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Viol de l’imaginaire, usure et esclavage volontaire : Pourquoi nous devons refonder l’élite politique et intellectuelle congolaise

Viol de l’imaginaire, usure et esclavage volontaire : Pourquoi nous devons refonder l’élite politique et intellectuelle congolaise

Viol de l’imaginaire, usure et esclavage volontaire : Pourquoi nous devons refonder l’élite politique et intellectuelle congolaise 960 520 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu rappelle pourquoi l’incertitude politique au Congo n’est pas lié au sort politique de Joseph Kabila, apporte un éclairage sur la fatigue et l’usure qui touche non seulement les masses populaires mais aussi les élites intellectuelles et politiques, décrypte le triomphe de l’hégémonie culturelle occidentale auprès des congolais et notamment des politiques congolais, et explique pourquoi nous avons tout intérêt à créer des lieux du savoir.

Sur l’incertitude politique au Congo

Cette incertitude n’est pas liée au fait que Kabila ne puisse pas dire un mot sur la fin de son mandat, et puis de quel mandat ? La question majeure est celle de la perte de légitimité des gouvernants congolais depuis les années 1960. Cette perte de légitimité des gouvernants congolais est permanente. Nous accordons tellement d’importance à Kabila que nous oublions qu’il est un cheval de Troie, un soldat du Tutsi Power.
La question congolaise actuelle n’est pas seulement la question électorale, c’est la question de l’occupation permanente du pays, de sa balkanisation, de la répression et de l’oppression de ses filles et fils.
Dès que nous perdons de vue ces questions là, nous risquons de mener un faux débat.
La répression et l’oppression menées sur le temps long conduisent les compatriotes non avertis à la cassure de toutes leurs capacités de résistance et les transforment en masse d’applaudisseurs et indigents qui vont aller ramasser les miettes qui tombent des tables de ce réseau mafieux de prédation.
Nous sommes arrivés à un point tel que les analyses historiques, géopolitiques, pouvant aider un certain nombre de nos compatriotes à comprendre les enjeux existentiels face auxquels le pays est placé aujourd’hui, ne passent presque plus. Pourquoi ? L’une des raisons est que la répression dégrade et l’oppression abrutit.

Sur la fatigue et l’usure de la classe politique

Les masses peuvent entretenir des échanges avec une élite organique et structurante ayant compris la question des enjeux essentiels. La fatigue, l’usure ne se fait pas sentir tout simplement au niveau des masses, parce que la répression et l’oppression atteignent aussi une bonne partie de l’élite politique et intellectuelle qui se transforme en esclave volontaire ou qui met leur conscience patriotique entre parenthèses et devient serviteur du ventre. L’usure et la fatigue se font sentir, et du côté des élites politiques et du côté des masses populaires.
Voilà pourquoi nous en appelons à la refondation, à la renaissance de l’élite politique et intellectuelle en comptant beaucoup plus sur la jeunesse qui est en train de monter.

Sur la dépendance de la classe politique vis à vis de l’extérieur

Ce recours de la classe politique aux étrangers est sans doute le résultat d’un viol de l’imaginaire entretenu. Ce viol de l’imaginaire ne date de pas de 1885 lors du partage de la conférence de Berlin. Il date du moment où les forces occidentales attaquent l’Egypte ancienne pour pouvoir casser toute la culture égyptienne et toutes ses traditions qui lient l’Afrique à l’Egypte comme source de la culture politique, économique, sociale. Il y a systématiquement un viol de l’imaginaire entretenu pendant très très longtemps, et nous n’avons pas réussi, depuis que ce viol de l’imaginaire s’opère, à refonder nos propres écoles, nos propres universités, nos propres lieux de pensée pour pouvoir le remettre en question. Ce qui fait que à un certain moment, au lieu de fonder le pouvoir sur nos populations, sur les masses populaires transformées en démiurges de leur propre destinée, la tendance est de se laisser conduire par l’hégémonie culturelle occidentale qui a gagné les coeurs et les esprits au point de faire croire aux politiques congolais ou à un certain nombre d’entre eux que c’est l’Occident qui donne le pouvoir et les masses populaires semblent passer en second lieu.

Sur le réalisme politique et le triomphe de l’hégémonie culturelle occidentale

Qu’appelle-t-on réalisme politique dans un monde devenu multipolaire ? Là où certains voient du réalisme dans le recours aux occidentaux, j’y vois, au contraire, le triomphe de l’hégémonie occidentale. Le fait que les élites politiques et intellectuelles aient cru profondément qu’il y a une seule voie d’accès aux affaires, à la gestion de nos pays et de nos gouvernements, c’est la voie occidentale, cela trahit le fait que plusieurs d’entre nous n’ont pas encore compris l’importance et de la pensée plurielle et du monde qui est en train de devenir multipolaire. Il y a même une répercussion de cette pensée unique au niveau de nos débats.
Or si nous acceptons le fait que le monde devient multipolaire, alors nous pouvons créer d’autres partenariats et diversifions. Nous pouvons travailler avec les occidentaux, tout en nous ouvrant à ce monde multipolaire qui est en train de s’imposer.

Sur le discours souverainiste de Kinshasa

Vous ne pouvez pas à la fois tenir un discours souverainiste, et vous reposez économiquement sur les circuits aliénants de l’hégémonie dominante. C’est que rhétoriquement vous êtes forts, mais économiquement, réellement, vous êtes faible. Un discours souverainiste ne peut prendre que dans la mesure où un Etat s’assume, politiquement, économiquement, et au niveau sécuritaire. Un pays comme la Chine, un pays comme la Russie peuvent s’assumer.
Une rhétorique qui ne repose pas sur une base populaire sûre, qui ne repose pas sur une base économique sûre, c’est une rhétorique qui peut contribuer à la diversion.

Sur l’Afrique du Sud

En Afrique du Sud, on a donné à l’élite noire du pays le pouvoir politique mais pas le pouvoir économique. C’est ainsi qu’elle peut être instrumentalisée par ceux qui ont le pouvoir économique pour que ces derniers aient accès à certains marchés africains. L’un des neveux de Jacob Zuma fait des affaires au Congo avec le pouvoir-os actuel.

Sur la nécessité de créer des lieux du savoir

Nous avons un travail d’études des archives et de l’histoire à commencer et recommencer pour comprendre ce qui se passe dans notre pays. Nous ne pouvons pas nous contenter d’une diplomatie à la sauvette. Nous devons créer les lieux de la pensée et du savoir. Parce que ce qui se fait aujourd’hui dans notre pays a déjà été conçu dans les think-tanks depuis longtemps. Où sont les nôtres ? Où est-ce que nous faisons un véritable débat d’idées contradictoire sans nous entretuer ?

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

Notre travail consiste à :
Développer un laboratoire d’idées sur le passé, présent et futur du Congo-Kinshasa.

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