Source: Le Soir. Edition du 7 mars 2012. Par Colette Braekmann.
Le président Kabila est seul pour composer son cabinet et le gouvernement.
Trois mois après les élections législatives du 28 novembre 2011, la vie politique congolaise est toujours en suspens : ce n’est qu’en avril que la Cour suprême de justice, après avoir examiné 500 recours, publiera les résultats définitifs des élections législatives. D’ici là, le président Kabila devra s’atteler à la délicate recomposition des deux principaux centres du pouvoir : le gouvernement et son cabinet présidentiel. Le casting relève du casse-tête.
Ce mardi, pour donner la priorité à son mandat de député du Palu (Parti lumumbiste unifié), le Premier ministre Adolphe Muzito a présenté la démission de son gouvernement : « Le président doit avoir les mains libres », a-t-il déclaré. Et c’est bien entre les mains du chef de l’Etat que se trouvent désormais toutes les cartes. En 2006, sa victoire au deuxième tour avait été obtenue grâce au soutien du Palu, qui, en échange, avait obtenu le poste de Premier ministre. Cette fois, la nébuleuse des partis qui ont soutenu le président dispose d’une majorité absolue au Parlement.
Sur le plan strictement arithmétique, la nécessité d’une coalition ne s’impose donc plus. Mais le parti le plus proche du chef de l’Etat, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie), arrivé en tête à l’Assemblée, est passé de 111 sièges en 2006 à 62. En outre, plusieurs poids lourds de l’ancienne majorité présidentielle ont été recalés : des proches du président, anciens membres de son cabinet ou de son entourage, Léonard She Okitundu, Marcellin Cishambo, Jean-Charles Okoto, ainsi que plusieurs ministres sortants comme Tambwe Mwamba (Affaires étrangères), Martin Kabwelulu (Mines) ou Raymond Tshibanda (Coopération internationale).
Décimée par la sanction électorale, la « garde rapprochée » du chef de l’Etat a aussi été décapitée par le décès d’Augustin Katumba Mwanke, victime du crash aérien de Bukavu. Ce dernier, député du Nord-Katanga, était le véritable « faiseur de roi » du régime : toutes les nominations et aussi tous les contrats importants passaient par lui.
La disparition de ce maillon essentiel place désormais le chef de l’Etat en première ligne, l’obligeant à assumer lui-même les décisions politiques et le choix des hommes.
Or, les enjeux de ce deuxième et, en principe, dernier mandat, sont de taille. Le message des électeurs est en effet limpide : il y a exigence de changement, exigence de social. La population entend, d’urgence, bénéficier des fruits de la croissance.
Un technocrate compétent et rigoureux, comme le ministre des Finances sortant, Matata Mponyo – rescapé de l’accident de Bukavu –, pourrait, au poste de Premier ministre, incarner cette nouvelle politique, avec la bénédiction des institutions financières internationales.
Le casse-tête des provinces
Plusieurs femmes incarnent aussi le social, comme Marie-Ange Lukiana, ex-ministre du Travail. Mais aussi, l’épouse du chef de l’Etat, Olive Lembe. Le président entend en tout cas poursuivre la « révolution de la modernité », qu’il s’agisse des transports, des communications ou de l’enseignement.
Kabila devra aussi récompenser les provinces qui ont voté pour lui (Katanga, Maniéma, Nord et Sud-Kivu), peu favorisées lors de son premier mandat, et se rallier les autres (Bas-Congo, Bandundu et surtout les deux Kasaïs). Un autre enjeu est la réconciliation avec les Occidentaux, réticents face aux nouveaux partenaires « émergents » et surtout très critiques face au déroulement des élections. L’actuel président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, pourrait être chargé de jouer les « go between… »
Pour la pacification de l’Est, Kinshasa cherche toujours le faiseur de miracles…