Par Jean-Pierre Mbelu
« La seule leçon de l’histoire, c’est qu’on n’apprend rien de l’histoire, sauf pendant une courte durée appelée vie humaine. Une fois cette vie humaine passée, la génération suivante a des échos, et celle d’après, est totalement ignare. » – Patrick Reymond
Mise en route
Les « politiciens » kongolais, à quelques exceptions près, donnent l’impression de ne jamais se soucier de revenir sur les accords qu’ils ont signés au cours de la guerre raciste de prédation et de basse intensité imposée au pays depuis bientôt trois décennies. Pour eux, dès la signature de ces accords, ils ont cru naïvement (ou influencés par la corruption) que c’est fait pour le bien du pays.
D’où vient cette naïveté ? Peut-être qu’ elle est le fruit d’une confiance aveugle dans la « communauté dite internationale ». Une confiance refusant de questionner le mode opératoire, les tactiques et les stratégies auxquelles cette fameuse « communauté dite internationale » a recours, tout au long de l’histoire pour imposer l’hégémonie culturelle dominante, la colonisation et la néocolonisation du Kongo-Kinshasa. Cela peut aussi être dû à la corruption des coeurs et des esprits.
Sun City et le renseignement
Il est curieux que plusieurs « politiciens » aient fétichisé les accords signés à Sun City au point qu’ils refusent d’aborder certaines questions au nom des réponses qui ont été données en Afrique du Sud. Pourtant, certains témoignages donnés par certains « diplomates » et « officiers de renseignement » ayant pris une part active à ce rendez-vous ont conduit Charles Onana à se rendre compte, comme plusieurs compatriotes ayant étudié en profondeur Sun City, que « les accords de Sun City signés le 17 septembre 2002 en Afrique et soutenu par l’Union européenne et les Etats-Unis fondent la réforme du système de sécurité en RDC. C’est ce texte politique qui va ouvrir la porte à la destruction totale de ce qui restait de l’armée congolaise en y intégrant un plus grand nombre de malfaiteurs et criminels contre l’humanité issus des différents groupes armés prétendument congolais. Les parrains de cette rencontre l’ont d’ailleurs intitulé « dialogue intercongolais».[1] »
Lorsque « les politiciens » kongolais parlent de Sun City aujourd’hui, ils ne font presque pas allusion aux « parrains ». Ils font comme si ce furent eux « les acteurs pléniers » de cette rencontre.
Qui furent les parrains de cette rencontre ? Qui a dit que cette rencontre fut « un dialogue intercongolais » ? Ce ne furent pas les Kongolais eux-mêmes. Non. Alors, lorsque « les politiciens » kongolais parlent de Sun City aujourd’hui, ils ne font presque pas allusion aux « parrains ».
Ils font comme si ce furent eux « les acteurs pléniers » de cette rencontre. Telle est l’illusion dans laquelle ils enfoncent leurs tambourinaires, leurs applaudisseurs et leurs thuriféraires ayant renoncé à la relecture de l’histoire et au livre.
Quel est le mécanisme utilisé par « les parrains » et leurs alliés pour détruire totalement ce restait de l’armée kongolaise ?
Le DDR
Il s’agit de la stratégie de désarmement, de démobilisation et de réintégration (DDR) sous la fallacieux prétexte de contribuer à sécuriser et à stabiliser le pays.
Tout ce qui est né au faux dialogue interkongolais de Sun City porte les marques de l’infiltration de l’armée et de plusieurs institutions kongolaises. La fameuse constitution à laquelle se réfère continuellement « les politiciens » est un « texte légalisé » en fonction de cette infiltration nécessaire à la production du Kongo-Kinshasa comme « Etat raté ».
« Qui va être concerné par ce programme de DDR que soutiennent la Banque mondiale et l’Union européenne, bailleurs de fonds [2] », s’interroge Charles Onana ? Il répond : « C’est là que toute la confusion s’installe, presque volontairement. On y trouve entre autres, les ex-Forces armées congolaises (FAC), la milice dénommée Mouvement pour la libération du Congo (MLC), dirigée par Jean-Pierre Bemba et soutenue par l’Ouganda, la milice appelée Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) dirigée par Azarias Ruberwa et soutenue, puis les miliciens banyamulenge intégrés dans cette armée. Ils font exactement au sein des FARDC ce qu’ils ont toujours fait en tant que miliciens ou mercenaires dans leurs « rébellions » respectives. Et cela porte lourdement atteinte à l’image de l’armée congolaise en général.[3] »
Donc, le DDR a facilité l’infiltration des mercenaires et criminels de guerre et contre l’humanité ougandais, rwandais et burundais. En 2013, Kalev Mutond, dans une note adressée au représentant spécial du secrétaire général de l’ONU, indique les noms d’une centaine d’officiers supérieurs rwandais dans les rangs des FARDC. Kalev Mutond, patron de l’Agence nationale de renseignement (ANR), – à ce moment-là- décrie le fait (pour rire?) que ces officiers rwandais condamnés et poursuivis pour leurs crimes au pays se retrouvent dans l’armée du pays.
Tout ce qui est né au faux dialogue interkongolais de Sun City porte les marques de l’infiltration de l’armée et de plusieurs institutions kongolaises.
La fameuse constitution à laquelle se réfère continuellement « les politiciens » est un « texte légalisé » en fonction de cette infiltration nécessaire à la production du Kongo-Kinshasa comme « Etat raté ».
Donc, Sun City est le lieu où des compatriotes, à quelques exceptions près, se sont laissés corrompre pour asservir collectivement le pays de Lumumba.
Une petite conclusion : une lecture critique des accords
Refermer cette parenthèse passe par une lecture critique des accords néocolonialistes signés au cours de la guerre raciste de prédation et de basse intensité imposée au Kongo-Kinshasa, par une nouvelle écriture d’une constitution souverainiste et par la promotion permanente de l’intelligence collective.
Babanya Kabudi
Génération Lumumba 1961
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[1] C. ONANA, Holocauste au Congo. L’Omerta de la communauté internationale. La France complice ?, Ed de l’Artilleur, Paris, 2023, p. 426, note 8. [2] Ibidem, p.427. [3] Ibidem, p. 427-438.