Source: Le Phare.
Kinshasa — Cela parait incroyable, mais c’est pourtant vrai : un jeune Congolais naturalisé français s’était fait arrêter au mois d’août au Niger avant d’être renvoyé en France. Le mobile de son aventure en territoire nigérien : tenter de gagner le Nord du Mali en vue de s’enrôler comme combattant de l’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique). Un autre jeune Français, d’origine Malienne, a lui aussi connu une mauvaise fortune au Mali, la semaine dernière, en se faisant cueillir par les services de sécurité de ce pays, pour le même mobile.
L’affaire des jeunes Français d’origine africaine et spécialement subsaharienne décidés à s’engager dans les mouvements terroristes qui envahissent progressivement l’Afrique fait grand bruit en France comme dans l’Ouest du continent. Ici, des dispositions particulières sont arrêtées en vue de la traque de ces enfants égarés.
La présence, dans les rangs des terroristes en devenir, d’un citoyen originaire de la République Démocratique du Congo, amène plus d’un observateur à s’interroger sur le sort de notre pays, dont les frontières sont comptées parmi les plus poreuses du continent. En effet, au Nord, à l’Est, au Sud comme à l’Ouest de l’un des États les plus grands d’Afrique en termes de superficie, il se remarque une sorte d’incapacité du système national de sécurité et de défense de fonctionner face aux incursions militaires menées à partir des pays voisins.
A l’Ouest par exemple, l’armée angolaise traverse la frontière commune dans les territoires de Tshela, Mbanza-Ngungu ou Kahemba quand elle le veut, sous des prétextes divers. Il s’agit tantôt de l’exercice du droit de poursuite sur les rebelles du Front de Libération du Cabinda (Flec), tantôt de la chasse aux villageois congolais accusés de faire des champs en terre angolaise alors que, visiblement, ces derniers s’adonnent à la chasse, à la pêche et à l’agriculture sur le sol de leurs ancêtres.
Au Nord, les éleveurs Mbororo comme les rebelles ougandais de la LRA se sont aménagés, voici plusieurs décennies, des « zones interdites » aux Congolais et à l’administration congolaise. Les uns et les autres se sont créés de larges couloirs pour le trafic des armes, des munitions, des minerais, de biens divers, etc.
A l’Est (Nord-Kivu, Sud-Kivu, Maniema), plus d’une quarantaine de groupes armés congolais et quelques mouvements rebelles étrangers, dont les plus en vue du moment sont le M23 (Mouvement du 23 mars 2009) et les FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda) contrôlent de vastes de terres qui échappent au contrôle du pouvoir central, des autorités provinciales, de l’armée et de la Police nationale congolaises. Maîtres après Dieu de leurs « républiquettes » de fait, ces forces négatives reçoivent le soutien actif en armes, munitions, logistiques, argent et troupes du Rwanda, de l’Ouganda, du Burundi et même de la Tanzanie, à en croire les conclusions du rapport du panel des experts des Nations Unies dont des fuites sont parvenues aux médias depuis le mois de juin 2012.
Au Sud, plusieurs groupes armés, dont celui de Kyungu Gédéon, écument le Nord-Katanga, rendant ingouvernables plusieurs localités. Le Lac Tanganyika ressemble, à cet effet, à un « boulevard » réservé au transport illicite des armes, des minerais et des produits divers.
En fait, aucun dispositif n’est arrêté pour savoir comment opère la filière du terrorisme au pays et combien de jeunes sont déjà recrutés à cette fin.
Un État fragile…
La République Démocratique du Congo est fichée, au plan sécuritaire, comme un Etat fragile. La persistance de l’état de ni guerre ni paix, depuis son invasion par les réfugiés et miliciens armés rwandais en 1994, est la conséquence de sa perméabilité aux groupes armés, mouvements rebelles et armées régulières étrangères qui s’offrent, à des cycles réguliers, des safaris sur son territoire.
Pendant que les « forces négatives » s’arment, pillent et tuent dans les territoires sous leur contrôle, des mouvements pirates d’aéronefs s’observent dans les aérodromes du Nord et de l’Est du pays, parfois sous les regards complaisants des représentants du pouvoir central et des exécutifs provinciaux.
Ces avions que personne ne contrôle et qui assurent au quotidien des navettes entre les pistes aéroportuaires congolaises et celles de l’Ouganda, du Rwanda, du Burundi et de la Tanzanie peuvent tout aussi bien servir au transport des éléments armés et des jeunes recruts pour les besoins des groupes armés. Mine de rien, la RDC est transformée en pépinière des groupes terroristes capables d’alimenter ceux déjà positionnés à l’Ouest et au Nord de l’Afrique. Bref, le message venu du Niger devrait interpeller les autorités congolaises, qui ne semblent par prendre la pleine mesure de l’enlisement de la situation d’insécurité.
La montée des milices au Nord, à l’Est et au Sud du pays mérite un examen approfondi. Il n’est pas exclu que leur activisme soit lié à leur prise en charge par des multinationales, des politiciens congolais affairistes et des gouvernants aux mains sales, tous impliqués dans l’agenda de déstabilisation et de balkanisation du pays. L’avenir de la RDC, de la région des Grands Lacs, mais aussi de l’Afrique est en péril à cause de la boulimie d’un cartel de personnes physiques et morales déterminées à garnir leurs comptes en banques dans des paradis fiscaux bien connus de la planète.