’est laissée prendre dans ‘’le piège de l’opposition’’ qui n’a pas l’obligation des résultats et qui peut passer tout son temps à parler.
‘’Le raïs’’ reconnaît que la constitution de Liège est violée en permanence. Il prend deux exemples : celui des 40% de recettes à rétrocéder aux provinces et celui de la subdivision du pays en 26 provinces. Jusqu’à ce jour, il n’y a pas eu rétrocession et la subdivision du pays n’a pas eu lieu. A ses yeux, le Congo-Kinshasa doit passer par plusieurs réformes. ‘’Le raïs’’ pose aussi la question de ‘’la souveraineté du pays’’ après s’être rendu compte de la panique provoquée dans les rangs de sa MP quand ‘’un fonctionnaire (US)’’ est venu donner la position de son pays sur la révision constitutionnelle. Il annonce la mise sur pied d’un gouvernement ‘’de cohésion nationale’’ charge de l’exécution des 600 recommandations issues des ‘’concertations nationales’’ ainsi que d’autres réformes. L’opposition a déjà mis à sa disposition une liste des ministrables et le gouvernement pourrait être mis place avant le 15 septembre.
De quelle opposition est-il question ? Le proche avenir nous aidera à répondre à cette question si ‘’le raïs’’ tient cette fois-ci parole. Il est déjà plus ou moins sûre qu’il n’ira pas du côté de cette opposition ayant ‘’des gens avec un cœur rempli de haine qui cherchent la vengeance’’.
‘’Le raïs’’ dit avoir été naïf d’avoir cru que ‘’l’opposition était capable par un jeu démocratique d’amener le pays de l’avant (sic)’’. Rompant avec cette naïveté, il estime que « la question de conserver le pouvoir ne se pose pas. C’est une question de survie. »
Il a une approche martiale de la politique. Justifiant le fait qu’il ne soit plus capable de respecter ‘’la sacralité de la Constitution ‘’ qu’il avait jurée de respecter eu égard à sa singularité –Joseph Kabila n’est pas comme les autres, avait-il dit-, au cours d’une interview donnée en 2006-2007, il soutient ceci : « il faut reconnaître que la RD Congo n’est pas comme n’importe quel pays. Nous n’avons plus la même situation, le même contexte, il faut s’adapter. Je considère qu’on est engagé dans un vrai combat politique. Comme dans l’armée, il y a ceux qui ne peuvent pas aller au front parce qu’ils ont peur. Il y a les peureux qui ne veulent pas aller face à l’ennemi. Est-ce qu’on a le choix ? Soit on abandonne le combat et on est écrasé, soit on continue et on espère gagner. »
Ces textes aident à comprendre clairement que la politique menée par la MP et son ‘’Autorité morale’’ n’est pas l’art de participer à l’édification de la cité par la parole échangée et les actions menée pour la reproduction matérielle des populations congolaise, pour leur sécurité et pour l’équité dans la mise en pratique des décisions collectives. Non. ‘’C’est une question de survie’’ engageant quelques ‘’clients’’ avec lesquels ‘’une guerre’’ est menée contre ‘’l’ennemi haineux’’ à écraser. A partir de ces textes, il ressort que l’autre, le différent, l’opposant politique n’est pas perçu comme un adversaire mais comme ‘’un ennemi’’ à écraser.
Cette approche de la politique est décrite telle quelle dans un document publié par la FIDH en 2009 et intitulé ‘’République Démocratique du Congo. La dérive autoritaire du régime’’. Les points inscrits au deuxième chapitre de ce texte intitulé ‘’La volonté de faire taire toute opposition politique’’ méritent d’être mentionnés : ‘’Eliminer le principal rival par tous les moyens’’ et ‘’la répression qui vise aujourd’hui toute opposition politique’’.
Ce texte téléchargeable sur Internet indique que l’approche martiale de la politique dans le camp de la MP demeure une constante depuis la guerre de l’AFDL et l’affrontement entre la garde prétorienne du ‘’raïs’’ et le MLC.
Il arrive que plusieurs d’entre nous soutiennent que ‘’le raïs’’ ne parle pas. Il est taiseux. Mais quand il parle, tout de suite après, ce qu’il a dit est rapidement oublié, semble-t-il. A Kingakati, il a affirmé sa conception guerrière de la politique en avouant qu’il n’a pas le choix entre combattre pour écraser l’ennemi et abandonner le front et être écrasé. (A suivre)
Mbelu Babanya Kabudi