L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu corrige la lecture, par Radio Okapi, de l’arrivée au « pouvoir » de Joseph Kabila au Congo-Kinshasa, montre comment son bilan à la tête du Congo est positif pour ceux qui l’y ont placé, insiste sur l’importance d’une meilleure lecture et compréhension de notre histoire et de notre histoire avec l’autre, et explique pourquoi, nous congolais, nous devons nous engager dans une révolution des valeurs.
Sur la lecture de Radio Okapi de l’arrivée au « pouvoir » de Joseph Kabila
Le travail que fait radio Okapi est le même que celui des médias dominants. Laurent-Désiré Kabila ne vient pas renverser Mobutu du pouvoir. . Laurent-Désiré Kabila est une marionnette manipulée par les forces anglo-saxonnes, qui avaient besoin de faire main basse sur les richesses du sous-sol congolais. La lecture de l’histoire faite par la radio Okapi est une lecture qui reconduit la rhétorique officielle qui a pour objectif de pouvoir écrire l’histoire des vainqueurs. Nous devons pouvoir être très attentifs à cela. Quand lui-même, LD Kabila va se rendre compte de la supercherie, il va chercher à demander à ceux qui l’avaient conduit au Congo de pouvoir rentrer chez eux, et c’est ainsi qu’il y a eu la guerre du 2 août 1998.
L’arrivée de Joseph Kabila à la tête du pays pose problème. Après l’assassinat de LD Kabila, nous pouvons poser cette question simple : A qui profite le crime ? Si nous mettons cette question entre parenthèses, nous n’allons pas faire un bon bilan de ces années que Joseph Kabila a usurpées le pouvoir au Congo. Mzee Kabila, assassiné, c’est à Joseph Kabila que profite le crime.
Comment évaluer le bilan de quelqu’un, à qui a profité l’assassinat de celui qui est supposé être son père adoptif. Qu’a-t-il fait pour que les commanditaires de cet assassinat puissent être connus et traduits en justice ? Nous nous sommes rendus compte que ceux qui avaient été gardés pendant très longtemps à Makala, étaient des sous-fifres.
Donc, Kabila usurpe le pouvoir et ne vient pas pour gouverner. Kabila vient pour poursuivre l’extermination des congolais, le pillage du Congo pour ouvrir effectivement le Congo, à ceux qui ont commandité l’assassinat de Mzee Kabila.
Sur le bilan des 15 ans de Kabila à la tête du Congo
Dans son livre « Les nouveaux prédateurs », la journaliste Colette Braeckmann explique que l’usurpation du pouvoir par Joseph Kabila a permis à ceux qui voulaient ouvrir le Congo au néolibéralisme de le faire. A-t-il réussi ? Oui. Son bilan est positif par rapport à ceux qui ont tout fait pour que le Congo puisse être ouvert aux pilleurs. Comme membre du réseau d’élites qui a contribué au pillage du Congo, Kabila a réussi. Comme membre du réseau d’élites décidé à exterminer les congolais, à dépeupler les villages congolais et à chasser les congolais de leurs terres pour les exploiter, Kabila a réussi. C’est depuis 1996, que nos compatriotes, surtout à l’Est du pays, sont régulièrement chassés de leurs terres et tués. Et de ce point de vue, son bilan est positif.
C’est la que par moment, nous faisons une mauvaise lecture de l’homme. Cet homme est un soldat qui avait une mission spécifique, qu’il a réalisé ou qu’il est en train de réaliser, avec le soutien de ces parrains et de ceux à qui il sert de cheval de Troie. Il réussit très très bien son travail, mais cela aux dépens des populations congolaises. Qui meurent d’assassinats et de massacres, qui sont enfermés dans des prisons sans procès, qui sont criminalisés lorsqu’ils veulent se mettre debout. Et le Congo est devenu sous ce soldat du FPR, une prison à ciel ouvert.
Sur la lecture de l’histoire
Nous avons un problème sérieux de la lecture de l’histoire. Plusieurs d’entre nous sont tombés dans l’avarice et la cupidité alors ils ne relisent pas l’histoire. Du moment qu’appeler Kabila, Raïs ou président de la République leur permet de pouvoir accéder à la mangeoire, l’histoire n’est pas leur affaire. Si nous avions des politiciens sérieux, ils resteraient concentrés sur cette question qui s’est posée après l’assassinat de Mzee Kabila : A qui a profité le crime ?
Ces politiciens congolais ne s’intéressent qu’aux élections. Les questions liées à l’histoire, à l’économie, à la vie sociale de nos populations n’intéressent pas grand monde dans nos milieux politiques. Voilà pourquoi nous militons pour l’entrée des masses populaires congolaises dans cette arène politique. Pour qu’elles puissent, à partir de leurs collèges, organiser des assemblées capables de débattre, délibérer sur des questions constitutionnalisables de façon à pouvoir diminuer de plus en plus, de ceux qui, une fois qu’ils ont accès à la gestion de la « chose publique », oublient de travailler à la production de sens et du bien commun.
Sur la corruption au Congo
On ne peut pas nous convaincre aujourd’hui, qu’on va prendre des mesures qui vont aboutir à quelque chose de bien pour le Congo, après qu’on nous ait dit, il y a quelques années, que les portes des prisons avaient été ouvertes pour accueillir tous les corrompus. Jusqu’à ce jour, nous n’avons pas vu de procès en bonne et due forme, menée à l’endroit des criminels économiques.
Le rapport Kassem de 2002 qui parle du réseau d’élites et qui montre comment ce réseau dont certains membres du gouvernement congolais actuel a participé, a pillé en règle le pays, comment ceux qui aujourd’hui participent à ces réunions de ministres se sont constituées une économie de la guerre.
Ce qui a été corrompu chez nous, c’est beaucoup plus le sens de l’être. Avec le conglomérat d’aventuriers qui a géré ce pays sous l’AFDL, nous nous sommes rendus compte que l’avoir a pris le dessus sur l’être. Le fait de pouvoir respecter l’être humain a été corrompu au point que plusieurs d’entre nous peuvent être achetés par l’argent.
Sur la révolution des congolais
Ces gens sont là pour détruire le Congo et l’humain congolais. Voilà pourquoi l’humain congolais qui a encore le sens de sa dignité, qui est encore fier d’être congolais doit pouvoir se révolter. S’engager dans une révolution des valeurs. Il doit déclarer révolu tout ce qui ne contribue pas à la fabrication du bien commun. C’est cette forme de révolution que l’humain congolais constitué en collectif citoyen oit pouvoir réaliser.
Sur le choix des armes
Les occidentaux créent une situation de conflit qui leur sert de marché pour vendre leurs armes. D’une part, ils font semblant de travailler avec l’opposition, d’autre part, ils vendent des armes à ce qu’on appelle le pouvoir. Dans le mythe de la bonne guerre, Jacques Pauwels explique qu’ils ont procédé de la même façon avec l’Allemagne et l’URSS. En relisant l’histoire de l’autre, en relisant notre histoire avec l’autre, que nous pouvons mieux nous organiser pour éviter de devenir, pour cet autre qui s’est servi pendant très longtemps de la politique du diviser pour régner, ses jouets. C’est là que se situe l’une des équations congolaises : Comment éviter de tomber dans le piège des vendeurs armes, pour exterminer nos populations et appeler les écouter quand ils nous inviteront à constituer des gouvernements d’union nationale ? N’est-il pas temps d’arrêter avec ces armes, parce que les 5 membres du conseil de sécurité de l’ONU sont des grands producteurs et vendeurs d’armes. En voyant tout ce qui se passe dans ce monde, en Libye, en Syrie, en Irak, en Afghanistan, pourquoi ne pouvons pas en tirer des leçons ?
Sur la mondialisation néolibérale
L’esclavage et la colonisation comme paradigme de néantisation de l’humain en nous, comme paradigme d’indignité, ont produit des effets néfastes dans les cœurs et les esprits de plusieurs d’entre nous au point d’inoculer un complexe d’infériorité ineffaçable. Ce complexe est devenu une pathologie chez certains d’entre nous. Quand vous avez affaire à une pathologie, il faut trouver des thérapies collectives. On en guérit par une éducation civique et patriotique.
La mondialisation néolibérale travaille de la même façon que l’a fait la traite négrière, la colonisation ou la néocolonisation. Elle obéit à une même logique, la logique du mépris, la logique du racisme.
Quand ce mépris là est inoculé en nous. Nous croyons que nous valons absolument rien, en dehors du quitus que l’autre peut nous donner.
Sur les minorités organiques congolaises
Les minorités organiques structurantes peuvent, à partir du travail qu’elles font, devenir des masses critiques. Une masse critique n’est pas d’abord une question de nombre. Non, c’est une question de la maîtrise des enjeux et de l’engagement courageux que cela entraîne, pour pouvoir jouer dans les masses populaires, le rôle du levain de la pâte et renverser les rapports de force. Et puis n’oubliez que nous sommes en face de nouveaux cercles de pouvoir néolibéraux qui sont immensément riches, qui sont plus forts que nous, et qui ont plus de moyens que nous. Cela a un effet sur plusieurs de nos compatriotes.