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RD Congo : Entre le dialogue inutile et le dialogue nécessaire…

RD Congo : Entre le dialogue inutile et le dialogue nécessaire…

RD Congo : Entre le dialogue inutile et le dialogue nécessaire… 768 512 Ingeta

L’analyste politique Jean-Pierre Mbelu démontre comment la convocation d’un dialogue national inclusif par Kabila n’est qu’une reconduite des thèses de ce dernier («Il n’y a pas d’argent pour les élection», «privilégier le développement aux élections, source de violence»), revient sur la crise permanente que connaît le Congo depuis 1885, montre comment le dialogue convoqué par Kabila est inutile et expliquoi pourquoi un dialogue entre les congolais et les maîtres du monde est nécessaire.

Sur la convocation du dialogue national inclusif par Kabila

Il y a ni sincérité, ni bonne foi et aucun crédit ne peut être à cet appel lancé par Kabila. Il reconduit une thèse qui lui est très chère : les élections organisées selon le modèle classique coûtent cher, il faut trouver des modalités d’organisation de ces élections de façon à pouvoir concilier démocratie et développement. Et quelles sont ces modalités ? Les élections présidentielles au suffrage indirect.
Il y a eu les élections de 2006, suivies d’affrontements dans la ville de Kinshasa. En 2011, bien avant les élections, les modalités avaient été modifiées. Et le 26 novembre 2011, la police politique de Kabila a tiré à balles réelles sur les compatriotes partis accueillir Tshisekedi.
A l’aube de 2016, Kabila dit maintenant que les élections classiques coûtent cher et il faut en modifier les modalités pour tenir compte du coût. De qui se moque-t-on dans ce pays ?
Kabila habille les thèses qui lui sont chères de tout ce blabla parce qu’il voudrait convaincre les congolais que ce qu’il est en train de fixer comme règles sont issus de concertations qu’il a eu avant de pouvoir annoncer le dialogue.
La semaine dernière Matata Ponyo a été élevé au rang de Docteur Honoris Causa, pour avoir bien géré le gouvernement. Cela suppose qu’en tant que chef de gouvernement, il a produit de la richesse parce que le pays a une croissance qui frôlait les 7 à 8%. Vous ne pouvez pas à la fois dire le Congo est un pays qui connaît une grande croissance économique, d’une part, et soutenir qu’il n’y a pas d’argent pour organiser ce que lui-même Joseph Kabila appelle un acte de souveraineté public, l’élection.
Au final, le discours de Kabila reconduit les thèses de la Kabilie, tout est maintenant dans le camp de ceux qui avaient cru que quelque chose de bon sortirait de ce dialogue là. Le sang congolais continue à couler malgré les beaux discours débités par Kabila à Kinshasa.

Sur Kabila, le pompier pyromane

Il y a, à la fois, de la mauvaise foi, de la ruse, et un déni public du rôle que Kabila joue au Congo-Kinshasa. Quand, il relie l’histoire des élections, la faute, il l’incombe aux autres. Ce sont les autres qui ont attaqué après les élections de 2006 et 2011 même quand nous avons des images montrant sa police politique en train de tirer, à balles réelles, sur nos populations.
Au moment, où il convoque le dialogue, le samedi 28 novembre 2015, nos jeunes, qui organisaient une marche pacifique pour commémorer les morts à Beni, se faisaient poursuivre et tirer dessus, à balles réelles, par la police politique de Kabila. Kabila est un pyromane qui voudrait se présenter comme pompier.
Dans le même ordre d’idée : Quand le clan de la Kabilie critique le message des évêques de la CENCO, ils disent vous voyez ils appellent le peuple à la violence. Tout simplement parce que du côté des évêques du comité permanent de la CENCO, il y a une référence à l’article 64. Comment voulez-vous qu’un pays qui prétend avoir une constitution, estime que recourir à un article de cette même constitution, c’est appeler le peuple à la violence ?

Sur le message de la CENCO

L’Eglise congolaise est restée logique avec elle-même. La question que pose l’Eglise est la suivante : faudrait-il encore que le sang coule en RD Congo si les règles du jeu ne sont pas respectées ? Si elle est favorable à un dialogue, elle demande avec insistance que tout soit fait dans le respect des règles constitutionnelles.
Il y a un défi que l’Eglise est appelée à relever : Comment va-t-elle faire pour que le sang ne coule plus. Elle a prévu, pour cela, un ensemble d’actions à mener en 2016. Voyons voir si ces actions là pourront faire que le sang ne puisse plus couler au Congo parce que le texte de la CENCO fait également écho à un texte qu’elle avait publié en février 2014, qui interpellait déjà ceux qui font office de gouvernants pour qu’ils puissent éviter la violence. Malgré tout, la violence n’a pas été arrêtée. Comment cela va-t-il se passer cette fois-ci ? Parce que le sang a déjà coulé à Beni le 28 novembre dernier.

Sur le contexte historique du dialogue

Il y a, quelque part, une récupération que Kabila fait d’une proposition qui n’est pas sienne. La proposition du dialogue n’est pas une proposition initiale de Kabila. Il y avait opposé une grande résistance au moment où cette proposition avait été faite par une partie de l’opposition politique. Maintenant, il fait comme l’initiative du dialogue ne venait pas d’Addis-Adeba et autres concertations, et que c’était lui qui avait initié cela.
Ensuite, n’oubliez pas que ladite opposition politique, et ce qu’on appelle majorité politique, font partie d’une même classe politique qui tient à conserver le statu quo au Congo. Tout se traite en termes de mangeoire.
Enfin, n’oublions pas qu’il y a une inversion sémantique terrible au Congo. On parle de démocratie dans un pays sous occupation et sous-tutelle de l’ONU. Et Kabila se permet même de dire que le Congo, dans ce pays sous occupation et sous-tutelle, est un pays souverain. La classe politique tient un discours qui n’a rien à voir avec la vérité crue que le Congo est en train de vivre. Comment voulez-vous qu’un pays qui n’est même pas un Etat devienne une démocratie ? Il faudrait tirer le Congo de l’occupation et de la tutelle de l’ONU avant de pouvoir penser à la démocratie et à la refondation de l’Etat.

Sur la crise permanente au Congo

La crise de légitimité au Congo ne date pas d’hier. On pourrait même dire que cette crise date des années 1885 quand les occidentaux se sont partagés l’Afrique. Quand Lumumba est assassiné, cette crise prend une dimension très importante. En 1965, quand Mobutu fait son coup d’Etat, la crise prend une dimension importante. Vers les années 1990 avec la conférence nationale. Ce sont là des moments historiques où cette crise est venue sur le devant de la scène. Mais nous ne cherchons pas à y trouver une solution définitive. Nous pourrions y arriver en faisant une grande coalition de congolais qui irait discuter avec les maîtres du monde, ceux qui ont choisi de subdiviser l’Afrique et de faire du Congo un réservoir de matières premières en 1885.

Sur le vrai dialogue à mener :

Si nous voulons réellement un dialogue qui pourrait constituer un début de réponse à cette crise qui date de 1885, nous devrions constituer un grand mouvement congolais d’une part, et d’autre part, appeler les maîtres du monde à une table pour qu’ils nous disent comment au Congo, travailler ensemble, protéger leurs intérêts, mais surtout protéger les intérêts des congolais. Or ce qui se passe maintenant, c’est que, au lieu d’aller discuter, face à face avec les maîtres du monde qui créent les proxys et les marionnettes qui sont au Congo, et bien, on va discuter avec les marionnettes. C’est une démarche inutile et épuisante. C’est une manière de montrer aux congolais que ceux qui veulent que le pays reste à tout jamais un réservoir de matières premières, n’ont aucun intérêt à voir le Congo rompre avec ce statut là. La question est posée fondamentalement aux congolaises et aux congolais : Comment pouvons-nous faire, nous, pour qu’au lieu que les démons du tribalisme et de la religion soient instrumentalisées pour une confrontation entre congolais, notre diversité nous tire vers la convergence de nos intérêts ?
Nous vivons dans un monde interdépendant et les maîtres du monde auront toujours leurs intérêts chez nous. Comment coaliser pour pouvoir leur faire face ? ou pouvoir coopérer pour que la vie soit sauvegardée au Congo ?

INGETA.

REINVENTONS

LE CONGO

Informer. Inspirer. Impacter.

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