Par Momi M’Buze
30 juin 1960 – 30 juin 2016… « A croire que depuis 56 ans les 30 joints sont restés allumés », dit mon ami et artiste hip hop kinois Lexxus Legal. Qu’est ce qui a changé au pays? Des noms de lieux, des noms de fleuve, rivières, lacs. Des noms de personnes, de régime mais pas les noms des maîtres de plantation. Oui, on a chasser un « dictateur » pour le remplacer par pire et moins compétents (du chef de bande à ses hommes de main. Oui, on a changé le nom d’un pays pour le remplacer par un autre puis revenir à un autre sans reprendre aussi les noms des villes données par les colons. Pourquoi ne pas l’avoir fait si le précédent régime était si nullard que çà?).
C’es à ce demander parfois si ceux qui prétendent apporter la démocratie ne sont pas des fumeurs de substances illicites. La rumeur dit qu’un d’entre eux à la tête d’une grande des plus grandes villes du pays le serait, je vous laisse chercher car pour ma « propre sécurité », je ne citerai pas de nom. Bref, passons…
Un jour, sur une de mes publications sur Facebook, une de mes aînées avait mis un commentaire en disant « mais où est la RDC aujourd’hui? » ma réponse fut simple: « là où nos aînés nous l’ont laissé, sur le bord de la route, en mauvais stationnement ». Oui, car ces événements qui ont bouleversé notre peuple depuis 1960, nous, la jeune génération, ne l’avons pas connu et n’y avons pas participé.
1960: « Indépendance Cha Cha », nous n’étions pas là, alors vraiment pas. Ce sont nos aînés qui ont négocié et fêté l’indépendance, comme si la liberté d’une vie passée entre les mains d’un esclavagiste pouvait se négocier avec lui d’égal à égal. De plus, ils ont laissé le volet économique entre les mains de conseillers « belges » avec des représentants de l’état… belge.
1961: Désordre politique entre Lumumba et Kasavubu puis assassinat du premier. Nous n’étions pas là non plus. Qui de Lumumba et de Kasa-Vubu avait la loi de son côté, je pense Kasa Vubu. Et qui avait la conscience et le souci de la nation de son côté: je pense Lumumba. Mais les deux, comme dans le cas de beaucoup d’autres leaders africains, vont se télescoper au grand plaisir des belges, américains, anglais, israéliens etc…
1965: coup d’état en douceur de Mobutu, zéro tué! Nous n’étions pas là non plus pour peser sur les choses. Mais les témoignages des ainés que j’en ai eu, dont par mon défunt beau-père qui y avait pris part, ce fut un plan magistralement bien orchestré où des gens se sont fait prendre comme des enfants pensant être invité à un cocktail alors qu’ils allaient pour ainsi dire être « pris en otage » sans violence et avec le sourire.
1967: Naissance du MPR, Mouvement Populaire de la Révolution. J’ai toujours été curieux de savoir à quel point il était concrètement populaire ce MPR, surtout à l’intérieur du pays et durant les années de chaos qui allaient suivre. L’idéologie était là avec le Manifeste de la N’sélé (dont que certains ont magnifiquement bien plagié pour nous sortir le concept des 5 chantiers/charniers de la république) mais quelque chose n’allait pas entre les objectifs et les personnes qui devaient la réaliser.
1971: la République Démocratique du Congo devient la République du Zaïre, c’est la deuxième république, la Zaïrianisation est en marche. La plus part de ceux de ma génération n’étaient pas là ou venaient à peine de pousser leur premier cri de nouveau né pour pouvoir participer comme citoyen. Changer le nom et passer à Zaïre, oui! Surtout si çà permet de faire mettre un terme à certaines velléités tribalistes observés dans la période 1955 – 1960, où certains (voire à ce jour) espèrent pouvoir recréer l’ancien royaume Kongo au nez et à la barbe des autres c’est-à-dire: Bangala, Baswahili, Baluba. Il fallait faire savoir qu’aucun peuple ne devrait avoir son nom pour facteur commun aux centaines de peuples que nous formons. Et la politique d’Authenticité a réellement permis de prendre à contre-pied l’Occidentalisation des noirs que nous étions, en nous donnant le nom du maître.
1977-1978: les guerres (d’agression) du Shaba, ces guerres, avec le recul, me font penser aux guerres actuelles en Afrique et dans mon pays, au Kivu. Des groupes armées, « gendarmes katangais » venus depuis l’Angola voisin, attaquent plusieurs villes de l’actuelle province du Katanga (anciennement appelée Shaba) dont la ville martyre de Kolwezi, où ils se feront « plaisir » comme les groupes armées à l’est de la RDC à la différence que les gruopes armées actuels ,e touchent jamais aux gentils blancs expatriés des ONG et autres organisations travaillant pour les gouvernements prédateurs du Congo. Pour rappel: le FPR de Paul Kagamé a donné naissance à l’AFDL de Laurent Désiré Kabila qui donnera naissance au RCD, qui donnera naissance au M23. Une lignée de groupes terroristes/armés d’ascendance rwandaise. Comprenons nous bien (oui car il y a des abrutis aussi qui me lisent), je parle de l’état rwandais pas du peuple.
Là où nous allons n’est pas encore écrit et cette fois-ci contrairement aux autres années, aux autres générations, la nôtre devra de se montrer bien plus combative, bien plus radicale, bien plus formée et informée sur le sujet et surtout beaucoup plus ancrée idéologiquement dans le panafricanisme, exit les nationalismes bidons, et de solutions PAR NOUS, POUR NOUS et AVANT LES NÔTRES.
Les années 80: la plupart de ceux de ma génération sont déjà nés mais ne sont que des enfants ou des pré adolescents voyant les choses se dérouler sans les comprendre sur le coup. Et là déjà, trop peu de parents ont entrepris le travail de formation idéologique. Une idéologie débarrassée du tribalisme et de l’élitisme bourgeois digne des peuples aliénés par la colonisation et sa rage de vouloir faire de nous des blancs. Les années 80, c’est aussi la descente aux enfers, les premières fissures apparaissent dans l’économie. Oui déjà à l’époque, les bailleurs de fond avaient entrepris leur travail de pression voire de chantage sur le gouvernement.
1990: le multipartisme ou l’évasion de l’asile psychiatrique. Oui, le multipartisme, bien qu’étant « démocratique » selon les critères des « grandes démocraties », le multipartisme selon moi, aggrava un peu plus le désordre déja ambiant, aidé par des croches-pattes et autres doigts dans l’oeil pas du tout fair play sans parler du cinéma politique dont nous ne prendrons mesure que deux décennies plus tard. Nous étions des pré adolescents, nous commencions à comprendre les troubles qui secouaient le pays sans pour autant avoir voix au chapitre.
1991-1993: le pillage (organisé?) de la ville de Kinshasa et d’autres. Pour le premier, il nous a été raconté (et on nous le raconte encore) que des militaires mal payés sont descendus dans la rue et se sont fait justice eux mêmes en pillant tout à leur porté, suivi des populations « pauvres ». Pour le second, rebelotte, encore des militaires payés en monnaie de singe, non ce n’est pas un jeu de mot, demandez aux congolais ce qu’est le billet de banque « Mukomboso » c’est-à-dire Gorille. Dans les deux cas, je m’en rappelle clairement, j’ai assisté aux pillages, je voyais les pilleurs passer à longueur de journée devant notre rue. L’armée et le peuple se sont servis mais n’ont fait qu’aggraver les choses et légitimer ce qui allait suivre…
1997: L’invasion du Zaïre, avec la complicité de voisins et d’un Grand Combattant de la Liberté Africain alias Nelson Mandela, qui (re)devient la République Démocratique du Congo, par un pseudo mouvement national baptisé Alliance des Forces Démocratiques de Libération. J’aimerai insisté sur ces mots.
Alliance: c’est-à-dire, entrée masquée de gens armées de partout, surtout de l’armée rwandais. C’était eux la force de frappe de l’invasion, pas l’AFDL et ses kadogos pour la mascarade des méRdias occidentaux diffusant avec excitation la chute du régime, heure par heure.
Forces Démocratiques: des groupes armées ayant toujours fait l’usage de la violence peuvent-ils apporter la démocratie c-a-d le POUVOIR PAR ET POUR LE PEUPLE? J’en doute… Et l’histoire chaotique de ce pays me donne raison.
Libération: le plus beau des canulars depuis la fin des années 80. Plus aucun mouvement se revendiquant de Libération, né à partir de la fin des années 80, en Afrique (et peut-être ailleurs) n’en est un. La libération du pays d’un dictateur pour le replacer entièrement sous la coupe des multinationales avec pour cible le pillage du COLTAN (ressource naturelle classée comme matière stratégique par le Département d’Etat américain depuis… 1954, sauf erreur. Référence: l’auteur et conférencier Patrick Mbeko dans son livre sur le canada).
2001: Assassinat de Laurent Désiré Kabila. Bien qu’il ait bien mérité ce qui lui est arrivé, parce qu’ayant introduit le diable dans le pays, il était quand même un enfant du pays avec la « légitimité » de pouvoir être le président, de préférence par des élections et non en s’auto proclamant comme tel sous les applaudissements des anciens esclavagistes et envahisseurs. La même, comme lors d’un couronnement, lui succède son « héritier ». Ni par élection ni par un quelconque processus « DEMOCRATIQUE. Nous étions jeunes, insouciants et sans expérience pour et sur la chose: des spectateurs…
2006: Première élection truquée et faussée à l’avance mais soutenue, financée par les anciens esclavagistes et envahisseurs… Une personne n’ayant même pas l’âge légale requis, 40 ans, devient président à 36 ans. Mais c’est pas grave, après tout le constitution qui régit cette république n’a-t-elle pas été rédigée à… LIÈGE, chez l’ancien occupant. Vous parlez de symbole… Certains d’entre nous ont commencé, timidement, leur militantisme pour faire connaitre leur indignation et tirer la sonnette d’alarme.
2011: Seconde élection truquée et faussée d’avance, une fois de plus applaudie, soutenue, financée, protégée par les anciens esclavagistes. Ayant acquis de la maturité, nous sommes descendus dans la rue, partout où deux ou trois zaïro-congolais se trouvent dans le monde et nous avons dit NON sous forme d’un cri de ralliement général qui deviendra INGETA et donnera naissance à ce qu’on appelle « la génération Ingeta ».
S’en sont suivis des crimes de masse à répétition, où innombrables gens: hommes, femmes et enfants, ont été massacrés, humiliés, brutalisés, paupérisés alors qu’on leur avait promis 5 CHANTIERS en 2006 et une REVOLUTION DE LA MODERNITE en 2011. Goma, Walikale, Butembo, Beni, Sake, Bunia, etc… ainsi que d’autres villes ailleurs dans le pays. Des villes martyres avec un nombre incalculable et effrayant de morts, de viols, d’enfants orphelins de guerre et ce depuis la « libération » du pays. Jamais sous la deuxième république de tels crimes de masses avaient lieu avec autant de régularité et de barbarie.
Voilà où nous en sommes. Voilà, en gros, d’où nous venons. Mais là où nous allons n’est pas encore écrit et cette fois-ci contrairement aux autres années, aux autres générations, la nôtre devra de se montrer bien plus combative, bien plus radicale, bien plus formée et informée sur le sujet et surtout beaucoup plus ancrée idéologiquement dans le panafricanisme, exit les nationalismes bidons, et de solutions PAR NOUS, POUR NOUS et AVANT LES NÔTRES.
Que ceux qui veulent fêter, fêtent. Moi je ne fête ni ne souhaite de joyeuses fêtes d’indépendance comme si avec nos 6 millions de morts nous ne valions pas plus que ça. Moi je parle de Journée du Souvenir et de Recueillement.
Momi M’Buze